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La Cour des comptes et l'affaire Jobin

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Ils ont réussi leur premier coup médiatique fin juin en dénonçant de graves dysfonctionnements au Service des contraventions. Ils comptent bien garder le contact avec le public dont ils espèrent recevoir quelques bons tuyaux sur les dysfonctionnements qui minent les administrations (une adresse courriel indépendante du système informatique de l'Etat a été ouverte à cet effet courdescomptes@infomaniak.ch ).

 

Ils sont les gardiens du "bon emploi des crédits, fonds, biens et valeurs mis à disposition" des administrations de la République, communes et associations subventionnées comprises. Ils sont trois juges titulaires, quatre suppléants et une douzaine de collaborateurs spécialisés. Ils travaillent à plein régime depuis quelques mois. Logés à l'étroit sous le toit mal isolé du 27 boulevard Helvétique, ils disposent d'une vue imprenable sur la ville. Ils sont les magistrats de la tout jeune Cour des comptes genevoise et cherchent encore leurs marques, alors que l'affaire Jobin leur pose un premier défi de taille.

 

Vont-ils confirmer le mot "excessif" utilisé par le ministre de tutelle de l'aéroport pour qualifier la fête de départ à la retraite de Jean-Pierre Jobin et l'intronisation de son successeur à la tête de l'établissement à 100% en mains de l'Etat? Une dépense de 350 à 600 mille francs pour 600 convives, selon le mode de calcul. Tiendront-ils compte des mérites du directeur sortant qui grâce à EasyJet a redoré le blason de Cointrin? Quel poids les juges donneront-ils au fait qu'Unique, l'aéroport zurichois, dépense 60'000 francs par an dans une fête de relations publiques, que Jobin n'a eu l'idée de réaliser qu'une fois en treize ans, la veille de son départ? Qu'est-ce, en l'occurrence, que le bon emploi des deniers publics? Comment le mesurer?

 

Motus et bouche cousue dans le cas d'espèce. "Seul le mandant pourrait vous répondre sur la portée exacte de notre enquête" expliquent les juges qui signalent ainsi un périmètre d'investigation plus large que la seule fête et qui, pour le reste, se réfugient prudemment derrière l'opportun secret de l'instruction que leur impose la loi. "Nous publierons nos conclusions avant les élections", assurent-ils, soucieux de manifester leur célérité, estimant que Robert Deillon et François Longchamp ne mettront pas plus de trois semaines pour produire leurs remarques qui doivent figurer dans le rapport.

 

Plus généralement, le bon emploi, c'est quoi? "Notre tâche n'est pas de remettre en cause les politiques de l'Etat, ni de dire si le montant des subsides versés à telles ou telles personnes est judicieux. Ce genre d'appréciation appartient au Grand Conseil et à la Commission d'évaluation des politiques publiques." Nos juges pointerons du doigt les administrations pléthoriques, dépourvues de contrôle interne ou inefficaces. Mais ils souhaitent aussi donner dans la pédagogie et recommander de bonnes pratiques: "Conformément à notre base constitutionnelle, nos recommandations porteront sur l'amélioration de la gestion de l'Etat, de manière à éviter les doublons et à la rendre plus plus fonctionnelle et efficiente".

 

Où commence, où s'arrête le champ d'investigation de la Cour, qui, faute de pouvoir sanctionner les abus, ne peut que dénoncer les faits pénaux au procureur et aux autorités les actes administratifs qu'elle juge irréguliers ou illégaux ou non économiques? Regards en coin. Manifestement, il y a un os.

 

Cette question est déjà - la loi est entrée en vigueur début janvier - l'objet de discussion entre l'exécutif et le Grand Conseil en vue d'une révision législative. De fait, le cahier des charges de la Cour est en tout point identique à celui de l'Inspection des finances hormis la publicité de ses rapports et la saisine de la Cour par n'importe quel quidam. La différence est de taille certes, encore que les rapports de l'ICF sont quasi publics puisqu'ils sont remis aux députés chargés des finances et du contrôle de gestion. La Cour des comptes souhaite se prémunir de possibles disputes de compétences avec l'ICF, qui, par ailleurs, navigue sans chef depuis un an: "Nous souhaitons, assurent les magistrats, contribuer à une meilleure répartition de compétences dans le domaine de la surveillance, la répartition actuelle ne réglant pas la situation de doublon".

 

Sans doute le concept de bon emploi des crédits définira la ligne de partage des eaux: à l'ICF le contrôle de la régularité formelle et de la légalité des actes administratifs, à la Cour des comptes l'appréciation du bon emploi des budgets et au Grand Conseil, à qui incombe la haute surveillance de la Cour, l'examen de la pertinence des politiques. Au fond l'affaire Jobin, si affaire il y a, relève plutôt d'une commission parlementaire.

 

Au passage, le législateur serait bien inspiré de ne pas confier la révision annuelle des comptes de la Cour des comptes à l'ICF (c'est un peu le serpent qui se mord la queue), mais à un organe externe. Pourquoi pas la Cour des comptes vaudoise ou le Contrôle fédéral des finances? Ce dernier organisme vient d'être contrôlé par la Cour des comptes allemande dans le cadre de l'Association Eurosai.

 

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