Dix ans après Mai 68, il était temps de structurer l'élan associatif. Le retour à la terre continuait de nourrir sa génération d'utopistes. Les Jardins de Cocagne sont nés en 1978. On était encore en pleine guerre froide, l'URSS braquait ses SS20 sur l'Europe qui ne comptait alors que neuf membres et les Américains n'avaient pas encore riposté en installant leurs Pershing. Biberonnée au plan Wahlen, l'agriculture suisse était encore largement sous contrats publics. La Régie fédérale des blés et celle des alcools géraient les céréales et les pommes de terre. Les montagne de beurre régulait les surproductions récurrentes de lait. Le contingentement laitier était introduit en 1997.
"Produisez on s'occupe du reste" était le slogan en vogue dans les campagnes chaperonnées par les stations de vulgarisation agricole et les techniciens d'un agro-business plus copains que coquins. Migros Sano jouait les pionniers à la fois dans la préoccupation écologique naissante et dans l'intégration des producteurs réduits à l'état de maillons d'une longue chaîne qualité.
Trente ans plus tard, les Jardins de Cocagne, dont l'histoire n'a pas été qu'un long fleuve tranquille, jouent plus que jamais la résistance.