Comment gouverner sans majorité? Quelle ambition peut-on nourrir quand on est à la merci de partenaires qui n'hésiteront pas à en appeler au peuple par voie référendaire? Comment réformer l'Etat quand ses agents, très nombreux, détiennent un triple pouvoir:
- Le pouvoir de l'électeur, un peu plus de cent mille citoyens participent ordinairement aux votations, les services publics du Canton comptent plus de trente mille fonctionnaires ou assimilés. Avec leurs conjoints et leurs proches, c'est donc la moitié du corps des votants, dont le revenu et les conditions de travail dépendent des décisions politiques...
- Le pouvoir du travailleur qui est davantage syndiqué que son camarade du secteur privé et qui n'hésite pas à faire grève en se faisant de surcroît le preux (et seul) défenseur du service public...
- Le pouvoir du serviteur de la loi qui peut l'appliquer avec zèle, de quoi ralentir les décisions, voire les bloquer, en jouant sur les multiples normes votées ou fil des ans pas toujours cohérentes, doublées des règlements et d'une couche encore de législation occulte que sont les directives internes et les pratiques spécifiques...
Face à ce triple pouvoir, des bleus, cinq bleus et deux radicaux, bref un gouvernement forcément faible face à l'ogre administratif.
Des bleus qui vont bien mettre six mois à comprendre comment fonctionne vraiment leur département et autant à survoler les multiples services de l'Etat, son corpus législatif, l'encadrement des normes fédérales et intnationales, des concordats intercantonàux, des normes techniques et l'histoire des projets en cours et des décisions, dont l'histoire n'est pas toujours écrite, est lacunaire ou dispersée dans de multiples rapports et autant d'audits ou encore enfouie quelque part dans la memoire de quelques fonctionnaires...
Conclusion: plutôt un plus petit qu'un grand dénominateur commun. Ça a commencé avec le budget qu'on s'est empressé d'adopté tel qu'il est sorti de la forge Hiler. Il y a huit ans, le Grand Conseil avait donné trois mois au nouveau ministre des finances pour resserrer les boulons. Rien de tel aujourd'hui. La dette dépasse 12 milliards et va augmenter, mais aucune majorité n'est prête à batailler pour libérer Genève de ce fardeau.
Rêvons que les députés qui adopterons le programme de gouvernement auront à cœur, au moins jusqu'a la fin 2016, de voter des lois en cohérence, sans mettre de bâton dans les roues du gouvernement. Rêvons d'une grande entente gouvernementale. Les partis auront assez de 2017 pour se singulariser en vue des élections de 2018.