Si t'es pas sur les réseaux et si tu n'y fais pas le buzz, t'existe pas. Grâce au ramdam de la caravane de la solidarité, combattu puis largement soutenu par la Ville de Genève, on a donc appris - comme si on ne le savait pas - qu'il y a ici cinq, dix, douze, quinze mille démunis à Genève, capables de faire la queue des heures durant pour toucher un sac de nourriture, afficher leur existence, révéler leur état de santé. Bref, des images d'ailleurs, que nous livrent parfois les actualités télévisuelles à l'heure du déjeuner ou du dîner.
Comment est-ce possible dans une ville si riche? Comment se fait-il qu'on y trouve encore des pauvres? La question mobilise moins les jeunes d'ici que la réchauffement climatique. Est-ce que régler le réchauffement climatique - via l'instauration d'un régime de sobriété heureuse - promet de régler aussi la pauvreté?
- il n'y a pas qu'à Genève que se font des distributions de nourriture, je peux en attester de par les informations que je reçois de mes collègues de notre réseau suisse. Mais c'est à Genève que ces distributions sont devenues les plus spectaculaires, non seulement par le nombre de personnes touchées, mais aussi parce que la médiatisation a été organisée (beaucoup par la Ville de Genève) puis amplifiée par le mimétisme de médias affamés d'images.
- Au départ la Caravane de solidarité est née d'un effort d'entraide discret, initié par divers représentants de communautés surtout latino-américaines particulièrement touchées par les conséquences économiques de la crise sanitaire. Ces initiatives ont été appuyées par de jeunes militants agissant hors de nos organisations. Les premières distributions ont d'ailleurs été organisées sans autorisation et réprimées par la police. La Ville de Genève a ensuite apporté un soutien logistique et le lien a été établi avec l'organisation des colis du coeur et qui était en train de se réorganiser suite à l'hémorragie de tous ses bénévoles de plus de 65 ans (càd le gros de ses troupes!). Médecins sans frontières a aussi été sollicité pour organiser les distributions dans des conditions sanitaire recommandées par leur expertise des catastrophes sanitaires.
- Dans d'autres cantons urbains, surtout suisses-alémaniques, les réseaux de solidarité se sont organisés de manière plus discrète en raison d'une moindre diffusion de l'épidémie et de ses conséquences sociales mais aussi en raison d'un climat plus hostile qu'ici envers les travailleuses et travailleurs sans statut légal. De notre côté, nous avons aussi beaucoup agi pour l'alimentation la protection sociale et le logement (domaine où nous sommes très sollicités). Nous donnons aussi beaucoup de conseils tant aux employés qu'aux employeurs en vue de faciliter une régularisation des rapports de travail.
- Si l'arc lémanique est fortement touché par la problématique du travail au noir, Genève l'est en particulier en raison de la présence de représentations diplomatiques et d'employés d'entreprises multinationales qui ont des facilités pour faire entrer légalement du personnel de maison souvent originaires de pays pauvres... Mais ces employeurs les licencient parfois à la fin de leur séjour de travail à Genève. Leurs employés restés sans titre de séjour tentent alors leur chance dans l'économie noire ou grise.
- L'ensemble des emplois au noir se créent en lien direct avec la demande des employeurs et pas pour obtenir des cabas à 20 francs de nourriture....
- Je constate que les autorités sont défaillantes un peu partout dans le contrôle du travail au noir mais que le sujet est davantage tabou dans des cantons qui n'ont pas procédé à un effort de régularisation comparable à ce qui a été fait à GE avec l'opération Papyrus.
- Il faut remarquer aussi le fait que les associations travaillent en bonne intelligence à Genève et pas en concurrence comme dans certains cantons facilite une réponse concertée et évite les doublons.
- Il faut noter que, au fur et à mesure que la crise sociale consécutive à la crise sanitaire avance, ce sont aussi progressivement des personnes dont le séjour est légal (et même de bons Suisses) qui se retrouvent en difficulté, en dépit des protections dont ils sont en droit de bénéficier (il y a des délais d'attente pour l'obtention d'aides d'urgence officielles....).