Lire est un travail, avait écrit Ignacio Ramonet, dans un éditorial du Monde Diplomatique*. Lire prend du temps et de l’énergie. C’est en effet un travail si, de surcroît, la lecture appelle des réflexions, suscite des questions, invite à les noter dans un carnet, à les partager sur les réseaux, au café, au téléphone, dans un blog, comme naguère dans une correspondance épistolaire. Ce temps qui fuit n’est alors plus disponible pour la lecture des journaux classiques. C’est là, associé au prix devenu prohibitif des abonnements en comparaison avec les nombreux jukebox musicaux et cinématographiques, sans parler des jeux vidéos, une des principales raisons sans doute de la lente mais inexorable disparition de la presse quotidienne. A quelques notables et heureuses exceptions-près.
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Trop de concurrence, trop de journaux
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Un journal suisse romand disparaît
Édito, le magazine suisse des médias comme il se sous-titre, qui est l’organe du syndicat des médias et de la communication, consacre son édition no 2 de cette année, diffusée en juin, au journalisme local, tandis que les Chambres votent 178 millions dans le cadre de la révision de la loi sur les médias* et que le Conseil des Etats met le journalisme d’investigation sous la menace d’un recours accru à l’interdiction anticipée de publication par voie judiciaire**, tout cela sur fond de polémique sur la neutralité perdue des journalistes.
Thèse principal, le journalisme local est mort sauf exception. Au banc des accusés, les grands éditeurs qui ont rapatrié les rubriques non locales au centre, soit à Zürich et à Lausanne, et qui désormais dictent à leur rédaction locale de rédiger des papiers pouvant être lus sur une vaste portion du territoire national. Autant dire que les compte-rendus des conseils communaux ou municipaux et même des Grands Conseils des petits cantons, qui n’intéressent qu’un lectorat local, risquent de passer à la trappe. Rebref, c’est la démocratie qui est en danger.
Ce choix de la focale - l’audience - détermine en effet en bonne partie le choix des news dans un canard. Seuls les nouvelles les plus sexys, capables de soulever la paupière de lecteurs devenus paresseux et adipeux trouveront place dans les pages des quotidiens par ailleurs toujours plus minces.
Ambiance plombée donc pour Édito, qui affiche en couverture le monde d’avant: des liasses de journaux fraîchement sortis de presse. Et voilà que j’apprends la mort de Domaine public. Le magazine des socio-démocrates suisses meurt au combat après 58 ans de bons et loyaux services.
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Petits et grands influenceurs
Pour vivre heureux vivons cachés. Les influenceurs, les créateurs en ligne, les blogueurs et autres tweeteurs ne sont pas amis de cette maxime. Ils ont tous besoin d’être vus, lus, entendus, likés, de faire le buzz et le ramdam. Et assument cette autre maxime: qui expose s’expose. Certains en font un métier, une poignée en tire profit. La dernière livraison de The Economist consacre un long article sur ces serfs de la création, dont les réseaux sociaux tirent leur fortune. Facebook le premier d’entre eux dans le monde non chinois, c’est 2,8 milliards de contributeurs gratuits et 92 milliards de chiffre d’affaires.
Mais voilà que des serfs plus doués et alertes que les autres s’émancipent et se font payer et courtiser pour s’afficher. Rien de très nouveau au fond: les coachs et prometteurs de bien-être vivent du crédit de leur client - les médecins patentés du corps et de l’âme sont même remboursés par la sécurité sociale - mais de nouveaux acteurs profitent des dernières apps mis en ligne par tout sauf des philanthropes qui cherchent fortune eux-aussi sur les réseaux. Je retiens l’histoire de ce journaliste sportif Craig Morgan.