Les Jardins de Cocagne ont 30 ans (08/01/2009)
Dix ans après Mai 68, il était temps de structurer l'élan associatif. Le retour à la terre continuait de nourrir sa génération d'utopistes. Les Jardins de Cocagne sont nés en 1978. On était encore en pleine guerre froide, l'URSS braquait ses SS20 sur l'Europe qui ne comptait alors que neuf membres et les Américains n'avaient pas encore riposté en installant leurs Pershing. Biberonnée au plan Wahlen, l'agriculture suisse était encore largement sous contrats publics. La Régie fédérale des blés et celle des alcools géraient les céréales et les pommes de terre. Les montagne de beurre régulait les surproductions récurrentes de lait. Le contingentement laitier était introduit en 1997.
"Produisez on s'occupe du reste" était le slogan en vogue dans les campagnes chaperonnées par les stations de vulgarisation agricole et les techniciens d'un agro-business plus copains que coquins. Migros Sano jouait les pionniers à la fois dans la préoccupation écologique naissante et dans l'intégration des producteurs réduits à l'état de maillons d'une longue chaîne qualité.
Trente ans plus tard, les Jardins de Cocagne, dont l'histoire n'a pas été qu'un long fleuve tranquille, jouent plus que jamais la résistance.
La ccopérative bio labellisée Bourgeon compte quelque 400 cotisants à mille francs par an qui reçoivent un cornet hebdomadaire de légumes du terroir. Le concept n'a pas changé, la coopérative a un peu essaimé (ici, là, là) et s'est fédérée le 17 avril 2008. Son action reste marginale dans la souverainté alimentaire du canton. La souveraineté alimentaire a remplacé l'autarcie du plan Wahlen. C'est le nouveau slogan des agriculteurs suisses et du monde, qui ont trouvé chez les Verts et Via Campesina des alliés encombrants mais vitaux. Car, en 30 ans, le marché et l'OMC se sont imposés.
La Régie fédérale des blés a disparu, le bucolique site www.chemindesblés.ch entretient le mythe. La Régie des alcools ne s'occupe plus des pommes de terre. Le fromage doit son salut à sa swissness et le contingentement laitier vit ses dernières semaines. Son abolition totale en mai 2009 s'inscrit dans une guerre des prix entre les producteurs suisses de lait à la recherche d'une unité impossible et les anciennes coopératives agricoles devenues industriels du lait. Il y a bientôt dans et autour de nos administrations plus d'experts es environnement, de fonctionnaires es multiculture, de consultants et de paysagistes que de paysans. La ministre de l'Economie, que des paysans n'hésitent pas à qualifier de catin, n'écoutant qu'Economiesuisse et Avenir Suisse a décidé de faire entrer les paysans de gré ou de force dans l'Europe qui compte désormais 27 membres.
Alea jacta est! L'accord de libre échange agricole est le nouvel épouvantail des campagnes. Au point que certains leaders paysans, jusque dans les rangs de l'UDC (le président des paysans suisses a failli devenir conseiller fédéral et c'est le président des maraîchers suisses qui l'est devenu...) pensent qu'à tout prendre il vaudrait mieux que la Suisse entre dans l'Europe.... Même les paysans bio penchent vers l'Europe, ils y trouveraient un débouché pour leur production. Du bio suisse, c'est une étiquette qui a son prix.
Et les Jardins de Cocagne? Ils organisent cette fin de semaine à l'Alhambra à l'occasion de leur trentième anniversaire un Festival de films: Mangeurs d'avenir ou la souveraineté alimentaire.
Des films donc et deux débats. J'en animerai un ce vendredi à 20h30 sur le thème Paysans ou multinationales. Une agriculture à dimension humaine est-elle encore possible? avec Marie-Monique Robin, auteur du film et du livre "Le Monde selon Monsanto", et Pierre-André Tombez, président d'Uniterre. Ce ne sera pas un débat contradictoire. Comme les paysans suisses, les Jardins de Cocagne cultivent leur jardin.
L'autre débat aura lieu samedi soir à 19h30 sur le thème "Souveraineté alimentaire. Quels projets pour nourrir Genève?" avec François Erard, directeur d'AgriGenève, Reto Cadotsch, paysan directeur des Jardin de Cocagne et Sandrine Salerno, future maire de Genève, qui réfléchit peut-être à l'idée de reprendre le discatère de Manuel Tornare et des cantines scolaires.
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