"Nous ne savons pas comment faire. Sûrement nous ne referions pas les Avanchets, ni des tours de béton posées sur du gazon." Terrible aveu qui tombe - et ce n'est pas au hasard - au lendemain de la tuerie insensée qui endeuille l'Allemagne. L'aveu est celui de l'architecte Jean-Gilles Decosterd ce matin sur la RSR au chapitre des Urbanités qui consacre son émission du jour à la question "Les cités sont-elles criminogènes?"
Après les errements du béton brut, les cités satellites, les alignements des deux ou trois étages sur rez avec jardin privatif, la conservation anachronique de bicoques en pleine vile (chemin de l'Essor, cliquez sur l'image pour l'agrandir), les architectes avouent. Ils ne savent pas comment construire la ville, tout en réclamant pour de nobles raison écoloiques qu'il faut pourtant construire la ville en ville.
Rien à voir avec la tuerie de Winnenden? Le sentiment d'appartenir à une cité et non à une banlieue sans âme, c'est-à-dire à nulle part, le fait d'être membres reconnus et aimés d'une communauté et non un simple numéro dans la foule bestiale participe essentiellement de la vie. La tuerie est l'acte paroxystique d'un mal-être qui commence par l'abandon des détritus sur le trottoir.
Et on continue pourtant à leur confier les clés de notre avenir, aux experts en architecture, en urbanisme et en environnement. Ils sont aux commandes du projet d'agglomération franco-valdo-genevois. Les politiques sont absents. Aucun débat au Grand Conseil, aucune loi d'orientation n'a précédé ou n'accompagne le processus qui va son train. Les élus impliqués sont soit complices, soit prisonniers d'une logique qu'ils ne sont pas en mesure de remettre en cause ni même de discuter. Quant à la démocratie participative qui accompagne l'étude des PACA, elle relève au mieux d'un exercice alibi au pire d'une mascarade. Une manière détournée de livrer la ville aux lobbies de la conservation à tout crin.
Pire, en obligeant les communes à réaliser des plans directeur, on les contraint à leur corps défendant à une vision nombriliste de l'aménagement du territoire. Les frontières communales vieilles de d'un siècle et demi n'ont en effet plus rien à voir avec le vécu des Genevois. Coincés entre leur électorat qui refuse majoritairement tout développement et les activistes de la défense du patrimoine et de la nature, les élus optent pour l'exercice de style sans suite ou le surplace. Plus rien ne bouge et l'on se gagarise à longueur de rapport et de réunion de voies vertes et de corridors biologiques, alors qu'augmente le nombre de Genevois sans toit, contraints de s'exiler en banlieue et/ou de supporter des loyers exorbitants.
Commentaires
Bonjour à toutes et à tous,
Bonjour Jean-François,
je vous trouve bien dur avec les Avanchets...
De fait, pour y vivre depuis 28 ans, si l'aspect extérieur de la cité peut laisser songeur, l'intérieur lui échappe à la règle. A l'intéieur les Avanchets sont une cité très verte, jalonée de nombreux arbres, petits parcs, et comme cette cité est "suspendue", la vie sociale y est d'autant plus agréable qu'elle est facile.
Si je devais choisir demain mon lieu de vie, je crois sincèrement que je reviendrai choisir les Avanchets plutôt qu'un autre quartier.
Les appartements y sont grands, avec des grandes pièces de séjours, des cuisines spacieuses et agréables. Le contraire même de la cage à lapin.
Ensuite, les couleurs qui au début surprennent se substituent à merveille à la grisaille du béton habituel... avec le temps, on apprécie cette différenciation de couleurs.
Pour terminer, le must, c'est quand même le côté suspendu de la partie vie de la cité... les enfants peuvent courrir, faire du vélo, du patin sans risques l'accident lié à la circulation. Vous pouvez faire le tour de la cité sans jamais traverser une route.
Cette particularité a le mérite de favoriser les rencontres avec vos voisins...
A la vue de ce qui précède, c'est une erreur de penser qu'une cité comme les Avanchets serait une erreur urbanistique. Ce sont les quartiers conçus à l'ancienne, à côté de routes, qui sont l'erreur.
Bien à vous Jean-François,
Stéphane
Cher Stéphane, je vous remercie de votre commentaire. Vous n'êtes pas le seul habitant des Avanchets que je connaisse à apprécier ce quartier cernée par les routes, mais qui a enterré les voitures, et qui offrent à ses habitants de grands appartements. Avouez toutefois que l'accès, cheminements et bas d'immeubles et les espaces publics sont très béton béton et bien peu engageants. Les façades sont en couleur, mais le plancher des quidams est gris et glacial. Cela dit ce qui fait l'âme d'un quartier, c'est la vie de ses habitants et des associations. L'architecture aide-t-il le vivre ensemble?
En effet, l'architecture devrait relever d'un modus vivendi réfléchi. Paul Virillo l'avait pourtant déjà brillamment démontré!
Quant au lien entre la vie citadine et les tueries de la barbarie que l'on observe à quelques intervalles, il est malheureusement un fait avéré. Les "causes" (sans acception déterministe) en sont une forme de solitude, soit le manque de naturel dans les rapports humains, des normes contraignantes parfois absurdes, des harcèlements psychologiques incesssants sans raison dont on ne peut échapper, l'absence de spiritualité dans les actions nécessaires à la survie quotidienne qui se fait parfois au prix fort ...