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Pierre, François et les autres

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Que préférez-vous? Coop, Migros ou Lidl ou encore le dépanneur du coin qui ouvre jusqu'à point d'heure parce qu'il travaille officiellement sans main-d’œuvre d'appoint? Qu'importe, ce qui compte, c'est que vous ayez l'embarras du choix. En plus, à l'occasion d'une escapade, les Genevois ont la liberté de découvrir le monde merveilleux des supermarchés français et de s'en mettre plein le cabas.

Le choix, c'est ce que n'offre pas l'Etat. L'Etat livre ses services et prestations sans concurrence. A un prix qu'on ne connaît généralement pas. Impossible d'aller se servir ailleurs, sinon au prix fort - c'est le cas de l'école - ou au prix plus lourd encore d'une migration.

Deux grands cabinets d'avocats genevois et zurichois viennent d'annoncer leur fusion. Des cliniques, des journaux, des cabinets de conseils, des banques, des assurances, des géants du béton ou de la chimie se reconfigurent, s'adaptent au marché, muent, soumis qu'ils sont aux exigences de leurs clients, soucieux d'en gagner d'autres.

Rien de tout cela à l'Etat. Pierre Maudet annonce le dimanche de Pâques sa décision de dynamiter (c'est Le Matin Dimanche qui l'écrit), le 1er mai, sa Direction des affaires économiques. Combien d'emplois en jeu? Va-t-il fusionner avec les Vaudois, les Zurichois, la Ville de Genève? Non, tout se fait à l'interne. Une Direction, c'est bien connu, ça ne sert à rien. A défaut de pouvoir chiffrer la plus-value rendu par ledit service, le ministre livre au public l'économie réalisée - un demi million, 0,56% du budget de l'Etat. L'Etat n'est qu'un centre de coûts, puisqu'il ne vend rien.

Mais là n'est pas l'essentiel. L'essentiel c'est l'exemple qu'on donne, le message qu'on lance au cœur des administrations. Si Maudet peut se passer de sa Direction des affaires économiques, toutes les directions peuvent être décapitées. Message reçu sans doute cinq sur cinq.

L'annonce pascale de Pierre, c'est aussi, in petto, un défi qu'on pose à ses collègues. Qui osera en faire autant? Qui osera secouer ses hiérarchies? Aidé par la nouvelle Constitution, François Longchamp a ravalé le Chancelier, qu'on tenait naguère pour le huitième conseiller d'Etat, au rang d'un simple chef de service, mais les autres, les bleus...

Cependant deux questions se posent.

Au-delà des quelques ressources qu'on libère pour d'autres tâches commandées, telle celle qu'a reçue l'ex-miss égalité, est-on bien sûr que l'exercice de décapitation rendra l'Etat plus performant, plus efficace, producteur d'une plus grande plus-value? Affaiblir la tête, n'est-ce pas conforter la base dans sa résistance aux changements? Ce risque est grand, surtout à Genève, où la base est sous la coupe de syndicats bien implantés.

Des hauts fonctionnaires auront-ils le culot de résister et de rappeler qu'ils ne sont pas les employés d'un conseiller d'Etat, mais des serviteurs de l'Etat? N'est pas pour cette indépendance face aux pressions d'où qu'elles viennent, que le statut des fonctionnaires les protège contre les licenciements, bien mieux qu'un simple contrat de travail?

Commentaires

  • En même temps, si l'on élit des chefs de département, c'est bien pour qu'ils dirigent leurs hauts fonctionnaires, ou bien ?
    Le chef élu, donc interchangeable, c'est justement ce qui rapproche l'Etat d'un service comme un autre, ce qui peut permettre d'en choisir la qualité ou la couleur. Et vous voudriez supprimer cela ? Au nom de la concurrence ? Pas très logique.

  • Bel exercice d'équilibre, le journalisme neutre et forcément objectif puisque sans prise de position.

    Je doute que ce soit du goût du lecteur-consommateur. En tous cas pour moi votre billet est frustrant.

    La décision de M. Maudet est courageuse. Elle me rappelle celle de M. Blocher qui, si mon souvenir est bon, s'est défait de six chefs de service sur sept. Ou encore de M. Legrix à la T'chaux qui a payé le prix fort de sa tentative de restructuration.

    Un Etat plus performant ? On peut se poser la question, mais il s'agit surtout d'y travailler et c'est justement ce que fait M. Maudet. Mon expérience de la DGAE et du SCom dans le cadre du taxi me confirme que son choix est parfaitement justifié et la suppression de cet échelon devrait permettre au moins une plus grande prise de responsabilité des chefs de services qui avaient tendance à renvoyer les dossiers sensibles à l'échelon supérieur qui lui se contentait de solliciter les experts juridiques et les avis de droit.

    Résistance de la base ? Evidemment. Enfin, surtout des syndicats qui se nourrissent de ces affaires et alimentent la grogne. Il sera bientôt temps de s'inspirer de l'expérience de Veyrier qui devrait donner ses premiers effets suite à la suppression du statut de fonctionnaire.

    Résistance des hauts fonctionnaires ? Plus difficile. Les syndicats ne se mobiliseront pas. Les partis non plus. Mais surtout, ils sauveront leur peau par une réaffectation opportune même si ce n'est qu'un placard construit pour l'occasion. Ils partiront donc sans remous. Et les conseillers d'Etat qui prendront ces mesures auront le soin de ne pas les cumuler à outrance. Tout se fera dans le silence ouaté des petits arrangements en coulisse.

  • Ah là, là, ces fonctionnaires ! Vraiment, ils sont vilains.
    Ce qui ne vous autorise cependant pas à dire n'importe quoi :"Impossible d'aller se servir ailleurs, sinon au prix fort - c'est le cas de l'école."
    Ce que vous dites est faux : il existe à Genève de nombreuses écoles privées.
    Il y a donc possibilité d'aller "se servir ailleurs".
    En ce qui concerne le "prix fort", que préconisez-vous : la gratuité des écoles privées ?
    Par ailleurs, avez-vous une opinion sur les écoles qui enseignent des théories fausses ou des idéologies inacceptables ? Est-ce à l' Etat de contrôler les écoles privées ? N'est-ce pas une ingérence inacceptable dans la sphère de liberté du citoyen ?
    Et affaiblir l'école publique, n'est-ce pas se battre contre un réservoir de culture, d'expérience, d'efficacité, dont peu de gens, lecteurs de votre prose habituelle, ont conscience ?

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