La Presse va bien. Du moins c'est ce que dit l'entreprise québecoise qui a fêté ce dimanche modestement cinq ans de La Presse+. Le journal a tout misé sur un site internet gratuit et sacrifié son édition papier qui tirait tout de même à 180'000 exemplaires en deux étapes*. Non sans redimensionner sa rédaction.
Une exception qui n'est pas un modèle? Aucun média quotidien traditionnel n'a, à ma connaissance, suivi ce chemin radical, qui reste périlleux**. Mais en connaissez-vous un qui ne le soit pas, à part celui des ogres Facebook, Google, Twitter, Instagram, Youtube et Cie, qui vivent de la production gratuite des internautes et aspirent la valeur créée par les rédactions?
En Suisse, les grands journaux continuent de perdre des lecteurs. Le Tages Anzeiger, le navire amiral du groupe zurichois qui possède la Tribune, 24 heures et Le Matin notamment, a perdu un lecteur sur six, 18% lit-ont dans persoenlich.ch (et là).
DERNIERE MINUTE: Tamedia rachète la BalserZeitung et vend GHI à Blocher (ici, là et là). GHI plus de 160'000 lecteurs hebdomadaires, c'est plus que l'audience quotidienne de mon journal préféré.
La presse traditionnelle meurt depuis l'an 2000...
- de la désaffection de ses lecteurs payants,
- de la perte irrémédiable, déjà ancienne, des annonces immobilières et des offres d'emploi,
- de l'incapacité technique pour un média imprimé et audiovisuel d'adapter individuellement son contenu en fonction de la géolocalisation et des sociohabitudes des lecteurs, aptitude ajustée automatiquement par les géants du Net, grâce à notre participation gracieuse.
- des offres innombrables de divertissement en ligne qui captent notre attention et volent notre temps de lecture (et de sommeil)
- du réflexe désormais commun d'aller chercher sur son smartphone les infos et les réponses à toutes les questions qui nous passent par la tête,
- de notre propre mondialisation accélérée, presque achevée au niveau de notre consommation (Le local se bat certes pour exister mais il est comme ces sabots de bois qu'on achète sur un marché de Provence et qu'on laisse s'empoussiéré de retour at home), en cours au niveau de nos emplois - seule le secteur public et les branches protégées par des normes (pensez aux prises électriques) ne sentent de la mondialisation qu'une brise légère alors que juste à côté la tempête fait rage
- de l'irruption très prochaine des algorithmes auto-apprenants et autres robots servants. Aujourd'hui serviles. Demain?
- du rapport toujours plus distancié que nous entretenons avec les affaires publiques. dont les modes de gestion et de régulation semblent incapables de s'adapter aux outils actuels (pensez à la récolte des signatures pour les initiatives et les référendums et le fait qu'on nous incite à voter par Internet)
* Lire la notice que Wikipedia consacre à La Presse. L'entreprise a cessé la publication de l'édition papier au 1er janvier 2016. Elle a ensuite renoncé à l'édition hebdomadaire du samedi le 30 décembre 2017. ** Une voie que va sans doute emprunter Le Matin.
*** Tamedia rachète la Basler Zeitung à Zeitungshaus SA. En contrepartie, elle lui vend sa participation au Tagblatt der Stadt Zürich ainsi qu’à divers journaux gratuits comme GHI ou Lausanne Cités. Ces transactions sont sous réserve de l’accord de la Commission fédérale de la concurrence.