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Air du temps - Page 252

  • PluriElles: mon oeil!

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    Six femmes ambitieuses, courageuses (il en faut pour percer), six destinées dans la politique et dans le journalisme. Exemplaires? Six déracinées, issues pour la plupart de la seconde génération. La journaliste de la TSR Corinne Portier, une photographe autodidacte italo-américaine Frances Dal Chele, une journaliste parisienne Muriel Fitoussi, auteur de "Femmes au pouvoir, femmes de pouvoir", et trois politiciennes suisses Fabienne Bugnon, Ruth Dreifuss et Sandrine Salerno.

     

    Six modèles, six icônes de femmes accomplies pour les jeunes filles d'aujourd'hui? Six femmes "plurielles", pour reprendre le titre de la manifestation que le maire de la Ville de Genève organise crescendo depuis lundi et jusqu'à samedi Journée officielle de la femme?

     

    Pas tant que ça! Le casting de cette soirée, qui a attiré moins de 80 personnes à la salle de Plainpalais (dont 95% de femmes), était incroyablement étroit. Que des femmes de gauche, aucune ouvrière, aucune entrepreneuse, aucune artiste, aucune scientifique, aucune jeune (la benjamine Sandrine Salerno a 36 ans). Bref une piètre représentation de la diversité féminine. Un mauvais point pour Fabienne Bugnon, Madame Egalité, promise d'ici un mois à la direction du nouvel Office genevois des droits humains.

     

    Ambigüité du thème de la soirée aussi, qui contraint ces femmes à se raconter pour la xème fois, à dire leur combat pour la cause féminine, leurs angoisses, leur solitude dans un monde que l'on doit comprendre comme hostile, forcément, car largement masculin. Demanderait-on à six hommes un tel étalage? Ils sont aux commandes. Ils débattraient de projet, d'opinion.

     

     

    En fait de destin, seul celui de Ruth Dreifuss sort du commun. Il ne s'ancre pas dans un féminisme idéologique, mais dans son engagement syndical et socialiste, dans la découverte des inégalités sociales sur le terrain. C'est sur le tard et par hasard que Ruth Dreifuss est devenue le porte-drapeau des femmes suisses en devenant la première présidente du pays et en lavant la meurtrissure de l'échec d'Elisabeth Kopp. C'était lourd à porter, je n'avais pas le droit à l'erreur. avoue l'ancienne magistrate, qui cache son âge sous une coiffure noire.

     

    Ses modèles à elles sont masculins Blum, Mendès-France, Allende. Elle cite plus tard Simone Weill. Elle a vécu le plafond de verre et l'a brisé grâce aux études qu'elle a achevées en cours d'emploi. Elle se réjouit de savoir Sandrine Salerno enceinte. Son encouragement sonne un peu comme une revanche:

     

    "Quand j'ai appris cette bonne nouvelle, raconte-t-elle, je me suis souvenu de cette histoire lue dans un magazine féminin. C'était dans les années 80, un journaliste étranger demande à interviewer une femme ministre du gouvernement norvégien. Elle soigne son vieux père à 150 kilomètres de la capitale lui répond-on mais vous reçoit volontiers. Etonné le journaliste demande à quelques Norvégiens si cette absence ne porte pas préjudice au payé. Pas du tout lui répond-on. C'est la preuve que notre ministre sait fixer des priorités et sait aussi déléguer. Sa priorité actuelle c'est la santé de son père". Et Ruth Dreifuss de se tourner maternellement vers sa cadette: "Je suis sûr que tu sauras faire aussi bien!"

     

    Sandrine Salerno n'en doute pas. Contrairement à son aînée, elle inscrit clairement son engagement politique dans la conquête de l'égalité entre femme et homme et aussi entre Suisse et étranger (elle est franco-italienne d'origine). Elle dit: "Je suis la seule femme au gouvernement de la ville et mes interlocuteurs politiciens ou banquiers sont presque toujours des hommes, blancs, quinquagénaires et suisses". Et aussi: "Jamais on ne demande à un homme s'il parviendra à mener de concert sa vie de famille et sa carrière politique. A moi oui." Et encore: "C'est vrai que le syndrome de la première de classe, de l'exemplarité pèse parfois. C'est vrai aussi que la promotion de la femme à des fonctions de cadre reste difficile car il y a très peu, trop peu de candidature."

     

    Du public émerge quatre réflexions qui ne trouveront que des réponses partielles.

     

    • Une enseignante au secondaire s'effraye de voir les jeunes filles singer les femmes lascives de MTV et n'avoir aucune mémoire, aucune culture des luttes d'émancipation de leurs aînées. Que faire?
    • Une informaticienne se désole de la fuite des filles des métiers techniques et scientifiques: "Quand j'étais en formation, il y a avait autant de filles que de garçons. Aujourd'hui la part des filles s'effondre."
    • Un directeur d'une institution pour handicapés témoigne de sa difficulté de promouvoir des femmes cadres et de son étonnement constant de voir celles qu'il a engagé au prix d'une élimination systématique des candidatures mâles placer la barre de leurs exigences toujours trop haut. Peur de ne pas être à la hauteur?
    • "Les femmes ne sont-elles pas toujours victimes des réseaux militaires", demande l'icône Jacqueline Berenstein-Wavre? Ruth Dreifuss acquiesce pour le passé tout en soulignant qu'aujourd'hui être colonel devient presque un handicap dans une entreprise. Comme la maternité? Sandrine Salerno conseille: "Les femmes doivent améliorer leur réseautage et mieux garnir leur carnet d'adresses." 

    A quand un service civil pour toutes et tous?

     

     

     

  • Le poids des femmes, le choc des photos

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    J'ouvre ma Tribune ce matin et tombe en arrêt sur la page 9. C'est évidemment la photo de Rama Yade qui attire mon attention. Elle est toute petite, la photo, mais bien placée, en bas à droite, là où le regard fuit avant de tourner la page.

     

    Un élément me dérange. Pourquoi cette photo de la secrétaire d'Etat pour illustrer un petit papier où il est question de Calmy-Rey? L'effet pipole sans doute (Rama 10, Micheline 7) retient l'attention (c'est réussi) et domine le fond. En l'occurrence le message de notre très populaire ministre des Affaires étrangères. Calmy-Rey n'a pas manqué, dans son discours à la tribune du Conseil des droits de l'homme à Genève, à quatre jours de la Journée des femmes, de manifester sa différence en réclamant une attention particulière à la discrimination "sexospécifique" (ce qualificatif sonne vraisemblablement mieux que sexiste). A suivre en direct ici.

     

    Mais là n'est pas l'essentiel. Soudain l'évidence me frappe. Les droits de l'homme et accessoirement ceux de la femme ont la portion congrue dans cette page. Ecrasés qu'ils sont par la campagne des municipales en France et l'élection d'un pion fidèle au Kremlin.

     

    Je décèle un message subliminal dans cette mise en page qui nous dit tout de go une vérité: le poids des femmes n'est pas plus lourd que celui des droits de l'homme et se réduit souvent au choc des photos.

     

    Tout compte fait, une Journée des femmes est peut-être bien encore nécessaire.

     

  • La femme et le malade

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    Ce dimanche était en Suisse la journée des malades. L'événement est resté discret comme chaque année. Notre société ne tolère pas la maladie et moins encore les maladies chroniques qui mettent en échec notre médecine.

     

    Tout autre sera la journée du 8 mars prochain, journée de la femme. Jamais en retard d'une action politiquement correcte, la Ville de Genève a même décidé d'étendre la chose à une semaine. Notre bonne municipalité est coutumière du fait. La fête de la musique en juin dure une fin de semaine, le 1er Août est noyé dans les fêtes de Genève, la journée de la mobilité en septembre s'étend sur 7 jours.

     

    Les Journée sont devenues des rituels dans notre société laïque et désacralisée. Elles ponctuent l'année comme autrefois les fêtes carillonnées. Et offrent aux diverses autorités l'occasion de discours de circonstance, de gestes citoyens, de manifestes sans lendemain.

     

    Ce 2 mars était donc la fête des malades. Au CESCO, une jeune pasteure, Sylvie Dunand, a commenté l'Evangile de Luc (8, 40-48) au cours d'une messe dite par l'aumonier du lieu, Assaad Daher (l'aumonerie du CESCO pratique sans tambour ni trompette un œcuménisme actif mais non confusionnel).

     

     

    C'est l'histoire d'une femme qui souffre d'hémorragie depuis 12 ans. Une maladie qu'aucun médecin n'a pu guérir et qui trahit le comportement social de celle qui en souffre. La femme a englouti tout son bien dans cette quête de la guérison, son argent bien sûr, mais aussi ses forces. Elle a épuisé ses proches. La loi juive, rappelle la jeune pasteure, exclut les femmes en période de menstrues.

     

    C'est donc par derrière, profitant de la foule qui presse Jésus, qu'elle s'en vient toucher les franges de son vêtement. Aussitôt elle est guérie. Miracle! Certes. Pourtant les malades du CESCO n'ont pour la plupart guère d'espoir à nourrir. Leur maladie les apportera.

     

    "C'est fini?" Une petite voix s'élève au milieu des malades rassemblés. Rires contrits parmi les fidèles. Imperturbable la pasteure poursuit sa longue catéchèse: Le miracle est ailleurs. Jésus a senti qu'une force était sortie de lui. Qui m'a touché demande-t-il? Question stupide, la foule le presse de tout côté. La femme guérie mais encore bannie se présente alors et raconte son calvaire et sa délivrance. Imaginez la scène. Une femme impure au pied d'un guérisseur. Jésus dit ces paroles connues à la femme que tous ont rejeté: "Ma fille, ta foi ta sauvée. Va en paix!"
    Plus que sa guérison physique, le miracle tient dans sa réinsertion sociale.