Il fut le conseiller de Mitterrand de 1981 à 1991. Et c'est à lui que Sarkozy avait confié en 2008 la commission pour la libération de la croissance française dont un des secrétaires était Emmanuel Macron... Contrairement à l'homme en marche, l’influenceur n'est pas devenu roi.
Lee causeur n'en est pas moins recherché. Sous le titre "Attali: hors jeu, la Suisse est en voie de banalisation", mon journal préféré accorde une pleine page au maître de conférence, devenu banquier et auteur à succès, convié à Genève par la Fondation Latsis. A quel prix?
Je reste cependant songeur à la lecture de cet interview.
Dès la première question, on débusque l'art de l'esquive. Est-ce que la France peut se réformer? La réponse d'une banalité crasse: "chacun des 60 millions de Français évolue chaque jour."
Mais il y a bien des blocages?... "Ce qui est vrai répond le fort en thème, c'est que la France modifie assez peu ses lois." Là, on tombe de sa chaise. Pas un président n'a eu de cesse de modifier les lois et d'ajouter des couches de règlement aux codes français, nombreux et volumineux. Au point que rien ne semble se faire dans l'Hexagone si la parole présidentielle n'est pas coulée dans la loi. Et Attali de ressortir le poncif de la nation rurale qui valorisent la permanence vs la nation maritime qui promeut le changement, ce qui est une belle contradiction avec sa première réponse.
La troisième réponse est plus cohérente. Puisque la France est rurale et donc qu'elle ne valorise pas le changement, elle "n'avance pas par réformes lentes, mais par révolutions". Rassurez-moi: le soleil ne tourne pas autour d'Attali? Lequel voit la France comme une marmite à pression "qui accumule pendant longtemps des besoins de changement, puis qui se met en mouvement" (il n'a pas osé dire en marche).
Ensuite on a droit à la vision du visionnaire qui sera mort quand on pourra dire s'il a eu raison ou tort. Donc "la France est déjà aujourd'hui la première puissance européenne, car l'Allemagne est malade, démographiquement, technologiquement et financièrement"...
"L'Europe, c'est 600 millions d'habitants" (inclut-il la Turquie?). Elle peut donc accueillir bien "plus de 200'000 migrants par an". Selon Wikipedia la population de l'Union européenne était de 510 millions en 2015 et de 835 millions si on considère la Turquie, la Russie, bref l'Europe géographique). On peut parier que M. Attali ne vit pas dans une barre d'immeubles en banlieue, à 90% peuplées de migrants et de Français oubliés.
On apprend encore dans cette interview que Trump est dangereux, que le terrorisme s'appelait jadis nihilisme, que la crise financière + le protectionnisme ont précipité le monde dans 75 ans de barbarie (de 1914 à 1989), qu'il faut sauver la mer, que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont "les dictateurs du marché" (mais que les Etats-Unis finiront bien par casser ces cartels comme ils l'ont fait avec ATT), qu'il faut davantage "craindre l'industrie agrochimique qui prétend breveter la vie sans aucun droit". Là, on est sûr qu'Attali va se faire aimer par les Verts.
Et que dit-il de la Suisse? Elle reste une énigme pour Jacques Attali, qui n'a trouvé qu'un clé explicative: le travail. Joli pied de nez aux 35 heures!
Dans ce fatras d'idées et de raccourcis, je retiens celle-ci en attendant que les robots (il n'en a pas été question ni non plus des Chinois ou des Indiens) nous concurrencent sur ce terrain aussi: "Le grand métier de demain sera celui de l'empathie".
PS: La photo qui illustre ce billet représente Djemila Carron, prix Latsis 2017 pour son travail sur L'acte déclencheur d'un conflit armé international
PS bis: La conférence de Jacques Attali sera en ligne dans quelques jours sur le site de l'Université mediaserver.unige.ch