Lire est un travail, avait écrit Ignacio Ramonet, dans un éditorial du Monde Diplomatique*. Lire prend du temps et de l’énergie. C’est en effet un travail si, de surcroît, la lecture appelle des réflexions, suscite des questions, invite à les noter dans un carnet, à les partager sur les réseaux, au café, au téléphone, dans un blog, comme naguère dans une correspondance épistolaire. Ce temps qui fuit n’est alors plus disponible pour la lecture des journaux classiques. C’est là, associé au prix devenu prohibitif des abonnements en comparaison avec les nombreux jukebox musicaux et cinématographiques, sans parler des jeux vidéos, une des principales raisons sans doute de la lente mais inexorable disparition de la presse quotidienne. A quelques notables et heureuses exceptions-près.
Parmi les blogs qui retiennent l’attention, je suis retombé sur celui d’Axel Kahn. Un blog extraordinaire, où le médecin chercheur français, atteint d’un cancer en phase terminale comme dit la faculté démunie, expose ses derniers jours, partage ses ultimes réflexions, affiche sa sérénité sans dieu. Des dizaines voire des centaines de commentaires comme les pierres d’un collier ou d’un chapelet s’attachent à ces notes. Impossible de les lire toutes. On butine donc comme des abeilles. Qui elles n’ont que ça à faire, butiner, nourrir la reine et la génération à venir, transformer le nectar en miel et mourir.
Encore que. Sur le plateau de Grande Librairie, cette semaine, il affirme, que la mort n’existe pas. Il sourit. Ultime bravade? Il dit: Pour un agnostique comme moi, la mort, ce n’est que la vie qui s’interrompt. La mort est un non événement.
Et à la question de l’après, il dit ne pas en faire l’hypothèse. Il lui suffit qu’on écrive sur sa tombe: «Axel Kahn était un type bien.»
«Et le bien dans tout ça» est le titre de son dernier ouvrage.
« Je vais mourir, bientôt. Tout traitement à visée curative est désormais sans objet. Reste à raisonnablement atténuer les douleurs. Or, je suis comme j’espérais être : d’une totale sérénité. Je souris quand mes collègues médecins me demandent si la prescription d’un anxiolytique me soulagerait. De rien, en fait, je ne ressens aucune anxiété. Ni espoir - je ne fais toujours pas l’hypothèse du bon Dieu -, ni angoisse. Un certain soulagement plutôt.
Selon moi, limiter la vie au désir de ne pas mourir est absurde. J’ai par exemple souvent écris que lorsque je ne marcherai plus, je serai mort. Il y aura un petit décalage puisque je ne marche plus, mais il sera bref. Alors, des pensées belles m’assaillent, celles de mes amours, de mes enfants, des miens, de mes amis, des fleurs et des levers de soleil cristallins. Alors, épuisé, je suis bien.
Il a fallu pour cela que je réussisse à « faire mon devoir », à assurer le coup, à dédramatiser ma disparition. À La Ligue, j’ai le sentiment d’avoir fait au mieux. Mon travail de transmission m’a beaucoup occupé, aussi. Je ne pouvais faire plus. Je suis passé de la présidence d’un bureau national de La ligue le matin à la salle d’opération l’après-midi. Presque idéal.
Alors, souriant et apaisé, je vous dis au revoir, amis. »
* Dans une interview au journal Le Temps en 1999, il avait déclaré « L’abondance d’informations est une entrave à la recherche de la vérité »
Commentaires
Bonjour Monsieur Mabut, si vous avez le temps je vous prie de lire ma nouvelle dont le sujet est la mort s/https://www.de-plume-en-plume.fr/histoire/un-premier-rendez-vous
Je suis inscris sur le site De Plume en Plume sous le pseudonyme Benadel.
Une autre de mes nouvelles qui parle de la mort : https://www.de-plume-en-plume.fr/histoire/le-chapiteau-imaginaire
Bon weekend
Et surtout: une totale absence de diversité d'opinion et trop d'entre-soi dans la presse main stream. Tous ces journaux nous servent la même soupe mondialiste et bienpensante.
Voila un homme intelligent qui a compris qu`il ne faut pas craindre ce que l`on nomme la mort. Du moins, il ne faut pas la craindre. Les choses désagréables cessent avec la mort, ce qui est tout bénéfice. Quand aux choses agréables, y compris et surtout la présence de ceux que l`on aime, on ne pourra en éprouver le manque si la mort est le terminus. Si la mort n`est qu`une étape, c`est différent car alors beaucoup ont une bonne raison de la craindre...