Il y'a dix jours l'imposant Die Zeit allemand - imposant par la taille et par la longueur des articles - ouvrait son édition sur la fin annoncée de deux grands quotidiens d'Outre-Rhin. Le Frankfurter Rundschau et l'édition allemande du Financial Times allaient mettre la clé sous la porte. Pendant ce temps, la France apprenait que ses grands journaux étaient sous perfusion, plus d'un milliard d'euros d'aides multiples, rabais de TVA compris, par année. Du côté suisse l'idée d'une aide modernisée à la presse fait son chemin. Et voilà que le site gratuit du Monde nous apprend ce soir que le premier journal né sous iPad lancé par le magnat Murdoch va lui aussi interrompre sa parution. The Daily n'a pas rencontrė son public. 1)
Que n'a-t-on pas dit sur la mort lente des journaux! Un point me semble souvent manquer dans les requiems: le lecteur dont l'horloge égrène depuis le début des temps les même 24 heures quotidiennes alors que son emploi, ses commutations, ses familles recomposées, ses loisirs et, last but not least, la société du jeu qu'offre à foison les nouveaux Pads et autres Phones le distrayent toujours plus de la lecture de la presse. À cette concurrence s'ajoute une autre évolution plus menaçante encore pour les journaux: d'électeur, le lecteur est devenu collecteur, collecteur d'objets, mais aussi collecteurs d'events, comme disent les communiquants, passés eux aussi maîtres dans l'art de détourner notre attention des affaires de la cité. Bref les journaux dont la raison d'être est d'éclairer la citoyenneté trouvent en face d'eux des consommateurs, des joueurs, pour ne pas dire des jouisseurs. Bref encore le rapport entre la cité et le citoyen rythmé par le bien commun, qu'affectionne les journalistes, est dépassé par le rapport du marché et des consommateurs. Nous en avons sans doute pas pris assez la mesure. 1) Ici l'analyse du Nieman Lab. Une réactivité remarquable réalisée à partir des quelque 105'000 suiveurs Twitter interrogés sur les raisons de l'échec du premier journal sur iPad.
Commentaires
M. Mabut, vos lignes m'ont interpellé. De tout temps en effet je suis sensible à tout ce qui touche à la presse. Je me rappelle le plaisir que j'avais, enfant, à aller chercher "La Suisse" dans une caissette de la rue des Eaux-Vives. Bien plus tard, et une nouvelle langue dans la tête, je savoure avec bonheur ce qui pour moi est l'un des meilleurs journaux du monde : El País.
Je comprends votre raisonnement mais je ne pense pas pouvoir le partager à ce stade. En effet, ayant pendant quelques temps traversé une bonne partie du canton en transports publics pour me rendre à mon travail, je pouvais observer un nombre impressionnant de personnes lire un journal. Mais vous m'aurez deviné, un certain journal...gratuit. Et c'est pareil dans les autres pays où j'ai voyagé ou vécu.
Voyez-vous, je ne travaille pas dans le monde de la presse mais personnellement, ça ne me plaît pas. Cette presse, je l'ai feuilletée, je ne l'aime pas. Elle tire tout le monde vers le bas. L'éclairage de la pensée collective, la société, et même les journaux traditionnels, qui les menace existentiellement même. Dans mes réflexions sur ce sujet -qui peut-être feront l'objet un jour d'un blog-, j'arrive petit à petit à la conclusion que la presse gratuite devrait être tout simplement bannie, je n'ose le mot interdite. Acceptez-vous de me faire parvenir votre position sur tout cela? Merci...
Les modèles économiques de la presse sont extrêmement fragiles.
En France, les annonces légales sont également un moyen d'aider indirectement la presse.
Quant aux sites internet d'information, ils peinent à trouver eux aussi un modèle viable.
Dernier exemple en date, le New York Times, dont le site devient payant.