Je donne une rapide introduction sur les budgets publics aux journalistes en formation au CFJM. Trois heures bien trop courtes pour ne serait-ce que décrypter la notion de déficit - en langue orthodoxe un excédent de charges - ou de bénéfice (un excédent de revenus, les mots ne sont pas innocents).
A l'occasion, je leur demande quel part de leurs revenus, ils paient en contributions publiques. Très rares sont ceux qui le savent et qui sont en mesure de faire la liste complète des prélèvements. L'impôt sur le revenu est cité certes, mais plusieurs oublient la TVA, les diverses taxes sur les carburants, l'alcool, le tabac. Aucun ne cite la politique agricole qui renchérit les prix des produits alimentaires assurant aux paysans suisses un prix plus élevés que celui que touchent leurs collègues européens.
Et pourtant, à propos de la troisième réforme des entreprises, on se chamaille sur les chiffres comme des chiffonniers, perdant souvent de vue la raison d'être même de la réforme: éviter que la Suisse ne voie s'envoler ses poules aux œufs d'or, que sont certaines entreprises étrangères - holdings, négociants en matières premières, sièges de multinationales -, dont l'OCDE et l'Union européenne exigent l'abolition des privilèges fiscaux.
Les autorités suisses ont fait le pari qu'en soumettant les entreprises à un taux d'imposition unique abaissé (mais différent d'un canton à l'autre), la Suisse non seulement dissuaderait les bénéficiaires actuelles de quitter le sol helvétique mais que d'autres sociétés pourraient s'y installer et combler par leurs impôts et celui de leurs employés et et de leurs clients le manque à gagner de RIE III. Un pari risqué certes, mais la Suisse n'a guère d'autres choix surtout en ces temps où Trump promet de réduire les impôts sur les entreprises.
Ce lundi soit à 19h30 à la salle du Petit-Lancy, je dirige un débat à la salle du Petit-Lancy entre Serge Dal Bucso, ministre des Finances, et Roger Deneys, député socialiste, président de la commission des finances du Grand Conseil. En hors d'oeuvre, je me propose de poser la question: "Qui sait combien il paie d'impôt?" Je suis curieux d'entendre la réponse des assistants.
Le temps manquera, mais j'aurais aussi bien aimé poser cette autre question: "Qui peut me dire le prix d’une maturité gymnasiale à Genève?"
La réponse est encore plus inconnue que la première (comme l’est d’ailleurs le prix de revient de la plupart des prestations publiques): personne ne peut donc comparer ce prix mystère à celui, tout aussi caché, d’un titre équivalent délivré en Suisse ou En France.
Ces inconnues ne vous, ne nous empêchent pas de vivre tranquillement. Cette bouteille à encre est extraordinaire dans un monde où les consommateurs ne cessent d'en savoir plus sur les étiquettes. Peut-être trouve-t-on là la raison de la prise de distance des citoyens avec la politique.
Pour préparer ce débat, j'ai lu plusieurs documents que l'on trouve ici et là RIE III site officiel, RIE III site PSS, RIE III site EconomieSuisse, BAK Basel, CRÉA rapport 2015. Une lecture un peu rébarbative mais pleine d'instructions. Sur un mode plus didactique, je vous recommande le site Easyvote créé par la Fédération des parlements des jeunes.
Je me suis fait un guide âne pour diriger ce débat. Sans doute trop ambitieux. A demain si le cœur vous en dit.
- Réformer: tout le monde est d’accord
- La Suisse, un paradis fiscal dénoncé par l’UE
- Genève, un développement exogène fragile?
- Genève, des politiques financées sur le dos des autres pays?
- L’enjeu: respecter les règles de l’OCDE sans perdre les poules aux œufs d’or et sans trop saigner les collectivités publiques
- Le volet fédéral vs le volet cantonal
- Fédéralisme, une réforme à deux coups
- Et des contre-coups difficiles à chiffrer
- L’effet oscille entre -3 milliards et +600 millions
- La Confédération à fait un Bonier de 2,2 milliards en 2015, soit deux fois la compensation promise aux cantons
- Une boîte à outils trop opaque, trop complexe, trop injuste?
- Qui profitera à Genève de la prime R&D?
- Qui profitera à Genève de la licence box?
- Qui profitera à Genève de la déduction des intérêts fictifs sur le capital propre excédentaire (prime aux entreprises qui autofinancent leur développement vs les emprunteuses)
- Pourquoi Genève a adopté un taux de 13,49% (pourquoi pas 13, 13,5, 14, 15 ou 18 comme Zurich ou le Jura?
- Quelles compensations (politiques, sociales ou fiscales) Berne aurait dû proposer en plus (quote-part à l’ifd)?
- Le 12 février, un dimanche noir?
- Si c’est non, combien de temps pour un meilleur plan?
- Si c’est oui-oui (en Suisse et à Genève) ou oui-non?
- Les Genevois voteront cet automne sur le volet cantonal de RIE III
- Quel lien avec le 6 décembre 1992 et le 9 février 2014?
- Pédagogie politique en terre démocratique
- En 10 secondes pourquoi voter oui
PS: RIE I 1997 a ouvert la boîte de Pandore en autorisant un traitement fiscal privilégié des revenus réalisés à l'étranger par des sociétés auxiliaires, des holdings, des sièges de multinationales étrangères. Savait-on alors que ces privilèges ne seraient pas éternels? Savait-on que la Suisse ne pourrait plus s’en passer et serait contrainte, 20 ans plus tard, d’accorder ces privilèges à toutes les entreprises?