Déception. Du point de vue cinématographique, le Monde selon Monsanto n'arrive pas à la cheville de Mondovino. Du point de vue documentaire non plus. (Lire aussi ici)
Côté cinéma, la réalisatrice, qui semble avoir été seule à réaliser son enquête, enfile les plans fixes de ses recherches sur ordinateur (merci Google - la jeune pousse du net formate bien davantage les esprits que Monsanto pollue nos assiettes) et les interviews d'une brochette de scientifiques et de politiciens américains comme des perles sur un collier. Et se croit obligée après chaque séquence de souligner l'incroyable aveu de l'un ou de l'autre.
Côté documentaire, l'essentiel du reportage dénonce (on n'est pas dans l'ordre de l'exposition critique, distanciée et balancée des faits) des pratiques anciennes, voire très anciennes de la multinationale de Saint-Louis. Des défoliants du Vietnam aux PCB, tout y passe. Qu'importe, il s'agit vraisemblablement de peindre le diable en noir. Pour mieux trucider la bête productrice des OGM. L'acte d'accusation de ces derniers porte sur trois plantes transgéniques: le soya "Round-up ready", le maïs et le coton BT. Le premier a hérité d'une bactérie la faculté de résister à l'herbicide phare produit par Monsanto, que tous les jardiniers utilisent pour nettoyer les allées de leur jardin. Les seconds sont capables de produire une toxine contre un des insectes ravageurs de la plante.
Dans le premier cas, l'OGM ne réduit pas l'épandage de l'herbicide, il facilite une opération de toute manière indispensable dans le cadre d'une agriculture intensive. Dans le second, l'OGM est sensé réduire le recours aux insecticides. Ce qui, d'après le film, ne serait qu'un leurre. Si tel est le cas, ce que semble indiquer le vote à main levée des paysans indiens, le maïs ou le coton BT disparaîtront vite de l'assortiment des semenciers.
Reste la question clé, qui aurait permis ou devrait permettre de traîner Mosanto devant les tribunaux. Les PCB, certes, mais c'est de l'histoire ancienne qui n'a rien à faire avec les OGM. Les suicides dramatiques des paysans indiens? L'usure en Inde, qui conduit les agriculteurs surendettés à mettre fin à leurs jours, est hélas un fléau qui n'a pas attendu Mosanto pour exister.
Reste la question des déclenchements à long terme de cancers résultant, selon un scientifique interviewé, des effets des OGM sur la division cellulaire. Cette menace encore peu documentée est à l'origine des moratoires que certains pays ont dressé. Des mesures de pompiers qui ressemblent furieusement à ces gens qui empilent des sacs de sable devant leur porte dans l'espoir d'éviter l'intrusion des eaux boueuses d'une rivière en crue.
C'est à l'origine, qu'il faut travailler en permettant à la recherche d'inventorier tous les dangers, mais aussi tout le potentiel des plantes OGM. Quant donc les Suisses comprendront-ils cela?
PS: Merci aux internautes qui ont laissé un commentaire sous mon dernier billet et surtout à celles et ceux qui les ont signés.
PS2: Un bon point de vue suisse sur les OGM se trouve ici
PS3: un mot encore sur le débat qui a suivi la diffusion du film. Un choix des intervenants étonnamment unilatéral de la part d'Arte.