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  • La douce gouvernance, c'est la Suisse

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    La gouvernance fait partie de ces mots valise qui déboulent soudain dans le vocabulaire quotidien sans crier gare. Mot valise parce que passée au XIVe siècle du français à l'anglais, la gouvernance revient aujourd'hui de l'anglais au français. Mot valise aussi parce qu'on le met à toutes les sauces.

     

    Ces jours, la Fondation pour Genève nous sert son Cahier no 1 intitulé "Soft Gouvenance", un pavé de cent pages farci de bonnes recettes pour dynamiser la Genève internationale. Micheline Calmy-Rey explique dans la préface que "l'histoire qui nous semblait, il y a encore 15 ans, un tant soit peu prévisible, tendue vers un point précis (lequel?), s'est complexifiée à un point tel que son tracé est devenu des plus imprévisible."

     

    Pour notre présidente, la "soft gouvernance" est cet ensemble de "dispositifs politiques, économiques, sociaux et culturels capable véritablement de faire de la mondialisation un processus réapproprié et non pas subi." Ouf, vous pouvez relire une deuxième fois. "L'image internationale de la Suisse, poursuit notre ministre des Affaires étrangères, est celle d'un Etat neutre et engagé, sans passé colonial, ni agenda caché, doté de l'estime et du prestige que lui valent à la fois sa longue expérience de la démocratie, du pluralisme et sa tradition humanitaire." Re-ouf! 

     

    Et Calmy-Rey de conclure: " La Suisse est en soi le prototype même d'une soft gouvernance."

     

    A noter que la soft gouvernance est dotée d'un soft power (pourquoi n'écrit-on pas doux pouvoir) sur lequel nous reviendrons tantôt. 

  • Massimo, Monsieur Minaret et les nains de jardin à Infrarouge

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    Stupéfiant débat mardi soir à Infrarouge sur la question des minarets. Mais quelle mouche a donc piqué les managers de notre TV nationale pour donner une pareille tribune à l'Union démocratique fédérale, un parti insignifiant en Suisse romande et totalement inconnu à Genève? Comme l'a écrit un internaute forcément (?) anonyme cité à l'écran au début de l'émission, hier soir, j'ai eu honte d'être suisse.

     

    Massimo Lorenzi qui regardait sa montre sans arrêt, impatient vraisemblablement que cette mascarade se termine, n'a pas facilité le débat en censurant d'emblée le secrétaire de l'UDF. Son principal argument contre les minarets était la réciprocité que les pays musulmans n'offrent pas aux églises chrétiennes.

     

    Si le casting du côté de ceux qui veulent inscrire dans la Constitution suisse (on rêve) l'interdiction des minarets était inquiétant, il n'était guère plus heureux du côté des défenseurs de l'identité musulman. La télévision n'avait invité que des croyants: trois musulmans et un apparatchik catholique. Pas un seul politique pour défendre l'état de droit. Tariq Ramadan, venu de son Université d'Osford où le Genevois enseigne l'islamologie, s'est donc retrouvé défenseur des libertés fondamentales et de la laïcité. L'intellectuel (c'était hélas le seul sur le plateau) balançait entre la consternation et l'amusement.

     

    Que répondre en effet aux arguments surréalistes des nains de jardin? "L'islam c'est la guerre", a déclaré Christian Waber, conseiller national UDF. Son français l'a-t-il trahi ou a-t-il révélé sa pensée profonde? "L'islam est incompatible avec l'état de droit en raison du statut d'infériorité dans lequel il tient les femmes", a tenté de plaider Maximilien Bernhard, président de l'UDF Vaud. Et tous les nains d'affirmer en choeur: "Nous sommes libéraux car nous vous avons permis de manifester sur la place fédérale".

     

    Tariq Ramadan, Erwin Tanner, secrétaire du groupe "Islam" à la Conférence des évêques suisses, Hafid Ouardiri, ancien porte-parole de la mosquée de Genève, et Hedia Renggli, une Helveto-tunisienne (la seule femme sur le plateau) ont eu beau expliquer qu'un minaret n'est qu'un signe distinctif et rien d'autre et qu'il est fou, tout de même, de voir dans les 350'000 musulmans du pays des islamistes, terroristes en puissance.

     

    Rien n'y a fait. Le 11 septembre est passé par là, explique Massimo Lorenzi. Et le journaliste décidément bien mal inspiré de se faire l'interprète des antiminarets: je vous pose deux mauvaises questions, dites-nous, M. Ramadan: êtes-vous d'abord Suisse ou musulman? Et le Coran, est-il compatible avec notre Constitution? Ramadan répond évidemment que le Coran prescrit de respecter la loi du pays (Ce qui ne manque pas de sel quand la loi est la charia).

     

    Avec ces deux questions. on atteint le sommet d'un nouveau Kulturkampf. Au XIXe siècle, durant la guerre du Sonderbund, on accusait les catholiques d'être plus fidèles au Pape qu'à la Suisse. Et vers la fin de ce même siècle, à Genève, le régime radical a fait fermer pendant une génération les églises restées fidèles à Rome. C'est de ces événements qu'est né le parti catholique conservateur, devenu après fusion avec la branche chrétienne-sociale le parti démocrate-chrétien. Sera-t-il nécessaire que les 350'000 musulmans créent le parti démocratique islamique pour être enfin considérés comme des citoyens suisses à part entière?

     

    Pourquoi tant de haine? L'anti-islamisme est-il du racisme? Ramadan le pense à demi-mot. "Entre vous et moi déclare-t-il, un rien menaçant, aux antiminarets, il y a le droit." 

     

    La lecture des nombreux courriels et sms, presque tous anonymes, qu'on peut lire sur le site de la TSR fait froid dans le dos. Est-ce le fidèle reflet de l'opinion suisse sur les musulmans? Je n'ose le croire. Pas plus que le choix des débatteurs d'hier soir était le fidèle reflet des Suisses.

     

     

  • Bleu le gouvernement, rouge la rue?

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    Nicolas Sarkozy a un an pour transformer la France. Dans un an, les élections municipales et européennes seront des premiers tests décisifs. Le nouveau président n'a pas de temps à perdre. Il le sait.

     

    Il va donc rapidement instaurer le travail obligatoire, pudiquement appelé service minimum, dans les services publics en cas de grève. Il n'est pas assez idéologique pour batailler contre les 35 heures qui sont aux années 2000 ce que les congés payés ont été aux années 30. Mais il va généraliser le travail défiscalisé sur appel, contre l'espoir pour les travailleurs élus de gagner un peu plus, ce qui devrait contribuer à relancer la machine économique par la consommation. Il doit aussi rassurer les jeunes à la recherche d'un premier emploi et rétablir un peu d'égalité et de solidité dans les régimes de retraite.

     

    En politique comme en médecine, le dosage fait le poison. Et sur ce point, Nicolas Sarkozy ne peut pas se tromper. Soit il regimbe devant l'obstacle et sera vite dénoncer comme un président potiche copie conforme d'un Chirac beau parleur. Soit il fait ce qu'il dit et prend le risque d'être contesté par la rue. L'été et l'automne français seront-ils chauds?

     

    C'est là le mal principal de la Ve République que de ne pas savoir constituer des contre-pouvoirs institutionnels. La promesse de Sarko de faire présider des commissions par l'opposition n'est que des su-sucres. La France a besoin d'un mécanisme autrement plus efficace, du genre pare-avalanches, pour canaliser et absorber le choc des mouvements sociaux que ne vont pas manquer de déclencher les mesures forcément impopulaires annoncées.

     

    Sans réformer la Ve République, Sarkozy pourrait donner un tour plus démocratique à l'hexagone en permettant le référendum législatif et l'initiative constitutionnelle, à la Suisse. Les Français y apprendraient une culture du débat politique qui ne serait plus réservé aux seuls députés. Dans la foulée, le laboratoire français pourrait servir d'exemple à l'Europe, qui, elle aussi, est en panne, en raison précisément d'un déficit démocratique.

     

    Un million de voix pour participer aux grands choix de la nation? Le petit Hongrois devenu président des Français a le pouvoir de réinventer la démocratie populaire et participative.