Un Genevois émigré en Espagne me tient informé de la saga catalano-espagnole, une histoire pas tout à fait donquichottesque quoique l'indépendance comme la nation soient des chimères du XIXe siècle.
"Les Espagnols sont des gens formidables, mais comme le disait un ami, amené à s'occuper (lui aussi pour meubler une retraite, hélas trop courte) de travailleurs immigrés en Andalousie, ils sont (je le cite, il était dans mon modeste salon, il cherchait son adjectif) "un peu... bourrus".
"Et lorsque j'invoque les mânes de Vaclav Havel, je me heurte à la réponse "oui, mais ici,c'est pas la même chose". Réponse à peu près aussi intelligente que celle-ci, servie en d'autres circonstances: "c'est la faute à l'informatique": en Suisse, je ne sais pas, mais ici, on me l'a encore invoquée il n'y a pas longtemps."
Cette réflexion, qui pourrait alimenter un blog lui ai-je suggéré, vaut bien une répons. Que voici:
Les sociétés ont toujours besoin d'un bouc-émissaire voire d'une "bonne" révolution - les plus cyniques évoquent même une bonne guerre - pour remettre les pendules à l'heure et expulser leur incapacité à régler leurs problèmes raisonnablement, c'est-à-dire par la concertation, le dialogue, le compromis, le juste équilibre (forcément dynamique), la recherche du bien commun (Ah, le bien commun!). En l'occurrence, le fédéralisme.
La Suisse aussi n'est pas en panne de bouc-émissaires. L'informatique reste une excuse commode des administrations qui sont, pas seulement elles, rétives aux changements de leurs procédures et soucieuses de conserver leur emprise sur les habitants - je le sais, j'ai travaillé au cœur de l'Êtat durant six ans dans les années 90 à m'occuper précisément de la réforme informatique.
Nous avons aussi en ce moment les opportunes assurances maladie, coupables de tous les maux du système de santé, où les lobbies s'engraissent sur le dos des cotisants.
On peut aussi citer l'Europe qui nous protège et montre une voie plus libérale que la Suisse, n'en déplaisent aux UDC. Enfin, à Genève, les travailleurs pendulaires (dénommés ici frontaliers car ils passent une frontière - nationale et donc anachronique) et les étrangers, qui n'ont jamais cessé de faire de ce coin de terre ce qu'il est - ouvert et transnational - sont accusés régulièrement de venir "chiper" le travail des Suisses. Lesquels rechignent à s'occuper des vieux dans les EMS ou ne sont pas capables d'être assez plurilingues ou pointus dans leurs spécialités à des tarifs européens (il est vrai que les loyers sont pour une part de la population hors de prix, tout comme beaucoup de services le sont pour tous)...