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L’autoroute honnie et les protestants

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417A1261-B69F-4424-B1F6-94A7B3CC429A.jpeg«Quand Genève finance l’autoroute qu’elle combat». Ce titre barre la page événement de La Tribune de Genève du 19 avril. Le journal local consacre un éditorial bien dans l’air du temps à ce «projet d’un autre siècle». Les Verts qui fournissent la matière à la rédaction applaudissent évidemment des deux mains. Peu importe qu’au passage, on mêle sans vergogne la ville de Genève, dont la majorité rose verte s’émeut du ruban bitumineux au point de le combattre par voie judiciaire, et le canton, qui collecte la manne fiscale des travailleurs habitant au-delà d’une frontière anachronique, dont une petite partie est reversée aux autorités voisines, Genève, ville et canton, restant largement bénéficiaire de l’accord de 1973.

Ainsi donc, Genève, le canton, devrait dicter aux Savoyards comment dépenser le produit de la rétrocession fiscale transfrontalière, fruit du travail de ses ressortissants *. Belle hégémonie d’un petit chef lieu, la ville et son organe, dont la richesse, l’oubie-t-elle, qui lui permet de financer de généreuses politiques culturelles et sociales, provient d’un ensemble de facteurs historiques, économiques, culturelles et géographiques, dont nos élus urbains sont de bien dédaigneux hléritiers.

Historique, Genève doit sa place dans le monde au protestantisme qui a tissé depuis que le Français Calvin en est devenu le maître à penser un réseau dans le monde, Hollande, Ecosse, France, Etats-Unis, Afrique du Sud. Cette tradition qui mariait habilement l’humanisme libéral des Grecs et l’amour du prochain des chrétiens a enfanté d’illustres ancêtres qui ont fait Genève et lui ont sans cesse veiller qu’elles tiennent serrés les fils qui les reliaient à Genève. 

Sans refaire l’histoire, c’est à cette tradition que la cité doit d’être le deuxième siège des Nations Unies avec toute la kyrielle des ONG et autres entreprises qui gravitent autour du Palais des Nations? Que serait Genève sans la Genève internationale, une bourgade comme Lucerne ou Lugano? 

Le rattachement de Genève à la Suisse conserva à la ville-état, déjà indépendante du temps des princes évêques, ce subtile alliage d’être ancrée au bout du lac mais d’être aussi et peut-être avant tout une île au milieu du monde. Comme Isarël au Proche Orient? L’aéroport de Genève est un lien moderne qui assura la pérennité de ce que l’internationale protestante avait contribuer à forger. 

Genève la florissante est trop exiguë pour loger tous ses travailleurs qui contribuent à sa richesse. C’est le cas de toutes les cités qui attirent les travailleurs, lesquelles s’installent autour par cercles concentriques. Un avis évidemment contesté par la partie française à l’exemple de cette déclaration de Louis Carrier dans La Tribune républicaine de janvier 2021

A Genève, cas rare dans le monde, ces travailleurs ne sont pas des concitoyens pendulaires mais des frontaliers étrangers. 

C’est là une différence notoire qui a toujours donné lieu à des jalousies, à des vindictes plus ou moins acerbes.

Autour de lausanne, essentiellement des travailleurs vaudois. Autour de Berne, essentiellement des Bernois et quelques Fribourgeois. Autour de Zurich, essentiellement des Zurichois et quelques Argoviens et Zougois. Autour de Genève, un gros tiers des travailleurs résident en France voisine - près de 100’000 - et dans le canton de Vaud - plus de 20’000. (150’000 actifs ne trouvent pas à se loger dans le canton, c’est un travailleur sur deux, selon le président non durable du Conseil d’Etat, Antonio Hodgers, (in La Tribune de Genève de ce 20 avril))

Genève, qui a bénéficier de bientôt deux milliards de la Confédération pour bâtir ses trams et son CEVA, va encore toucher un bon milliard pour élargir l’autoroute A1 à trois voies (le canton n’a rien à dire, Berne est maîtresse des autoroutes). Le canton croit encore à une traversée du lac qui ne se fera sans doute pas. 

Vouloir dicter leurs choix politiques à nos voisins sous prétexte que la voiture pollue est au mieux inélégant ou pire stupide et dangereux. 

Dangereux, car vouloir toucher à la rétrocession fiscale, dont Genève bénéfice largement, ou en dicter l’usage pourrait éveiller la curiosité de Paris - si ce n’est déjà fait - outre la mauvaise humeur de nos partenaires du Grand Genève et coûter au final bien plus chère à notre région. Mais il est vrai que la ville de Genève, tout occupée à embrasser le monde et à lui prodiguer ses bons conseils, n’a que faire du Grand Genève.

Nos protestants du moment, tout apeurés par l’enfer climatique, tirent de leur frayeur un bien curieux catéchisme. Comme jadis Calvin, effrayé par l’idée de ne point être parmi les élus, alors que son temps était plus incertain que le nôtre pour le genre humain, porta sur les fonds baptismaux une République théocratique. 

 

* En 2013, relayant une croisade lancée en 2010 au Grand Conseil,  l’alors conseiller national Mauro Poggia avait demandé au conseil fédéral dans un postulat 13.3366 une révision d’un régime que l’élu MCG jugeait et juge sans doute encore trop favorable à la France. A lire encore sur ce sujet un papier paru dans Bilan en 2014 sous la plume de Thierry Boitelle.

On se souviendra en marge de la question fiscale de la guerre des parkings d’échange prévus à la frontière suisse, lesquelles ont été sabordés par un référendum lancé et gagné par le MCG alors au faite de sa puissance, une péripétie qui a eu un effet de glaciation des relations franco-genevoises, dont on n’est toujours pas sorti. 

Commentaires

  • Beaucoup de thèmes intéressants dans votre billet M. Mabut :

    L'autoroute :
    "Vouloir dicter leurs choix politiques à nos voisins sous prétexte que la voiture pollue est au mieux inélégant ou pire stupide et dangereux."
    Oui exactement. Il n'est pas inutile de rappeler que c'est la Ville de Genève qui s'est ingérée dans un projet franco-français, à l'initiative de M. Rémy Pagani et ce sont les contribuables genevois (Ville) qui règleront les frais de la procédure lancée en France.
    Que chacun s'occupe de ses propres affaires !

    Concernant l'accord de 1973, rappelons qu'il s'agit d'un accord financier et pas d'un accord fiscal, comme l'a souvent rappelé M. Mauro Poggia. Cela étant, il est évidemment hautement souhaitable, et urgent, que les cantons suisses harmonisent leurs règles de perception fiscale à l'égard des frontaliers, avant qu'on nous l'impose par le biais de l'UE. Comment voulez-vous qu'on comprenne en France qu'un frontalier français travaillant à Genève ne soit pas soumis au même régime si il habite à Gex (Ain) ou aux Rousses (département du Jura) ?

    Et pour conclure sur un clin d'oeil, Cher M. Mabut, vous qui fréquentez assidument la messe à Compesières, que viennent donc faire les protestants dans l'intitulé de votre article ?
    Eocuméniquement vôtre !

    JdH (descendant d'une lignée de pasteurs ...)

  • Bonjour Monsieur Mabut,

    L'expression "accord de rétrocession" est impropre. Conformément à la convention franco-suisse de 1966 Genève et la Suisse imposent les frontaliers qui résident en France. Du point de vue fiscal c'est tout.

    A côté de cela il existe un accord de 1973 prévoyant une "compensation financière" correspondant à 3.5 % de la masse salariale brute indépendamment de la taxation ou non des salaires à Genève ou du niveau de la taxation de ceux-ci. Genève peut en obtenir la dénonciation par le Conseil fédéral.

    La non-double imposition n'est pas un principe de droit international, mais résulte de la convention de 1966. Faute d'accord les frontaliers pourraient alors être imposés deux fois.

    Dès lors Genève n'a pas à craindre Paris. Au pire la France obtiendrait le droit d'imposer les frontaliers et ceux-ci continuerait à l'être à Genève.

    Ce sont bien les frontaliers qui ont a craindre Paris.

    Les collectivités publiques territoriales voisines aussi car elles sont beaucoup plus riches que ne le sont les collectivités publiques françaises, à raison de cette manne.

    Les agitateurs comme l'ancien maire, non réélu, de Saint-Julien en genevois sont donc dangereux pour les frontaliers et les autres habitants de la France voisine.

    Vous nous dites que le montant de cette compensation est trop chiche. Cependant sans les emplois genevois que deviendraient les travailleurs frontaliers ? Très largement chômeurs ou travailleurs en France. Dans un cas, il ne rapporterait que très peu à l'Etat français, fiscalement parlant s'entend, et, dans l'autre cas, pas tant que cela puiqu'ils seraient imposéd sur la base de salaires français. Dès lors on peut se demander si ce montant de rétrocession n'est pas supérieure à ce que collecterait fiscalement la France, laissant entrevoir que celle-ci est excessive.

    Ce qui, au passage laisse une autre solution pour satisfaire l'ogre parisien que vous entrevoyez, que Genève verse ce montant à Paris. La situation des frontaliers en tant que telle n'en serait pas péjorée, mais elle le serait pour tout les habitants de France voisine, frontalier y compris.

    Bien à vous.

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