Faut-il s'allier avec le diable Stauffer? La question est trop rapidement écartée par les politiciens de l'Entente sonnés par la déroute électorale.
Lundi soir, sur Forum, le démocrate-chrétien Kalbermatten bottait en touche, s'en remettant prudemment à la décision des militants. Même son de cloche ou à peu près du président des libéraux de la Ville Alexandre Chevalier. Quel courage? Les militants et les citoyens attendent d'un chef une direction, une stratégie et l'anticipation des alliances nécessaires pour atteindre le but qu'on s'est fixé et non la répétition en boucle de son catéchimse, des valeurs qu'on partage ou qu'on ne partage pas.
Quel est le but du parti démocrate-chrétien et des radicaux libéraux? Est-il réellement de reprendre le pouvoir en Ville de Genève? On peut en douter. Les libéraux n'ont pas choisi la meilleure locomotive électorale et les PDC ont d'emblée renoncé à la bataille en refusant des alliances à leurs yeux contre nature. Pourtant nécessaires à cette reconquête.
A moins...
A moins que les uns et les autres ne se bercent d'illusions encore et croient ou veulent faire croire qu'un Exécutif doit être l'aussi fidèle image que possible du Conseil municipal, ce qui d'une certaine manière serait cohérent avec la démocratie directe et qui impliquerait l'élection des cinq maires de Genève au système proportionnel, mais qui ne correspond par à l'hégémonie de la gauche qui a trusté le pouvoir exécutif alors qu'elle ne disposait que d'une courte majorité. Dans ce cas, la Mairie de Genève 2011-2014 serait composée de
Pierre Maudet, Sandrine Salerno, Rémy Pagani, Esther Alder et Carlos Medeiros.
Du grain à moudre pour la Constituante qui pour l'heure n'a rien changé au système en vigueur malgré ses nombreux dysfonctionnements:
- la multiplication des partis représentés au Conseil municipal: huit à Meyrin et aucune majorité en vue. Comment peut-on gouverner une commune dans cette cacophonie?
- le changement de système électoral: proportionnel pour le législatif (dénomination usurpatrice car les Conseils municipaux genevois n'ont pas qualité de rédiger des lois) et majoritaire pour l'Exécutif
- l'élection individuelle des comaires qui ne favorise pas la solidarité au sein du collège gouvernemental
Il faut changer de système. La Constituante n'en a pas mesuré toute l'importance, consacrant l'essentiel de son énergie à reconfigurer les communes, à tricoter des districts, antichambre de fusions aléatoires.
La difficulté de changer vient sans doute de la difficulté de passer de système équilibré à un autre et de penser la réforme à sa bonne dimension si on veut réellement simplifier et alléger le système politico-administratif du canton dans son ensemble.
Pour ma part, je rêve d'une réforme profonde. J'ai eu l'occasion dans de précédents billets d'en exposer le projet ici et là notamment.
Il consisterait à créer 60 à 75 communes qui seraient en fait des circonscriptions électorales d'égales compétences et d'égales moyens, élisant chacune un député maire à plein temps.
En tant que maires, les députés maires seraient les responsables d'un budget de proximité alloué par le canton. Ils seraient secondés par des adjoints miliciens élus en même temps que lui. Les députés maires et par délégation leurs adjoints pourraient président des commissions d'aménagerment des rues, de places. Ils auraient des fonctions de médiateur. Ils aurait la responsabilité de présider les assemblées de villages et de quartiers de la démocratie participative.
En tant que députés, les députés maires composeraient la moitié du Grand Conseil et siégeraient à leur guise dans un parti ou comme indépendants. L'autre moitié du Grand Conseil serait élu selon le système proportionnel avec un quorum réduit à 2%.
Pour ne citer qu'un exemple sur le mode de fontionnement de ces députés maires professionnels et de leur relations avec le Grand Conseil, considérons ce cas de figure. Un député maire préside une commission d'aménagement locale et voit sa décision contestée par une pétition locale. La décision de la commission locale est alors portée à l'examen de la commission cantonale d'aménagement. Si elle est entérinée est entre en force. Sinon la commission cantonale décide des suites à donner au projet.
Ainsi redonnerait-on toute sa puissance à la démocratie élective, au Grand Conseil. Ainsi pourrait-on s'en tenir à des lois qui fixent des grands principes et enlèvent aux tribunaux de trouver dans des lois trop complexes les moyens de casser des décisions politiques.
Commentaires
Très intéressant papier ! Tout comme la solution proposée.
Ca serait très long et compliqué à mettre en place (résistance au changement des administrations en général) mais ça mérite approfondissement.
p.l.
Cher Monsieur Mabut,
Vos lecteurs voient en vous un génie brillant. On ne s'étonnera donc guère qu'ils soient éblouis par vos lumières, au point d'en devenir aveugles et de ne pas voir que votre système augure des jours des plus sombres pour ceux qui s'y risqueraient.
Je discuterai rapidement votre système sur deux points, tout d'abord les conséquences du type de scrutin que vous proposez et ensuite sur l'efficacité qui est supposée en résulter.
Savez-vous quelle est la conséquence d'un système avec un siège par circonscription (ou système dit majoritaire à deux tours) du type de celui que vous proposez, même si chez vous ce système n'est que partiel?
Primo, lors des élections, les électeurs optent le plus souvent pour le vote utile afin de ne pas gaspiller leur voix sur un candidat qui ne pourra pas gagner. Très rapidement la diversité des partis disparaît pour laisser la place à deux mammouths, l'un de gauche et l'autre de droite. En d'autres termes, on aboutit à la polarisation bipartite de la vie politique!
Secundo, les électeurs sont vite prisonniers des deux appareils politiques qui se passent le pouvoir au gré de l'alternance des votes, de l'un à l'autre et de l'autre à l'un. Aucun changement réel possible. Vous êtes mécontents des uns, alors vous prenez les autres. Vous êtes ensuite mécontent des autres, et bien réjouissez-vous, vous reprendrez les uns.
Tertio, un nombre important d'électeurs ne sont pas représentés, puisque seul un candidat, celui de la majorité obtient un siège. Dès qu'un troisième parti apparaît et apporte l'espoir de représenter les autres, sans aucune chance d’obtenir des sièges, il végète dans l’antichambre du pouvoir, quand il ne retourne pas vite dans les tréfonds d’où il est sorti. Seule la majorité est représentée, quelle belle conception de la démocratie que voilà.
Il suffit d'aller voir dans les pays où l'on pratique ce type de système: USA, Royaume-Uni, France, etc...Le résultat est en effet une vie politique des plus pauvres dans laquelle les électeurs n'ont plus vraiment de choix, en dehors de deux partis géants et inamovibles.
On notera que votre argument repose sur l'efficacité supposée accrue de votre système, pour deux raisons implicites, d'une part une majorité plus forte et d'autre part des politiciens professionnels. Obreptice que cela : vous voulez convaincre du bien-fondé de l’application d’un système en taisant la vérité quant à ses conséquences.
Pour ce qui est de l'introduction de professionnels dans la politique, lorsqu'on y procède, un glissement s'opère inéluctablement vers la création d'une aristocratie qui très vite ne partage plus la vie des citoyens. Encore plus vite, hauts salaires, appartements de fonction et privilèges de toutes sortes se multiplient. In fine, les intrigues à la cour deviennent leurs seules préoccupations. Tant qu'on festoie au château et que la chaise est assurée à la table du roi, qu'importe le reste? Ce qui protège les citoyens c'est que les politiciens aient la même vie que leurs administrés et que, après un temps court en politique parce que miliciens, ils retournent à la vie civile.
La démocratie nous vient des Grecs dit-on. Je vous invite à aller les lire avant de proposer un système nouveau. Ils ont déjà réfléchi mieux que vous à ses dangers. Dans l’Athènes de l’antiquité, Clisthène en est venu à s’essayer à la stochocratie pour élire les membres de la Boulè: on tirait au sort les positions de magistrature au sein de la population civile avec un tournus obligatoire afin d’éviter les problèmes que pose un système comme le vôtre qui voit certains devenir des professionnels de la politique vissés sur le siège du pouvoir et dès lors des tyrans. Toujours à Athènes, on se risqua également à utiliser la pratique de l’ostracon qui permettait aux citoyens de bannir -comme le fut Thémistocle en son temps- ceux qui en faisant de leur activité politique une profession en devenaient trop puissants et donc dangereux.
Pour ce qui est de votre majorité efficace maintenant, je vous pose une question pour en montrer l'ineptie et la dangerosité: êtes-vous favorables à la séparation des pouvoirs? Certainement me direz-vous. Et pourquoi donc? Parce que vous avez compris que dans l'esprit des Lumières la séparation des pouvoirs a pour objectif le fractionnement du pouvoir. Comme l'on sait que dès qu'un pouvoir existe celui qui s’en emparera aura toutes les chances d’en abuser, on met un garde-fou. Le seul efficace que l'on ait trouvé jusqu’à présent c'est le fractionnement du pouvoir, qui vise à empêcher celui qui a trop de pouvoir d'en abuser et de nuire aux autres. Vous devinez où je vous emmène ? Un système proportionnel vise précisément à fractionner un peu plus le pouvoir au sein du législatif (de même qu'un gouvernement collégial plutôt que composé d'une seule personne) et donc à nous protéger contre les excès et les abus. Concentrer un peu plus le pouvoir est contraire à l'essence du système démocratique tel qu'il a été pensé.
Si vous continuez à accroire que votre concentration est une solution, autant tirer le sophisme jusqu'au bout pour en voir la fausseté: plus c'est concentré et plus ce devrait être efficace. Concentrez donc tout le pouvoir dans les mains d'un seul comme jadis sous l'ancien régime et vous verrez quelle belle efficacité vous aurez. Mais je vous sens déjà frémir des effets sur la société civile que vous apercevez tout clairvoyant que vous voilà devenu, parce que vous aurez rapidement décelé que la conséquence funeste de cette efficacité c'est le fait du prince et la mort de la liberté. N’est-ce pas ce que vous voulez ? Et pourtant, à lire votre dernière phrase, vous souhaitez tellement concentrer le pouvoir que vous pestez même contre les juges en rêvant de leur enlever la prérogative qu’ils ont de protéger les citoyens contre les décisions de l'administration ou des politiques qui la dirigent. Votre système dans sa nature conduit à la même conséquence liberticide que la tyrannie d’un seul, la différence est juste une question de degré.
Je préfère de loin un parlement et un gouvernement qui sont multicolores et où les politiciens doivent composer avec des adversaires pour prendre une décision. Certes les décisions sont moins fréquentes et moins tranchées, mais, c'est la meilleure façon de s'assurer d’une part que les intérêts de tous sont balancés et que les décisions ne sont pas à sens unique. Avec un système qui favorise l'apparition d'une majorité claire et permanente, très vite ce que vous prenez pour de l'efficacité devient le piétinement du droit et des libertés de ceux qui composent la minorité. Le parlement devient un rouleau compresseur à faire des lois au profit de certains et au détriment des autres.
Mais, est-ce vraiment de l'efficacité que l'on gagne avec votre système? Vous ne voyez pas que cela conduit à une inflation normative et à la mort de l’activité, notamment économique de la société civile, comme ce fut le cas pour la Rome antique. En France par exemple on en est presque à trois lois, décrets ou règlements par jour. Comparez ne serait-ce que le code du travail suisse et le même code français. Quelques pages d'un côté, une bible de l'autre. Dites-moi où l’activité est moribonde et où elle est florissante ? Est-ce là où une majorité forte et permanente vote loi sur loi, ou bien, est-ce là où la liberté contractuelle laisse les citoyens libres de faire eux-mêmes leur propre droit dans leurs échanges volontaires ? Cette inflation, qui passait pour de l'efficacité devient précisément ce qui grippe l'activité, parce que la société civile ne peut plus bouger le petit doigt sans se voir reprocher de ne pas respecter telle ou telle loi et sans devoir remplir X formulaires et obtenir Y autorisations afin de faire les choses dans les règles. Tout est figé et votre efficacité s'est muée en son contraire.
D'aucuns disaient que le gouvernement n'était pas la solution aux problèmes, mais qu'il était le problème. Aujourd'hui le lavage de cerveau des citoyens est tel qu'à chaque problème ils se tournent vers le gouvernement pour obtenir une solution, alors que le système a été pensé par les philosophes du droit pour empêcher le gouvernement de se mêler de tout et laisser les membres de la société civile gérer eux-mêmes librement les problèmes qui se posent à eux. La seule fonction du gouvernement devrait être de s’assurer que l’administration respecte le droit et les libertés fondamentales. En voyant dans le gouvernement et son efficacité la solution aux problèmes, vous oubliez une chose essentielle: c'est que pour qu'une société fonctionne c'est la société civile qui doit être efficace, pas son gouvernement. Or, à trop vouloir l'efficacité du second, vous tuez l'efficacité de la première. A quoi bon avoir toutes les lois que veut votre majorité de parlementaire si cela conduit à la paralysie de la société civile?
Finalement, votre système produira immanquablement de l'insécurité juridique. D'une législature à une autre, lorsque la majorité s'inverse, les uns défont ce que les autres ont fait et vice-versa. Il s'ensuit une instabilité juridique très mauvaise pour les investissements. Lorsque vous ne savez pas à quelle sauce vous serez mangé demain parce que les règles changent sans cesse, plus personne n'investit et n'entreprend. Ce qui a fait l'attractivité de la Suisse au 20ème siècle c'est précisément sa longue stabilité juridique en comparaison européenne.
Ne vous inquiétez pas, lorsqu'une loi est indispensable pour régler un problème parce que le problème est majeur, il apparaît très vite une majorité dans un système proportionnel, précisément parce que l'urgence ou la gravité du problème fait qu’on arrive à se mettre d'accord. C'est par contre lorsque les lois ne sont pas indispensables ou trop extrêmes contre les minorités que les majorités ne se font pas et que les citoyens sont protégés contre les excès quantitatifs et qualitatifs de lois inutiles ou par trop liberticides.
J'ai commencé mon discours par une boutade imagée. Vous m’accorderez donc de le terminer de la même façon en guise de péroraison. Benjamin Franklin, se méfiant de la démocratie au sens où vous semblez l'entendre, disait d'elle qu'elle ressemble à deux loups et un agneau qui doivent voter pour savoir ce que l'on va manger. Je me permets d'ajouter que lorsqu’autour de la table vous avez deux loups, un pélican, une souris, un serpent, un poisson et un agneau, c'est certes plus difficile pour décider du repas, mais ce que l'on gagne en échange, c'est que l'agneau (comme tous les autres d'ailleurs) est mieux protégé des intérêts égoïstes des loups.
Je ne prétends pas que le système dans lequel nous vivons soit parfait, loin de là et je salue votre volonté de le réformer que je partage; mais de grâce, consultez les classiques grecs et les philosophes des Lumières afin de cesser de croire que vous l’améliorerez en accentuant ses défauts. Aussi, vous me pardonnerez de ne pas abonder avec vos lecteurs et de refuser un système qui tout séduisant qu'il paraisse prima facie ne fait que renforcer la position des loups et affaiblir celle de l'agneau.
Monsieur Je dénonce, je ne considère nullement Jean-François Mabut comme un génie. Il lui arrive de se tromper. Il m'étonnerait que Pierre Losio soit d'un avis contraire. C'est de votre part une lourde erreur de jugement.
Sur le fond, vous faites fi du référendum dans votre raisonnement et de son contrepoids pesant aux décisions de l'exécutif. Exécutif qui resterait à priori multipartite et cantonal dans le shéma de Mabut. Référendum qui permet l'opposition systématique à l'intérêt général (ou aux vues des politiciens en place) pour défendre des intérêts particuliers. Dont ceux des agneaux. Ce qui, dans notre belle Genève, en matière de logement notamment, est bel et bien cause de blocage généralisé, mais s'avère un excellent moyen de défendre la diversité. Mabut ne le remet pas en cause.
Par ailleurs, nous ne sommes plus dans l'ancienne Athènes où seuls les propriétaires terriens avaient le droit de vote. Ce qui à Genève exclurait l'essentiel du corps électoral. Quant au système majoritaire à deux tours que vous décriez, non sans raison, c'est vous qui y pensez. Je ne vois nulle part que Jean-François Mabut l'ait cité.
Cher Monsieur Mabut,
Ce que je ne comprends pas, c'est quel^'élu MCG est dans votre schéma M. Menderos, alors que c'est M.Pardo qui est arrivé en tête de liste.