C biffé (15/02/2020)

pfister ppd.jpgAinsi donc le président du Parti démocrate-chrétien suisse veut laisser tomber le C que trop d'électeurs et d'électrices associeraient non pas au christianisme mais au catholicisme, coinçant par trop, aux yeux de Gerhard Pfister, le parti dans un cul de sac: les catholiques vieillissent; et l'église catholique n'est plus la force dynamique qu'elle a pu être après la Seconde guerre mondiale et quelques lustres après Vatican II. 

En quoi l'abandon de cette référence chrétienne changera-t-il l'électorat du parti centriste? En quoi le biffage du C changera-t-il sa vision de la fédération suisse, de l'Europe, du monde, son programme pour une bonne gouvernance du pays?

En rien sans doute. Du moins à brève échéance. Ces questions valent pourtant d'être posées et reposées.

Les partis politiques sont de bien étranges créatures. A bien des égards, ils ressemblent à des églises. Leurs membres sont des croyants. Ils s'engagent pour ce qu'ils estiment être le bien commun. Leur vision du monde est souvent idéale. Elle s'ancre dans de grandes valeurs: la liberté, la solidarité, l'égalité, la paix, la prospérité, la commune, la fédération, la république, la nation, l'universel...

Un parti, un parti durable à l'échelle des générations puise ses références dans les écrits de grands penseurs, par strates successives. Au rythme des élections, il résume sa raison d'être, son ambition dans un manifeste, des papiers thématiques, un programme d'actions, des projets de loi, des initiatives. 

Un parti n'est cependant pas éternel ni immortel, contrairement à une église qui se prétend telle. Et si son électorat demeure, il se range sous des appellations diverses et contingentes à une époque. C'est particulièrement le cas de l'électorat démocrate-chrétien en Suisse qui rassemble, dès la création de l'Etat suisse moderne, en 1848, les catholiques, attachés à l'indépendance de leur communautés cantonales et communales. L'idée d'une autonomie du politique, détaché du gouvernement de Dieu (et de ses serviteurs) voire contraire à ce gouvernement leur est étrangère.

Les catholiques sont d'emblée plus libéraux que communistes, en raison de l'aversion que les premiers ont de l'Etat, un mal tout juste nécessaire, et de son adulation par les seconds. Ils s'émancipent lentement de la tutelle de l'Eglise et rejoignent presque à contre cœur la démocratie, dont ils vont néanmoins profiter en termes de liberté et de solidarité.

Ce mouvement d'émancipation n'est toujours pas achevée aujourd'hui. On assiste au contraire à des replis frileux et identitaires au sein de l'Eglise catholique et de certaines courants évangéliques dans les domaines de l'être - début et fin de vie - de la famille - homosexualité, égalité des genres, antiféminisme clérical affirmé - tandis que le discours pour les pauvres et la sauvegarde de la création est perçu certes comme légitime mais aussi comme une menace pour le standing de vie acquis. 

Bref le C fait mal au PDC, qui y perd son âme, parfois, et par vagues ses électeurs: ça file de tous côté. Il y a ceux qui ont pris leur distance avec la pratique religieuse, ceux qui sont impatients et rejoignent les forces de gauche ou les verts, ceux qui ont peur de l'avenir, s'inquiètent de l'identité de la Suisse et vont grossir les rangs de l'UDC, ceux enfin qui se satisfont de leur vie et se désintéressent du fonctionnement jugé trop complexe des machines gouvernementales.

En perdant son C, le PDC sera-t-il plus à l'aise au centre de l'échiquier politique? Sera-t-il comme par miracle le rassemblement de nouveaux électeurs que le C dérangerait? 

J'en doute. 

En français le C vaut pour catholique, chrétien et même croyant, une dénomination qui permettrait d'y accueillir d'autres religions. Tel n'est cependant pas le cas en allemand (katholisch, christlich, gläubig).

Reste une suggestion, sans doute trop révolutionnaire pour la Suisse d'aujourd'hui: que le PDC se nomme section suisse du Parti populaire européen...

Impossible de le baptiser Parti populaire suisse, c'est le nom de l'UDC en allemand: SVP, schweizerische Volkpartei. Mais il y a peut-être un avenir pour un DVP, demokratische Volspartei. Les Tessinois ont abandonné le C. Le PDC local s'appelle PPD, partito popolare democratico. Mais ça n'a pas empêché son érosion électorale. 

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