Une fois n'est pas coutume, la gauche est majoritaire en Suisse. Sans le lancement par le Parti socialiste du référendum contre la RIE3, nous ne l'aurions pas su. En France, le Parti socialiste gouverne par décret (49.3) et impose une loi également disputée sur le travail... Deux nations, deux médiations des divisions...
Si la gauche l'a emporté ce dimanche et sans discussion - pas comme l'UDC le 9 février 2014 - est-ce qu'en Suisse comme ailleurs les repères sont bousculés, la géographie politique brouillée, les frontières entre les partis poreuses ou n'est-ce qu'un incident de parcours qui vient jeter un caillou dans une chaussure qui reste bien ficelée à droite ou encore n'est-ce pas qu'au fond le vote de dimanche est un vote de repli, un vote UDC, par lequel on refuse que l'étranger, ce dimanche le grand capital, à d'autres occasions le migrants, l'idéologie étrangère, viennent faire la loi chez nous?
Bien sûr, la campagne de la droite était molle et classique, alors que la gauche n'a pas hésité à user de tous les arguments populiste et de la peur. Il y a bien sûr eu l'irruption vengeresse d'EWS et celle plus anecdotique du Genevois Huissous, ci-devant commissaire général au contrôle de l'Etat. C'est de bonne guerre.
L'argument rationnel et économique de la droite (la perspective que la croissance à venir, boostée par la baisse des impôts des entreprises, puisse compenser à terme les pertes fiscales, vérifié lors de RIE I et de RIE II) n'a pas convaincu.
En ce temps de post-vérité, les élites, comme naguère les pasteurs et les journalistes, n'ont plus la cote. Le peuple n'entend que ses peurs, peur devoir passer à la caisse, sous forme d'une perte de prestations publiques ou/et d'une augmentation d'impôt, peur de lendemain qui déchantent, peur des robots, peur de la techno.
Les affiches de l'extrême gauche à Genève n'étaient au fond pas très différentes de celle de la burka de l'UDC. Dans les deux cas, elles désignent l’étranger comme la menace dont les Suisses, petits nains vertueux dans la mine mondiale, ont bien raison de se méfier.
Et maintenant?
"Il faut aller vite", dit le gouvernement genevois.
"Il faut raboter tout ce qui dépasse, c'est simple", dit le conseiller national PLR Benoît Genecand.
En clair, comme le dit le PDC, il faut que Berne introduise dans la loi fédérale les bons plans du projet genevois, lequel rejette la déduction des intérêts calculés sur une part du capital et fixe un taux d'impôt plancher à 13%.
Bref, reculer pour mieux sauter. Pas sûr que ça suffise à répondre à l'angoisse existentielle d'un pays vieillissant.
Commentaires
Plutôt qu'une victoire de la gauche, je dirais plutôt que c'est une curieuse alliance entre la gauche et la base de l'extrême-droite (celle-là même qui a dit OUI le 9 février 2014) qui l'a emporté. Parce que le chantage aux "prestations sociales", je doute qu'il ait vraiment convaincu au-delà des cercles militants socialistes et fonctionnaires, on sait très bien que ce n'est pas le nombre de milliards balancés dans le tonneau des Danaïdes de la fonction publique qui garantit le bon fonctionnement de cette dernière, sinon Genève remporterait la palme de la meilleure administration de Suisse (lol)!
Non, ce qui a mon avis a fait pencher la balance, c'est l'attitude revancharde de cette partie de la population qui n'a pas voulu d'une réforme "dictée par Bruxelles et la finance internationale" et a voulu infliger un camouflet à ces "multinationales qui n'emploient que des expats et des frontaliers, et font monter les loyers et engorgent les rues au détriment des Suisses". Sans se rendre compte que si l'on chasse les étrangers fortunés, ceux qui paient leurs impôts plein pot, cela ne va pas pour autant empêcher les étrangers pauvres honnis de continuer à venir. Mais il ne faut pas chercher une logique quelconque dans cette attitude.
Il faudra désormais tenir compte de cette réalité dans l'échiquier politique. L'UDC devrait peut-être réfléchir à réorienter son programme économique si elle ne veut pas perdre le contact avec sa base.
Pas un mot sur les mensonges de la RIE2... Je vois que la leçon n'a pas été retenue.
La RIE3 c'était la guerre fiscale entre les cantons. Une belle balle dans le pied pour les collectivités, cela beau nombre des votants l'ont compris.
Les arguments de la peur, c'est celui de la droite. "Votez oui, sinon vous n'aurez plus de travail". Pas un seul militant de droite dans la rue. Mais des spots sur les réseaux sociaux.... ça ne marche pas pour convaincre les gens.
Si l'on tient en compte des arguments développer par la promotion économique du canton, le taux acceptable par tous serait à 15%