Quel est le juste budget? Combien Genève doit-il, peut-il dépenser par habitant et par an? Les cent députés, qui entament ce matin tempétueux l'examen des prévisions de recettes et de dépenses pour 2012, en connaissent-ils tous le montant et celui des cantons comparables?
Les arbitrages entre les différentes politiques sont-ils judicieux? Faut-il s'alarmer, comme le maire socialiste de Vernier, ce matin dans la Tribune de Genève, de ces "irresponsables calculs d’épicier" auxquels les députés vont se livrer toute la journée et plus peut-être?
Sont visés par le magistrat municipal verniolan - dont la commune n'est pas la plus "pauvre" du canton - les députés qui ont eu et auront l'audace de réduire les dépenses. Des députés de droite plutôt, car il est rare d'entendre un député de gauche demander des réductions de dépense sauf peut-être lorsqu'il s'agit de la mobilité automobile.
Qui peut parmi les cent députés me dire quel est le juste budget pour 2012?
S'accrocher à 350 millions de déficit est aussi absurde que demander l'équilibre du budget 2012, sauf qu'en présentant un déficit, on allume une alarme judicieuse. Alors 300 ou 400 millions, franchement, ça n'a aucune importance! C'est comme si le thermomètre marquait 38,9 ou 39,1! L'important c'est d'agir au bon endroit pour faire tomber la fièvre. En outre, il n'y a pas urgence à imposer au malade Etat un remède de cheval.
Mais revenons à la question: c'est quoi un juste budget?
Bon an mal an, Genève et ses communes* dépensent 20'000 francs par habitant**
Est-ce assez, est-ce trop? Comment savoir. La comparaison, le benchmark comme disent les consultants est un moyen. On consultera avec intérêt le site de l'IDHEAP à ce suet. La comparaison est imparfaite sans doute, mais le monde est imparfait et les décisions incertaines, n'en déplaise aux fondamentalistes du principe de précaution. Tarder à décider est souvent la pire des décisions. Les femmes modernes ne sauraient aujourd'hui se priver des services d'une armée de spécialistes et de répétés examens avant d'accoucher, ainsi vont les administrations, genevoises en particulier, incapables de réaliser le moindre projet sans s'être entourées d'une foultitude d'avis d'expert. Combien coûtent-ils?
Budget zéro: les experts au régime sec
Le Grand Conseil pourrait réduire à zéro la rubrique 318 à ce sujet et réclamer que ses commissions spécialisées examinent les demandes de crédits supplémentaires au cours de l'année. Le mécanisme aurait l'avantage de forcer les administrations à réfléchir à deux fois avant de demander un avis d'expert, à étayer correctement leur demande (une question bien posée est à moitié résolue) et à s'interroger si, au sein de l'administration du canton et celles des autres cantons, on ne s'est pas déjà posé la même question ou on ne dispose pas déjà des compétences pour y répondre.
Un exemple: SCORE
Prenez le gros projet SCORE du ministre de la fonction publique dont l'objectif est de rendre plus performantes les ressources humaines de l'Etat (comment va-t-on évaluer le gain de performance?), notamment en divisant par dix les métiers et les fonctions qui y sont exercés. Quelque 2500 actuellement dont certaines créées ad personam. Et bien le ministre président vaudois a mis en place la même réforme l'an dernier et il a fait appel au même expert que Genève emploie aujourd'hui.
Pourquoi deux cantons voisins devraient-ils payer deux fois une entreprise pour faire le même travail? Pourquoi les critères, objetctifs et modes de gestion du personnel devraient-ils être différents à Lausanne et à Genève? Un système unique permettrait une mobilité des fonctionnaires accrues, dont les deux cantons ne pourraient que profiter.
Je sais, c'est plus facile à écrire qu'à faire. Je sais aussi que vérité en-deça de la Versoix n'est pas forcément vérité au-delà, surtout vu des experts qui y perdraient au passage quelques honoraires... et d'une partie de la fonction publique, celle qui peuple les états-majors et prétend parfois apprendre leur métier aux professionnels de la base.
* On ne peut pas comparer les cantons en Suisse entre eux, leurs structures sont trop diverses, notamment le poids des communes dans la dépenses publiques totales varient fortement de 19% à Genève le canton le plus centralisé à 42% dans le canton de Vaud et 56% à Zurich. C'est la raison pour laquelle le budget de la ville de Lausanne, moins peuplée que la ville de Genève, est plus élévé. Une autre raison tient au fait qu'à Lausanne les Services industriels sont intégrés à la municipalité, tandis que les SIG sont une régies autonomes.
** Toujours selon les chiffres fédéraux présenté par l'Idheap, la dépenses publiques totales par habitant dans le canton de Vaud (cantons et communes) dépasse à peine 13'000 francs. Elle représente 24% du PIB du canton, quand à Genève la dépense absorbe 31% du revenu cantonal.