Étrange et stimulante installation que celle d'Alain Pittet. Le Genevois était invité ce 25 avril chez un non moins étrange et expert Genevois, émigré aux confins du Grand-Genève - encore qu'on soit partout à Genève, puisque l'esprit souffle où il veut, n'est-ce pas! C'était donc sur les hauteurs de Morges, là où le gros de Vaud hésite encore entre la vue sur le lac et les premières ondulations alémanes. Au château de Saint-Saphorin sur Morges, usé comme le sont les veilles dames qui n'ont plus les moyens de s'entretenir, mais gardent une fière allure et que les rides mêmes embellissent.
Alain Pittet est notre voisin. On le savait peintre à ses heures. On ne le connaissait pas entiché des grimoires et d'une aisance légère et mystérieuse à les torturer, quand, hors d'âge et oubliés, ils dorment sur des rayonnages de bois jaunis ou demeurent, sans voix, empilés dans la promiscuité de prisons en carton, donnés à de bonnes œuvres ou en quête de curieux égarés, qui peut-être feuillèteront leurs pages qu'aucun oxygène n'a ravivé ni aucun regard n'a parcouru depuis des lustres, que dis-je des siècles.
Alain Pittet a disposé des pages de vieux grimoires de XVIe XVIIe siècles. Des traces de mémoires. Il parle des tissus que des inconnus ont malaxés jusqu'à la consistance de la pâte à papier. Première transformation d'une matière à qui il veut donner une nouvelle vie.
Qu'y voir, outre la teinte de la corne?