Ainsi donc le président du Parti démocrate-chrétien suisse veut laisser tomber le C que trop d'électeurs et d'électrices associeraient non pas au christianisme mais au catholicisme, coinçant par trop, aux yeux de Gerhard Pfister, le parti dans un cul de sac: les catholiques vieillissent; et l'église catholique n'est plus la force dynamique qu'elle a pu être après la Seconde guerre mondiale et quelques lustres après Vatican II.
En quoi l'abandon de cette référence chrétienne changera-t-il l'électorat du parti centriste? En quoi le biffage du C changera-t-il sa vision de la fédération suisse, de l'Europe, du monde, son programme pour une bonne gouvernance du pays?
En rien sans doute. Du moins à brève échéance. Ces questions valent pourtant d'être posées et reposées.
Les partis politiques sont de bien étranges créatures. A bien des égards, ils ressemblent à des églises. Leurs membres sont des croyants. Ils s'engagent pour ce qu'ils estiment être le bien commun. Leur vision du monde est souvent idéale. Elle s'ancre dans de grandes valeurs: la liberté, la solidarité, l'égalité, la paix, la prospérité, la commune, la fédération, la république, la nation, l'universel...
Un parti, un parti durable à l'échelle des générations puise ses références dans les écrits de grands penseurs, par strates successives. Au rythme des élections, il résume sa raison d'être, son ambition dans un manifeste, des papiers thématiques, un programme d'actions, des projets de loi, des initiatives.
Un parti n'est cependant pas éternel ni immortel, contrairement à une église qui se prétend telle. Et si son électorat demeure, il se range sous des appellations diverses et contingentes à une époque. C'est particulièrement le cas de l'électorat démocrate-chrétien en Suisse qui rassemble, dès la création de l'Etat suisse moderne, en 1848, les catholiques, attachés à l'indépendance de leur communautés cantonales et communales. L'idée d'une autonomie du politique, détaché du gouvernement de Dieu (et de ses serviteurs) voire contraire à ce gouvernement leur est étrangère.
Les catholiques sont d'emblée plus libéraux que communistes, en raison de l'aversion que les premiers ont de l'Etat, un mal tout juste nécessaire, et de son adulation par les seconds. Ils s'émancipent lentement de la tutelle de l'Eglise et rejoignent presque à contre cœur la démocratie, dont ils vont néanmoins profiter en termes de liberté et de solidarité.
Ce mouvement d'émancipation n'est toujours pas achevée aujourd'hui. On assiste au contraire à des replis frileux et identitaires au sein de l'Eglise catholique et de certaines courants évangéliques dans les domaines de l'être - début et fin de vie - de la famille - homosexualité, égalité des genres, antiféminisme clérical affirmé - tandis que le discours pour les pauvres et la sauvegarde de la création est perçu certes comme légitime mais aussi comme une menace pour le standing de vie acquis.
Bref le C fait mal au PDC, qui y perd son âme, parfois, et par vagues ses électeurs: ça file de tous côté. Il y a ceux qui ont pris leur distance avec la pratique religieuse, ceux qui sont impatients et rejoignent les forces de gauche ou les verts, ceux qui ont peur de l'avenir, s'inquiètent de l'identité de la Suisse et vont grossir les rangs de l'UDC, ceux enfin qui se satisfont de leur vie et se désintéressent du fonctionnement jugé trop complexe des machines gouvernementales.
En perdant son C, le PDC sera-t-il plus à l'aise au centre de l'échiquier politique? Sera-t-il comme par miracle le rassemblement de nouveaux électeurs que le C dérangerait?
J'en doute.
En français le C vaut pour catholique, chrétien et même croyant, une dénomination qui permettrait d'y accueillir d'autres religions. Tel n'est cependant pas le cas en allemand (katholisch, christlich, gläubig).
Reste une suggestion, sans doute trop révolutionnaire pour la Suisse d'aujourd'hui: que le PDC se nomme section suisse du Parti populaire européen...
Impossible de le baptiser Parti populaire suisse, c'est le nom de l'UDC en allemand: SVP, schweizerische Volkpartei. Mais il y a peut-être un avenir pour un DVP, demokratische Volspartei. Les Tessinois ont abandonné le C. Le PDC local s'appelle PPD, partito popolare democratico. Mais ça n'a pas empêché son érosion électorale.
Commentaires
Le PDC souffre de son illisibilité. Etre un coup à gauche, puis un coup à droite, ce n'est pas être au centre, mais hésitant.
La défense de l'humain face à l'IA, la tendance naissante, aux US du moins, de l'industrialisation de la création d'enfant avec un coût qui dépend du géniteur sélectionné.
Qui va empêcher des sectes de faire des aryens ou je ne sais quoi ?
Le PDC doit être présent non en terme de chrétien, mais pour une éthique.
La gauche perdue dans son boboïsme, divise le pays en communautés, l'humain s'efface et se priorise, selon son sexe, etc.
Reste le PDC qui peut défendre tous citoyens pour que la Suisse reste un pays où il fait bon vivre, prioritairement pour l'humain, pas pour l'économie.
En résumé, on ne sait pas pour qui ou quoi, le PDC roule. Il doit se trouver une colonne vertébrale qui ne peut se résumer à ni gauche ni droite. Pour moi, ça devrait être le bien-être du citoyen. L'Economie a le PLR et UDC, c'est suffisant.
Lorsque le PDC prend une décision, qu'il nous dit ce qui est bien pour le citoyen, pas ce qui est bien pour l'économie. Ainsi pour les prochaines votations, faire peur, parler de l'économie, ce n'est pas ce qu'on attend.
Il y a d'autres partis qui sont ouvertement chrétiens : UDF( mon parti sur www.udf.ch) le parti évangélique et le grand UDC qui ont une éthique chrétienne. Ces partis sont souvent contre les grands sujets éthiques : Dpi, Pma, Gpa, avortement, euthanasie, ... Le mariage pour tous par exemple n'est pas justement pour tous actuellement ( il y a déjà le partenariat enregistré en Suisse
@motus: être ni de gauche ni de droite (et ni du centre si je vous suis bien) ne laisse qu'une autre voie, celle d'être prophétique. Ce n'est pas un programme politique, tout au plus celui d'un humain exceptionnel, genre Martin Luther King ou Gandhi, rares, respectables mais pas chefs de gouvernement. Le PDC est au centre parce qu'il se trouve qu'il y a des militants et des partis à sa gauche, qui réclament plus de distribution de la richesse produite (Keynes, revenu universel) et à sa droite qui estiment que chacun doit se prendre en main (Kennedy: ne vous demandez pas ce que l'Etat peut faire pour vous mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le bien commun). C'est un fait. Dans cette situation, le PDC s'allie à une aile ou à une autre dans sa recherche du meilleur bien commun au temps de la décision et compte tenu des possibles connus (c'est le cas aussi en Allemagne ou en Autriche).
@Sylvie Les Évangiles ne sont pas un programme politique (Mon Royaume n'est pas de ce monde et Rendez à César ce qu'il lui appartient...), c'est une voie erronée et non démocratique que de puiser un programme politique directement dans les textes fondateurs. Tous les partis doivent résister à cette tentation. Voyez le parti communiste et ses camps de redressement. Voyez les Verts aujourd'hui dont certains militants ne sont pas loin d'un nouvel endoctrinement et d'instaurer des obligations et des interdictions pour sauver la planète.
"...ceux enfin qui se satisfont de leur vie et se désintéressent du fonctionnement jugé trop complexe des machines gouvernementales."
En effet, ce sont les plus nombreux! J'ajouterais ceux qui constatent que l'économie a pris pleinement le dessus sur le pouvoir politique et qui trouvent que voter ne sert plus à rien.
Mr Mabut je vous dit aussi mon avis : le parti UDF est inter-églises. Nous lisons l'ancien et le nouveau Testaments (voilà pourquoi nous sommes pro-Israël la terre promise) et les 10 Commandements sont notre guide avec la Bible (et les lois suisse sont tirées de lä aussi). . Personne n'est parfait sauf Jésus Christ. Il est venu pour sauver chacun de nous. Par contre il y a beaucoup de personnage bibliques qui ont fait de la politique : Moïse, Les rois, les prophètes et de même dans les parti il y a différentes personnes. imparfaites, qui connaissaient les 10 commandements. Nous avons des initiatives, référendum(s) ... et des projets pour notre pays (l'assurance pour des soins de base). Nous sommes démocrates et non théocrate. Ce que nous refusons est ceux qui veulent détruire notre culture basée sur les 10 commandements pour une liberté extrême et destructrice de la famille traditionnelle qui est la pérennité de la société ... Voilà pourquoi nous allons probablement contrer le mariage civil pour tous avec toutes les dangereuses procréations (avec tactique connue dite du salami ) Ceci n'est pas extrême mais tout à fait normal ... C'est un avertissement et le privilège de notre démocratie semi-directe (et la liberté d'expression risque de plus en plus de nous être enlevé : voilà pourquoi nous avons fait un référendum il y a une année) MERCI de m'avoir lu Mr Mabut et les autres et pour la liberté dans ce journal La tribune de Genève.