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Politique genevoise - Page 203

  • Bourgeois squatters?

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    Les squatters de Rhino et la Tour ont donc manifesté leur mécontentement. Rituellement (normal, notre société a brûlé ses rites religieux pour s’emmurer aussitôt dans des rites païens, citoyens et consuméristes plus liberticides). Et violemment, confirmant au passage l’actualité de ce vieux dicton: qui fait l’ange fait la bête. Nos gentils squatters et ceux qui les défendent ont tout aussi rituellement été «débordés» par des casseurs. Non pas de la racaille chère à Sarkozy (le ras-le-bol était vraiment populaire dans le neuf treize et ailleurs dans les cités françaises), mais de véritables terroristes urbains qui, comme l’incendiaire ou le poseur de bombe, sont plus excités par le feu et l’éclat de la poudre que par la cause qu’ils croient défendre

     


    Mais là n’est pas l’essentiel. Car question bombes, feux et fumigènes, l’opulente Genève allume ces jours pour plus d’un million de francs de feux d’artifice, à l’occasion du 1er Août et des Fêtes de Genève. Patriotisme et tourisme même partition?
    Mais là n’est toujours pas l’essentiel. Deux squats sont morts et le plus emblématique d’entre eux y a perdu sa corne (un monument qu’on reverra sans doute — l’original ou sa copie — dans un musée ou sur une place publique). Deux squats sont morts et une vingtaine d’autres vont mourir dans les prochains mois. les journaux ont publié la carte des futurs champs de bataille.

     


    Pourtant le plus important squat du canton continue. Sans bruit ni manif. Et il y a de fortes chances pour qu’il continue encore longtemps. Plus vieux et plus durable que Rhino, ce plus ancien squat genevois est un squat bourgeois. A lui seul, il mine mille fois plus la politique du logement que les septante occupants des immeubles licorne. C’est un squat qui a ses associations, ses réseaux et même sa culture des nains de jardin.

     


    Vous donnez votre langue au chat qui ronronne au pied des propriétaires squatters?

     


    Ce squat pernicieux, c’est celui des villas, maisons, parcs ombragés et ateliers qui occupent la zone de développement 3, ce sont les propriétaires qui conservent non construites les zones déclarées constructibles par la volonté des autorités politiques, soucieuses, autrefois plus qu’aujourd’hui, de permettre à la ville de grandir en évitant autant que faire se peut un envol des prix des terrains.

     


    Non contents de rester passifs, ces propriétaires ont tissé autour de leur «ça m’suffit» un réseau de servitudes réciproques qui empêchent la construction d’immeubles voisins au cas où l’un des propriétaires viendrait à céder aux sollicitations généreuses de l’Etat (qui récemment a augmenté la mise à mille francs le mètre carré, somme à laquelle s’ajoute la valeur à neuf de la maison). Certains d’entre eux se sachant assis sur une fortune potentielle n’ont eu aucune peine à négocier des prêts hypothécaires généreux auprès d’établissements bancaires rassurés de détenir des gages d’aussi bonne qualité.
    Jamais les forces de police ne seront mobilisées contre ces squatters bourgeois. Et c’est tant mieux, car le droit de propriété est un des fondements de la liberté. Cependant le droit de propriété ne saurait être absolu, ni donner lieu à des abus, voire à un accaparement de richesse indu. Le bien commun et les économies d’énergie commandent, hier comme aujourd’hui, de construire la ville en ville.

     


    Voilà plus de 60 ans pour ce qui est de la zone 3 de développement que ces propriétaires savent que leurs terrains sont voués à être densifiés. Ils avaient largement le temps d’anticiper cet avenir. Certains y ont d’ailleurs consenti. Les autres ne peuvent pas être surpris qu’aujourd’hui l’Etat passe à l’action, confronté qu’il est à une pénurie de logements dont chacun ressent les effets au travers d’une pression constante sur les loyers. Ces hausses sont scandaleuses, mais économiquement rationnelles en raison notamment de la confiscation des zones à bâtir.

     


    Faute de pouvoir donner la police contre ces squats silencieux, les autorités pourraient, dans un premier temps, augmenter progressivement la fiscalité grevant ces parcelles jusqu’à leur valeur vénale. Et décréter la nullité des servitudes dont le seul but est d’empêcher la réalisation de la volonté populaire: construire des logements en ville.

     

     

    Le plan directeur cantonal. En rose la zone de développement 3

    Le plan directeur de Genève. En rose la zone de développement 3 

  • Députés sans frontières

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    Eric Stauffer s'en va à la chasse aux députés sans frontières. Le bouillant leader du mouvement citoyen genevois propose d'ancrer dans la Constitution genevois l'obligation pour les élus de résider sur le sol de la République. GHI en fait sa une, tandis que la news est publiée le même jour sur le blog du prolixe député (il a rédigé la plupart des interpellations du MCG depuis son entrée fracassante au Grand Conseil). Les autres canards suivent aveuglément.

     

    Discussion animée autour du verre de fin de semaine à la locale de la Tribune. Dominique von Burg, qui rumine son discours du 1er Août, met le doigt sur un os. Qui nous reste en travers de la gorge. Explication. Pour être député, il faut être candidat. Pour être candidat au Grand Conseil, il faut évidemment être éligbible et pour être éligible à Genève, il faut être inscrit sur les registres électoraux. Et pour être inscrit sur les rôles il faut être citoyen suisse et résider dans le canton. CQFD. Ce que confirme l'article 48 de la Constitution.

     Art. 48  de la Constitution genevoise

    Votations et élections
    1 Dans toutes les votations et élections, l'électeur exerce son droit de vote dans la commune sur les registres électoraux de laquelle il est inscrit.

    L'article 48 est donc assez clair. Point besoin d'ajouter, comme le propose le député Stauffer, l'obligation de résidence à l'article 72 (Art. 72  Eligibilité
    Sont éligibles tous les citoyens laïques jouissant de leurs droits électoraux.)

     

    Que quelques députés jouent avec le feu en transformant leur résidence secondaire de France voisine en résidence principale est une affaire d'honnêteté et de police. On pourrait même estimer heureux le fait que quelques élus se coltinent avec le quotidien des 60'000 frontaliers.

     

    La proposition Stauffer est donc un coup d'épée dans l'eau. Mais reconnaissons tout de même le trublion de la politique genevoise a réussi son coup médiatique. A suivre.

  • La Cour des comptes et l'affaire Jobin

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    Ils ont réussi leur premier coup médiatique fin juin en dénonçant de graves dysfonctionnements au Service des contraventions. Ils comptent bien garder le contact avec le public dont ils espèrent recevoir quelques bons tuyaux sur les dysfonctionnements qui minent les administrations (une adresse courriel indépendante du système informatique de l'Etat a été ouverte à cet effet courdescomptes@infomaniak.ch ).

     

    Ils sont les gardiens du "bon emploi des crédits, fonds, biens et valeurs mis à disposition" des administrations de la République, communes et associations subventionnées comprises. Ils sont trois juges titulaires, quatre suppléants et une douzaine de collaborateurs spécialisés. Ils travaillent à plein régime depuis quelques mois. Logés à l'étroit sous le toit mal isolé du 27 boulevard Helvétique, ils disposent d'une vue imprenable sur la ville. Ils sont les magistrats de la tout jeune Cour des comptes genevoise et cherchent encore leurs marques, alors que l'affaire Jobin leur pose un premier défi de taille.

     

    Vont-ils confirmer le mot "excessif" utilisé par le ministre de tutelle de l'aéroport pour qualifier la fête de départ à la retraite de Jean-Pierre Jobin et l'intronisation de son successeur à la tête de l'établissement à 100% en mains de l'Etat? Une dépense de 350 à 600 mille francs pour 600 convives, selon le mode de calcul. Tiendront-ils compte des mérites du directeur sortant qui grâce à EasyJet a redoré le blason de Cointrin? Quel poids les juges donneront-ils au fait qu'Unique, l'aéroport zurichois, dépense 60'000 francs par an dans une fête de relations publiques, que Jobin n'a eu l'idée de réaliser qu'une fois en treize ans, la veille de son départ? Qu'est-ce, en l'occurrence, que le bon emploi des deniers publics? Comment le mesurer?

     

    Motus et bouche cousue dans le cas d'espèce. "Seul le mandant pourrait vous répondre sur la portée exacte de notre enquête" expliquent les juges qui signalent ainsi un périmètre d'investigation plus large que la seule fête et qui, pour le reste, se réfugient prudemment derrière l'opportun secret de l'instruction que leur impose la loi. "Nous publierons nos conclusions avant les élections", assurent-ils, soucieux de manifester leur célérité, estimant que Robert Deillon et François Longchamp ne mettront pas plus de trois semaines pour produire leurs remarques qui doivent figurer dans le rapport.

     

    Plus généralement, le bon emploi, c'est quoi? "Notre tâche n'est pas de remettre en cause les politiques de l'Etat, ni de dire si le montant des subsides versés à telles ou telles personnes est judicieux. Ce genre d'appréciation appartient au Grand Conseil et à la Commission d'évaluation des politiques publiques." Nos juges pointerons du doigt les administrations pléthoriques, dépourvues de contrôle interne ou inefficaces. Mais ils souhaitent aussi donner dans la pédagogie et recommander de bonnes pratiques: "Conformément à notre base constitutionnelle, nos recommandations porteront sur l'amélioration de la gestion de l'Etat, de manière à éviter les doublons et à la rendre plus plus fonctionnelle et efficiente".

     

    Où commence, où s'arrête le champ d'investigation de la Cour, qui, faute de pouvoir sanctionner les abus, ne peut que dénoncer les faits pénaux au procureur et aux autorités les actes administratifs qu'elle juge irréguliers ou illégaux ou non économiques? Regards en coin. Manifestement, il y a un os.

     

    Cette question est déjà - la loi est entrée en vigueur début janvier - l'objet de discussion entre l'exécutif et le Grand Conseil en vue d'une révision législative. De fait, le cahier des charges de la Cour est en tout point identique à celui de l'Inspection des finances hormis la publicité de ses rapports et la saisine de la Cour par n'importe quel quidam. La différence est de taille certes, encore que les rapports de l'ICF sont quasi publics puisqu'ils sont remis aux députés chargés des finances et du contrôle de gestion. La Cour des comptes souhaite se prémunir de possibles disputes de compétences avec l'ICF, qui, par ailleurs, navigue sans chef depuis un an: "Nous souhaitons, assurent les magistrats, contribuer à une meilleure répartition de compétences dans le domaine de la surveillance, la répartition actuelle ne réglant pas la situation de doublon".

     

    Sans doute le concept de bon emploi des crédits définira la ligne de partage des eaux: à l'ICF le contrôle de la régularité formelle et de la légalité des actes administratifs, à la Cour des comptes l'appréciation du bon emploi des budgets et au Grand Conseil, à qui incombe la haute surveillance de la Cour, l'examen de la pertinence des politiques. Au fond l'affaire Jobin, si affaire il y a, relève plutôt d'une commission parlementaire.

     

    Au passage, le législateur serait bien inspiré de ne pas confier la révision annuelle des comptes de la Cour des comptes à l'ICF (c'est un peu le serpent qui se mord la queue), mais à un organe externe. Pourquoi pas la Cour des comptes vaudoise ou le Contrôle fédéral des finances? Ce dernier organisme vient d'être contrôlé par la Cour des comptes allemande dans le cadre de l'Association Eurosai.