On ne m'a pas demandé mon avis pour construire le CEVA sur un tracé conçu au XIXe siècle. On ne m'a pas demandé mon avis sur l'opportunité d'une gare souterraine à Cornavin pour sauver quelques immeubles et faire taire une association de quartier. On ne m'a pas demandé mon avis sur la rénovation du Musée d'Art et d'Histoire. On ne m'a pas demandé mon avis sur la construction d'une nouvelle école communale à Bardonnex. On ne m'a pas demandé si j'étais d'accord qu'un tram roule un jour (peut-être) jusqu'à Saint-Julien, Ferney ou Saint-Genis...
Mais on me consulte sur la hausse d'impôt (100 millions) qui devrait frapper les propriétaires qui profitent d'une double niche fiscale: un abattement fiscal sur la fortune et une évaluation parfois très basse de leur bien par rapport à la valeur du marché.
Voilà qu'en cette pause estivale alors que l'urbain apeuré, après avoir fait ses courses à la ferme, le temps du confinement, découvre nos monts entre pluie et soleil et qu'en Suisse, trois compatriotes sur quatre parle suisse allemand, mon bien aimé président du PDC de Bardonnex nous demande notre avis sur le nouveau régime fiscale cantonal des villas, PPE et autres immeubles habités par leur propriétaire.
A Genève, pays de locataire, la question concerne 15% des gens.
J'avoue que mon premier réflexe a été de dire non. Non parce que la Berne fédérale est incapable de réformer le système de la valeur locative, laquelle impute un loyer fictif au revenu des propriétaire qui peuvent déduire l'intégralité des charges d'intérêt qui pèsent sur leur immeuble. Résultat les propriétaires sont en Suisse les champions du monde des dettes car ils n'ont aucun avantage à les rembourser. C'est un système un peu pervers mais là encore la chose s'avère complexe. Cet impôt serait-il sciemment incompris? Bref, tant que Berne ne le réforme pas, je penser refuser la révision cantonale...
Puis je me plonge dans le projet de loi soumis à consultation, ses motifs et la lettre de la ministre des finances, une petite centaine de page qui exigent de bien connaître le droit fiscal cantonal et fédéral en général et immobilier en particulier et leurs retombées économiques sur le quidam comme sur la société en général. Bref, ce n'est pas à la portée du premier venu.
En fait, le projet ne porte pas sur la valeur locative mais sur l'évaluation des villas et autres immeubles et PPE dans le calcul de la fortune des contribuables concernés et donc dans le montant de l'impôt payé. Genève taxe la fortune 1% chaque année, c'est le canton de loin le plus gourmand de Suisse.
A la lecture des quelque cent pages, on apprend que plus de huit Genevois sur 10 n'ont pas de fortune imposable et qu'un Genevois sur cent - soit environ 2900 contribuables - paie deux tiers des 928 millions encaissés par le canton au titre de l'impôt sur la fortune. Ce qui revient à dire que la fortune est bien mal distribuée (on le savait et une récente étude de StatistiqueGenève le confirme pour les revenus). Mais il faut aussi dire que la fortune constituée par l'épargne des retraites n'est pas taxée et échappe donc à l'information statistique, bien pauvre dans ce domaine.
On apprend aussi que cette question de la taxation des immeubles est un serpent de mer qui empoisonne les débats politique depuis deux générations au moins, dont la dernière péripétie a été la prorogation jusqu'en 2028 des valeurs historiques majorées de 7%. Et que la réforme est devenue une obligation en 1997 lors que le parlement fédéral a décidé d'harmoniser un peu les impôts cantonaux. La règle fédérale dit que la valeur des immeubles est leur valeur de vente et interdit toute réduction de cette valeur. Deux points que Genève viole depuis.
Il faut donc y mettre bon ordre d'autant que la caisse cantonale pourrait en tirer 221 millions par an.
Mais voilà. En politique, il faut savoir ne pas être trop gourmand et faire en sorte que la réforme soit la plus homéopathique possible pour les petits contribuables, au risque d'un échec dans les urnes.
Le Conseil d'Etat s'est donc contenté de tirer 100 millions de cette affaire et d'atténuer la facture pour les propriétaires les plus durables, dont les plus de 65 ans, en abaissant pour tous le taux d'impôt sur la fortune de 1% à 0,86%, ce qui laisse Genève en tête des cantons les plus chers, et en remplaçant le système d'abattement actuel par une savante déduction sociale, laquelle disparaîtra dans 15 ans. La déduction sera en partie payée par la taxe sur les ventes immobilières, dont le taux, lorsque le bien est dans les mêmes mains pendant plus de 25 ans, passera de 0% à 10%.
Quant à la valeur vénale des immeubles, elle sera déterminée par un cadastre des prix des terrains tenu par une commission d'experts et la valeur incendie de l'immeuble.
Faut-il applaudir et dire oui à la loi Fontanet? Difficile de ne pas répondre oui à toutes les questions posées dans le cadre de cette consultation.
Cette affaire montre combien la politique peut être complexe et le juste équilibre difficile à trouver quand on a tardé à prendre les bonnes décisions.
Commentaires
Bien gentil son projet de loi
Cela veut dire que y compris pour les nouveaux propriétaires on serait soumis à l’arbitraire de la réévaluation périodique et toujours à la hausse de ces valeurs.
Ou comment reporter savamment la charge fiscale sur la classe moyenne une fois de plus.
Sous prétexte de réglementation fédérale on va augmenter massivement à terme les impôts sur ceux qui ont fait des efforts d’épargne.
Au lieu de se poser la question comment réformer pour avoir une fiscalité moins lourde on préfère avoir des projets qui enfleront encore la charge fiscale sur ces riches propriétaires (sic)
Ne peut on pas réformer cette fiscalité à coût constant pour nous autres riches propriétaires???
On ne m’enlèvera pas qu’elle cherche aussi à combler les cadeaux fiscaux de l’année passée aux entreprises
A non la main sur le cœur c’est la législation fédérale qui l’impose !!!!
Pour moi les radicaux n’ont plus aucun égard pour la classe moyenne il n’en ont que pour les plus riches et leurs entreprises.
Son projet le montre bien
Alors, pour remettre un peu les choses au clair, il convient de préciser que le taux de l'impôt sur la fortune est, comme celui de l'impôt sur le revenu, progressif, et que le 1% correspond au taux maximum. Ainsi pour une fortune nette de CHF 1 000 000, vous ne paierez jamais un impôt sur la fortune de CHF 10 000, mais plutôt (selon la calculette de l'administration fiscale) de l'ordre de CHF 5 500 par an. Ce qui reste tout de même rude pour un petit rentier ayant eu pour seul tort d'avoir acquis sa maison il y a longtemps, d'avoir amorti son hypothèque, et d'avoir vu sa valeur fiscale réévaluée par un collège d'"experts", d'autant que le petit rentier aura également été tondu par l'impôt sur le revenu au titre de la valeur locative.
Abstraction faite de l'exemple ci-dessus, qui tend déjà à remettre fortement en question le caractère social et moral du système fiscal suisse (et particulièrement genevois), il faudrait tout de même s'interroger une fois sur le bien fondé de cet helvétisme (dans le mauvais sens du terme) que constitue l'impôt sur la fortune (que bien peu de nos voisins connaissent). Et surtout sur le maintien d'un taux d'imposition de 1% qui, s'il pouvait éventuellement être défendu à l'époque où les rendements des placements sans risque (obligations de la Confédération) étaient supérieurs, s'apparente à de la confiscation pure et simple dès lors que votre fortune ne peut généralement plus être placée (sans risque) qu'à des taux bien inférieurs à ceux de l'impôt. Et ce n'est pas la mise en place d'un bouclier fiscal à Genève qui empêchera votre fortune d'être progressivement "mangée" par l'impôt. Surtout si cette fortune ne rapporte rien en termes de liquidités (résidence principale) et que vos maigres revenus de rentier vous permettent à peine d'assumer la pression fiscale liée à la détention du bien.
On devrait dès lors à tout le moins se demander si le taux de l'impôt sur la fortune ne devrait pas être limité à, par exemple, la moitié du taux de rendement des obligations de la Confédération à 10 ans, ce serait une manière de rendre cet impôt un peu plus équitable et un peu plus "constitutionnel", ce qu'il n'est pas actuellement (rappelez-vous, art. 26 la propriété est garantie).
Rien demandé. Un TUTTI FRUTTI que je n'ai en effet pas demandé!
Dommage que votre opinion ait fait l'objet d'un malheureux raccourci sur la page 8 de la Tribune parue le 18 juillet. Ici sur votre blog je comprends mieux votre point de vue. Dans l'abrégé sur papier j'ai cru que vous étiez devenu un kolkhozien! Taxer encore un peu plus les propriétaires de leur logement: c'est tellement facile vu qu'un immeuble est immobile par définition!!! Et c'est lâche de s'attaquer aux fourmis qui ont trimé toute leur vie pour s'assurer un toit. Le PLR est donc à la dérive... avec ce comportement de rançonneurs!
Bien à vous