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Doris et la saucisse de veau genevoise

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Cri d’alarme dans les campagnes. Ce samedi les paysans suisses manifestent à Sempach contre l’effondrement du prix du lait. C’est le retour des montagnes de beurre, qui avaient, dans les années 60, précédé la mise en place du contingentement laitier. Berne exporte la poudre de lait à coups de millions, tandis que Doris Leuthard négocie à Bruxelles un accord de libre échange agricole – le fameux ALEA - que nombre de paysans voient comme le point d’orgue des paysans suisses, version plan Wahlen.

Le démantèlement du contingentement laitier par la Confédération, le 1er mai dernier a sensiblement accru la pression économique sur les producteurs de lait. La solidarité paysanne n’y a pas résisté. Certains en ont profité pour augmenter leurs livraisons, encouragés par des centrales laitières qui ne sont plus des coopératives agricoles censées protéger les intérêts de leurs membres, mais des entreprises capitalistiques, contraintes d’augmenter leur part de marché dans l’espoir de survivre dans le marché européen, lorsque les barrières douanières et techniques seront tombées.

Les plus gros producteurs souffrent aussi de la chute des prix, mais leurs coûts de production leur permettent encore de gagner leur vie. Le prix du lait à la production est en Suisse encore deux fois plus élevé que dans l’Union européenne.

Les manifestants demanderont au Conseil fédéral d’imposer le principe de la force obligatoire. De la même manière que les syndicats ouvriers réclament l’extension obligatoire des conventions collectives à toutes les entreprises, les paysans veulent avoir le droit de forcer les moutons noirs – les gros pisseurs de lait - à rentrer dans le rang. Il s’agit de rétablir un système de contingentement obligatoire sur une base contractuelle.

Quel rapport avec la saucisse de veau genevoise? Les Genevois qui font leur course en France voisine auront sans doute remarqué que l’entreprise Del Maître, installée dans la zone industrielle de Meyrin Satigny, vend des saucisses de veau genevoises dans la plupart des supermarchés. «C’est une bonne affaire en croissance, dit M. Aebi, même si ce débouché ne représente que 3% de notre production et que le passage de la douane reste un casse-tête. Nous sommes désormais aux portes de Lyon et avons un marché à Hambourg.»

Lorsqu’elle rencontre les paysans, Doris Leuthard n’a qu’un propos à la bouche: «Faites, dit-elle dans un grand sourire, du swissness, des produits de qualité capables de séduire les 400 millions de consommateurs européens et que vous pourrez vendre plus cher que les produits équivalents grâce à la croix fédérale et au label Suisse garantie!»

«C’est du pipeau!» tranche l’exportateur de saucisses de veau genevoises. Il faut lire en effet attentivement l’étiquette, qui arbore fièrement la croix fédérale, pour découvrir cette mention: «Viande d’origine européenne». «La matière première constitue 70% du prix, explique le charcutier industriel. Impossible avec le veau suisse d’être concurrentiel en Europe.»

Doris c’est un peu la fable de Perrette et le pot de lait. Mais a-t-elle le choix? Certes non! Les exportateurs suisses, les contribuables et les consommateurs, qui paient la protection agricole près de 8 milliards par an, forment des lobbies autrement plus puissants que l’Union suisse des paysans. Lesquels ont sociologiquement tout de même de la peine à s’allier aux écologistes et autres altermondialistes de Via Campesina.
Samedi à Sempach, ce sera d’ailleurs la première fois qu’Uniterre participera à une manifestation co-organisée par l’UDC. C’est dire la trouille qui court dans les campagnes. Prochaine étape les jacqueries.

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