Une double page pour deux poids lourds en panne d'imagination. Le Temps de vendredi a offert aux deux présidents des Conseils d'Etat vaudois et genevois une double page, dont un quart est occupé par une grande masse liquide, celle d'un placide Léman; une photo prise d'avion. Une manière ironique, sans doute involontaire, d'illustrer un entretien inconsistant. Le couple Hiler-Broulis y énumère un certain nombre de poncifs dignes des syndics du fameux Quart d'heure vaudois... "Allez, santé, conservation. Et à dans quinze jours. A la même heure!" J'entends encore la musiquette de l'émission qui fit les belles de heures de la Radio romande.

Or donc le couple rad-soc, devenu écolo-rad-lib, se porte à merveille. Il est loin le temps où quelques utopistes rêvaient de fusionenr les deux cantons, où les Verts imaginaient une Suisse à six ou sept cantons. On collabore à petit pas, à petit train. On s'émerveille de la future 3e voies CFF, sans se rendre compte qu'il n'y en aura jamais uen quatrième et que donc ce projet est un cul de sac. La Suisse perce deux tunnels ferroviaires de 35 et 50 km km sous les Alpes, à coups de dizaines de milliards de francs pour rester la plaque tournante du réseau ferré européen. On y circulera à 250 km/h. GeVa (Genève Vaud) pense RER, alors que c'est d'une deuxième ligne à grande vitesse reliant Cointrin à la Suisse d'un côté et au sillon alpin de l'autre qu'il faut planifier et réaliser sans tarder (et là).

Cadmos, un CERN du XXIe siècle? Le projet de centre de recherche sur les neuosciences que les Genevois veulent installer à la pointe de la Jonction échappera-t-il aux querelles de clocher? Chacun fait mine de tirer à la même corde tandis qu'Aebischer, le médiatique patron de l'EPFL, joue des coudes et de ses relations et avance heureusement, ignorant que ce ne sont pas Genève ou Lausanne qui importent, mais Boston, Shanghai Osaka, Londres ou Dubai et quelques autres.

"Très concrètement, quelles seront les prochaines étapes de la collaboration GeVa", demande le Temps? "Il faudra avoir du nez sur les thèmes porteurs pour l'avenir", dit Broulis. "Quand une opportunité se présente, il faut la saisir vite", dit Hiller. Bref, on mouille le doigt, on repère le vent et l'on dresse son filet à projet.  Pitoyable.

Pire, nos deux argentiers s'en prennent aux petits cantons, accusés d'empêcher la bande des quatre de prospérer en paix. Citations:

• "J'ai compris en moins de six mois que la Suisse est dirigée par des cantons dont le poids économique et démographique n'est pas prépondérant. Bâle, Zurich, Vaud et Genève pèsent autant que les deux Appenzell et les deux Unterwalden, constate David Hiler.
• "Vaud et Genève connaissent l'impôt sur la fortune, ce qui n'est pas le cas de certains cantons suisses alémaniques. Les forfaits fiscaux rééquilibrent en quelque sorte la situation..." explique Broulis.

Nos deux argentiers n'ont peur ni des approximations ni des contre-vérités. Il faut donc leur rappeler que les quatre cantons les plus dépensiers de la Suisse: Zurich, Berne, Genève et Vaud représentent 48% des dépenses totales des cantons et des communes quand les six cantons les moins dépensiers (forcément les plus petits) dépensent moins de 7,5% de la totalité des dépenses des cantons et des communes. (voir tableau ci-dessous tirée de la statistique sur les Finances publiques suisses).

De quoi remettre le curseur à sa bonne place. Ce qui évidemment ne justifie pas la concurrence fiscale entre les cantons comme celle qui se pratique aussi entre les communes dans les deux cantons concernés et contre laquelle nos deux beaux parleurs ne font rien. Et ce n'est pas l'horlogerie péréquative digne des plus belles complications helvétiques qui change quoi que ce soit à cette question.

Là encore, nos deux ministres sont en panne d'imagination, buttent sur les réalités politiques de la démocratie directe. Pourtant il existe des solutions, telle celle que propose depuis des années Carl-August Zehnder, professeur émérite de l'EPFZ [cliquez sur le lien pour poursuivre la réflexion]