On ne parlera que des pays où les élections ont encore quelques chances de changer sinon le cours des choses du moins les hommes et les femmes - un peu plus nombreuses en politique qu'à la tête des armées tout de même - qui tiennent le gouvernail démocratique. Par ordre d'entrée en scène, la Grèce, la France, Genève, la Grande-Bretagne, la Suisse et encore la France et l'Espagne, l'Italie peut-être... J'en oublie sans doute.
Dans tous les cas, les populistes de gauche et de droite vont gagner du terrain. Sauf en Suisse peut-être. Partout, sauf en Suisse, la crise économique est profonde, meurtrière. L'avenir paraît bouché et sans espoir à beaucoup.
Les dettes accumulées dans les dernières décennies, alourdies par le sauvetage des banques (2,5 milliard de francs pour sauver la Banque cantonale à Genève), privent les Etats des moyens d'action classiques. L'Europe va peut-être davantage injecter des fonds dans le circuit, si l'Allemagne y consent, mais, alors que le remède est discuter, il sera sans doute trop tard pour que l'effet s'en fasse sentir et dissuade les électeurs de sanctionner les partis au pouvoir.
Partout, également en Suisse, une crise de sens désécurise la population. Elle est plus grave. Pour la conjurer, on s'éclate dans la consommation et ont grossi de rancœur.
Ce ne sont pas tant les "yaka" et les "fokon" des partis populistes qui séduisent l'électorat que le sentiment qu'il est venu le temps de secouer plus fort le cocotier pour que les forces qui ont bâti l'Europe et l'économie sociale de marché, que nous connaissons en Europe, se réveillent, cessent leur course pathétique au trône, faite plus de crocs en jambe que de propositions nouvelles et rassurantes.
La France, naturellement plus proche, nous offre de ce point de vue un spectacle dramatique. Mais elle n'est pas pas la seule à voir sa classe politique éclater en mille courants et partis et précipiter les démocraties dans des lessiveuses dangereuses. Le fruit trop mûr est bientôt prêt à être avalé par le premier homme fort venu.
Mais ce n'est pas la France qui ouvrira les feux de la lessive des urnes. La Grèce broyée d'avoir trop tiré sur la corde va, disent les augures, donner son âme au "démon" Syriza. Déjà les marchés des capitaux, qui ne sont pas sans influencer l'avenir de nos retraites, ont "corrigé" à la baisse le cours des papiers grecs.
La France ira deux fois aux urnes en 2015: le 29 mars pour désigner ses députés aux parlements croupions des départements (des conseillers généraux qui deviendront des conseillers départementaux) et les élections régionales en décembre. Dans les deux cas le scrutin sera différent du précédent. L'élection des conseillers départementaux est un scrutin binominale à un tour par circonscription (appelé canton). Binominal parce que le ticket à choix est toujours formé de deux candidats solidaires, un homme et une femme. A noter que pour rééquilibrer le poids des villes, les cantons de campagne ont été fusionnés.
C'est ainsi que le maire centriste de Saint-Juien, Antoine Vielliard, associé à une candidate de Frangy, se retrouve face au président sortant du Conseil général, Christian Monteil, élu de Seysel, associée à la députée UMP Virginie Duby-Muller. Troisième changement, tous les départements verront leur parlement changer alors que jusqu'à présent, le renouvellement se faisait par tiers. Il en résultera une campagne nationale qui permettra aux couleurs bleus marine de briller un peu plus.
Quant aux régionales, le scrutin aura lieu selon la nouvelle géographie des régions qui en divise le nombre par deux.
Le 19 avril et le 10 mai, la République et canton de Genève vivra, lui aussi un nouveau mode de scrutin. Les maires - fixes (dans les petites communes de moins de 3000 habitants) ou tournant (dans les communes plus grandes) - seront élus au suffrage majoritaire à deux tours. Il leur faudra donc obtenir 50% au premier tour le 19 avril. Sans quoi, ils devront se soumettre à un second tour, où les partis présents au premier tour pourront présenter de nouveaux candidats. Noces à Thomas en perspective. Avec, là encore, des gains majeurs pour les populistes attrape-nigauds.
Les 18 octobre et 8 novembre auront lieu les élections fédérales en Suisse. Je ne me risquerai pas au jeu des pronostics. Avec le retrait de Blocher, dont le potentiel de nuisance, ne se pèse plus qu'aux référendums et initiatives, l'UDC pourrait perdre quelques plumes. Sans doute pas beaucoup. Le parti nationaliste restera le premier parti de Suisse. Malgré le fait que tous les autres partis ont peu ou prou incorporé le fait national dans leur discours moins bien cependant qu'il avait verdi leur discours à l'heure de la grande floraison écologiste désormais bien passée.
De quoi permettre à la droite à Genève de regagner le Conseil des Etats? En fait, en ce début d'année, je ne vois guère que Mauro Poggia ou Pierre Maudet capables de bouter Robert Cramer de la place. Je ne crois pas Barthassat arrivé troisième il y a quatre ans capables d'un pareil exploit à moins que les Genevois ne le préfèrent à Berne qu'à Genève. Si la mieux élue, il y a quatre, la socialiste Maury Pasquier se représente, elle pourrait sauver son siège.
En Grande Bretagne, Cameron pourrait bien se succéder à lui-même et se retrouver dans la délicate posture de soumettre aux Britanniques le choix in ou out de l'Europe. Le scrutin devrait ménager au populistes de l'Ukip une belle tranche du gâteau électoral, encore que, plus qu'en France, le régime électoral, pénalise les extrêmes. Depuis que Tony a publiquement manifesté ce qu'il pense de la conduite, à son goût trop à gauche, du Labour, le fade Miliband a du souci à se faire. D'autant que la branche écossaise pourrait aider l'éclosion à Londres d'un parti indépendantiste. Une CSU bavaroise au goût de malt. Pas une petite bière.
En Espagne, une question: Podemos, c'est le MCG à la sauce genevoise, les Cinq-Etoiles du bouffon italien ou la salade grecque Syriza? Sans doute plus le troisième que le premier. Podemos fera-t-il le prochain roi du gouvernement espagnol? Sans doute pas. Mais comme ailleurs, les forces centrifuges font éclater la démocratie dans la péninsule. Entre les mouvements indépendantistes et la résurgence des partis héritiers de la dictature du prolétariat, il ne manque plus à l'Espagne que le retour d'un parti franquiste.