J'ai calculé combien de fois les mots droit et devoir figuraient dans la Constitution 2012 de Genève. J'ai trouvé une bonne cinquantaine d'occurrence du mot droit. Aucune fois le mot devoir. Jeudi soir à Uni Mail, j'ai ouvert le débat organisé par le professeur Tanquerel avec cette question.
Aux XIX siècle, quand Fazy a rédigé la constitution de Genève de 1847, en quelques semaines, l'affirmation des droits et des libertés étaient essentielle face au pouvoir hégémonique des puissants. Aujourd'hui, alors que le monde, paraît-il, ploie sous le poids d'une humanité agressive n'est-il pas étonnant que notre Constitution n'évoque pas les devoirs de l'homme et plus fortement encore les devoirs des entreprises et des administrations? Bref la constituante qui a révisé durant quatre ans la charte fondamentale des Genevois ne nous a-t-elle pas livré une Consitution du XIXe siècle?
Le socialiste Thierry Tanquerel, les libéraux Céline Roy et Michel Hottelier, l'UDC Pierre Schifferli et les deux Solidarités Jocelyn Haller et Nils de Dardel ont botté en touche et affirmé au contraire que le texte était bien du XXIe siècle. L'un a évoqué l'article 13 qui pose le principe de la responsabilité. Bon point. D'autres ont rappelé que la loi - c'est son domaine - limitait les droits et que les libertés s'arrêtaient là où commencent celles des autres.
Fort bien. Pourtant plus j'y réfléchis, plus je me dis que Genève - et les constituants, qui auraient dû stimuler la réflexion de tous à ce sujet - a sans doute raté une belle occasion d'être la première constitution à déclarer les devoirs de l'homme.
Le paradoxe est en effet grand. Pas un jour sans qu'on clame les droits de tous et de chacun à ceci et à cela. Parallèlement pas un jour sans que la bien pensance cherche à courber nos comportements: fumée, addictions, mobilité, climat, égalité, le catéchisme vert encadre de plus en plus étroitement nos modes de vie. Pour notre plus grand bien individuel et collectif évidemment. Bref les apôtres des temps modernes n'ont de cesse de nous rappeler nos devoirs: manger équitable, s'habiller équitable, se divertir, voyager, habiter, travailler, croître équitable.
Postulons que droit et devoir sont les deux faces d'une même monnaie.
Je continue d'y réfléchir à l'examen des articles 3 et 13 - pour commencer - de la déclaration universelle des droits de l'homme. Quels devoirs en regard de ces deux articles s'imposent aux hommes, aux entreprises, aux administrations?
Article 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
Article 13
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.
Commentaires
Monsieur Mabut,
Exact, vous avez parfaitement raison et vous abondez dans mon sens :
Droit et devoir sont les deux faces d'une même médaille frappée au nom de "Constitution" !
Et pourtant on cherche en vain quelque trace d'un "devoir" dans cette "Constitution 2012".
Exemples :
- Devoir civique : celui de voter ?
- Devoir propre à chaque contribuable : celui de payer ponctuellement ses contributions fiscales ?
Cordialement !
Il faut croire que c'est une constitution moderne, dans "l'air du temps".