J'aime bien Alain Berset. C'est un Realsocialiste, un bourgeois libre (Fribourgeois) qui a bien compris que dans Liberté, Egalité, Fraternité, la fraternité compte pour un tiers et qu'une bonne fondue doit mélanger les trois ingrédients sans excès de l'un ou de l'autre. C'est l'essence même de la politique. Les partis se disputent pour mettre qui un peu plus de fraternité, qui un peu plus d''égalité, qui un peu plus de fraternité... Je vais donc voter oui le 19 mai à la quatrième réforme fédérale de l'imposition des entreprises ainsi qu'à son volet genevois.
Les rouges,roses,verts d'ici m'énervent un peu avec leur éternelle insatisfaction.
Oui il faut rétablir l'égalité d'imposition entre toutes les entreprises, disent-ils, le couteau sous la gorge, mais sans perdre un franc pour l'Etat, donc en prenant le risque non nul que les poules aux oeufs d'or quittent le nid helvétique. Pourtant, durant 20 ans, Genève et quelques-unes de ses communes n'ont-ils pas vu les caisses publiques se garnir grâce à l'accueil de ces sociétés étrangères qui y ont déclaré des revenus rarement acquis ici, offrant aux politiciens mille moyens d'étendre le règne de l'Etat?
Si l'Etat était un exemple de bonne gestion éco.nome, je ne dirai pas non. Mais l'Etat. à Genève en particulier, ne sait pas rester svelte et frugal. Les collectivités genevoises, canton et ses communes, sont depuis longtemps les plus dépensières de Suisse, comme l'atteste la statistique financière fédérale.
Opposée à Alain Berset, Lisa Mazzone, hier soir sur Forum, n'a pas hésité à entonner le slogan richophobe: (je résume) Les cadeaux fiscaux consentis aux entreprises (suisses, celles à statut subiront une hausse d'impôt) iront garnir les poches de leurs actionnaires et seront perdus pour l'Etat et ses bonnes actions. Ce qui procède de la croyance ingénue que l'Etat est forcément bon et intelligent tandis que l'action privée est forcément cupide et égoïste (Je caricature à peine).
Le fond du problème que nos rouges roses verts n'ont pas résolu tient à l'origine de la richesse des nations. Et cette origine est clairement l'esprit d'entreprise, inégalement répartis entre les humains, lequel est forcément alimenté par l'aisance et le pouvoir que confère l'argent gagné (je ne méconnaît nullement le risque de corruption qu'impliquent la détention d'argent et le pouvoir, contre lequel d'ailleurs l'Etat et ses agents ne sont pas immunisés).
Dans le cas présent, la question subsidiaire est: quel est le bon taux d'impôt? L'expérience montre que trop d'impôt favorise les pratiques conduisant à lui échapper mais aussi incitent l'Etat à se mêler de tout, à chaperonner tout le monde, bref à paver l'enfer de nos bonnes intentions. Le risque, avéré, est d'augmenter la dépendance des gens. Le fisc est une drogue dure.
C'est Glaris et Zoug qui ont commencé
Un point encore sur la réforme de la fiscalité des entreprises et le financement de l'AVS.
Dans un récent article paru dans Domaine Public (au passage un journal en ligne créé sans tambour ni trompette avant tout les autres) Jean-Daniel Delley expose quelques risques que contient le présent projet. Il cite notamment un article de Republik qui répond enfin à ma curiosité de l'origine du régime fiscal privilégié que la Suisse accorde à certaines entreprises internationales, favorisant ainsi à notre profit une concurrence fiscale internationale (une sous-enchère, disent ses détracteurs).
Les premiers à séduire les holdings furent Glaris en 1903 et Zoug en 1921, écrit Republik. Et c'est en 1998 que la la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts des cantons légalisa la pratique du double régime fiscal partout en Suisse. Une harmonisation formelle qui n'a en rien freiné la concurrence fiscale entre les cantons. Et c'est ainsi que des milliers d'entreprises internationales ont amarré leur vaisseau amiral dans nos cantons, entraînant le boom économique que nous connaissons peu ou prou depuis le début de ce siècle.
Commentaires
Concernant Genève, sa richesse l'a amené à une pléthore de fonctionnaires sans pour autant que la population y soit plus heureuse. Y'a un truc qui ne va pas. Il y a de l'ordre à faire dans la gestion de la richesse.
Le boum économique qui fait appel en masse aux travailleurs étranger ont des conséquences que Genève n'est plus capable de gérer. Genève devient l'exemple suisse à éviter. Une ville, un canton doit avoir comme priorité, la population, l'économie elle, doit les servir.
L'imposition restera très bas en comparaison étrangère. Genève a un problème de trop attirer les entreprises.
L'imposition à 0 perte n'aura, à mon avis, pas de conséquence, quitte à descendre si vraiment, y'a un souci.
L'argent ne devrait pas servir à abreuver les fonctionnaires, mais à lancer une politique de réaménagement des villes, à renforcer les transports publiques pour rendre une qualité de vie perdue.
Genève la riche doit apprendre à compter ses sous pour gérer le futur, pour le bien être. Le bien être dans une région est presque aussi important que le taux d'impôt.
Genève a la chance d'être riche, mais préfère le court terme question électorat : la gauche c'est maintenir un taux de fonctionnaire élevé, la droite c'est moins d'impôt. Aucun des 2 camps intègrent la vie quotidienne du citoyen (bruit, pollution, horreur du béton,...).
Le citoyen ne doit plus subir son environnement : 0 perte pour créer un futur.
Excellent exposé, Monsieur Mabut, comme toujours.
On pourrait y ajouter que, selon une étude du CREA de 2016, l'impact direct, uniquement sur les rentrées fiscales genevoises (canton et communes), des sociétés dites à statut, c'est plus de 1 Milliard en 2016 (sans compter les 22 mille emplois EPT).
Si vous doublez le taux d'imposition de ces sociétés, par définition fortement mobiles, point besoin de s'appeler Nostradamus pour anticiper le résultat. A côté de la perte fiscale à attendre, celle prédite par la réforme (186 Mio) s'apparente à une paille!
L'argument budgétaire pour s'opposer aux projets fiscaux est donc une triste farce, soit le fait de personnes incompétentes, soit de manipulateurs malhonnêtes. L'"Arnaque", en l'occurrence, n'est pas fiscale (pour reprendre les termes de la campagne), elle est intellectuelle, et elle est du fait des opposants. Ce sont eux qui manient la menace et le chantage, en affirmant à la face de la classe moyenne que ¨c'est elle qui paiera", en occultant délibérément le fait qu'en cas de non, elle paiera beaucoup plus, et de plus risquera de se retrouver au chômage. Dire cela, ce n'est pas faire du "chantage", c'est énoncer une réalité prévisible.
Dès lors, si les opposants étaient vraiment honnêtes, ils nous diraient, en vrac:
- (Arguments de droite) Non au diktat de Bruxelles, maintenons nos statuts spéciaux quoi qu'il nous en coûte (on sera encore mieux sur leur liste noire)!
- (Arguments de gauche) Non aux multinationales kapitalistes et mangeuses de petits enfants, et à leur argent mal gagné et qui pue, nous n'en voulons pas!
(au passage, sans les négociants en matières premières, il faudra que ces Belles Âmes nous expliquent comment le Tiers Monde "exploité et pillé" par ces multinationales pourrait bien exporter ses matières premières...)
C'est une opinion, et on a certes le droit de la défendre. Il faut en revanche bien se rappeler d'une chose, que par sa taille et sa configuration, Genève est un canton dont la prospérité dépend depuis toujours de l'international. Il ne peut exceller ni dans l'agriculture, ni dans l'industrie, faute d'espace pour cela. Restent les services internationaux
Il faudra donc expliquer à la classe moyenne que c'est bien elle qui paiera le prix de cette "morale" à deux balles qui fera fuir ceux qui assurent notre prospérité. Histoire qu'elle vote en son âme et conscience, et, surtout, en toute connaissance de cause.