"Le monde est un peu comme une salle de bain dont la baignoire déborde. L'ingénieur Püttgen nous propose une serpillère très sophistiquée. Moi je propose de fermer le robinet."
"C'est la première fois qu'on me compare à une serpillère" a remarqué un brin agacé le professeur Püttgen. Le directeur de l'Energy Center de l'EPFL défend un développement durable (DD) et croit que la Suisse pourra revenir d'ici la fin du siècle à sa consommation d'énergie par habitant qui était le sien en 1962: 2000 watts par habitant.
Le fermeur de robinet, c'est l'idole des décroissants, Serge Latouche, professeur émérite de Paris Sud, directeur du Groupe de recherche en anthropologie, épistémologie et économie de la pauvreté et auteur d'un ouvrage qui résume le propos qu'il a tenu ce soir à Uni Mail devant un auditoire comble: "De la décolonisation de l'imaginaire économique à la construction d'une société alternative".
Pour rester dans l'environnement de la baignoire, il s'agit pour lidéologue de jeter avec l'eau du bain progrès croissance et développement, Adam Smith, Marx et tous ceux qui ont voulu conjuguer bonheur et accaparement pour promouvoir une société de la frugalité heureuse telle celle que l'Equateur a inscrite dans sa constitution, que le sous-commandant Marcos défend et que le président Morales met en oeuvre en Bolivie.
A la question: comment faire en Europe, avec quelle gouvernance? Avez-vous des solutions concrètes qui sortent des formules de la séduction?, il n'y eut aucune réponse.
Ce qui n'a pas empêcher les adeptes du pape de la décroissance d'applaudir un discours à la limite de la forfanterie.
Sur la feuille d'invitation à la soirée organisée par le Réseau objedction de croissance, l'Association des étudiants en science politique et relations internationales et écoattitude, il était écrit: L'Université est étrangère à l'organisatin de cette manifestation. Les bonnes formules du professeur Latouche ont sans doute fait rire la salle - c'est la lutte du pot de terre contre le pot de vin - mais n'étaient en effet pas vfraiment à la hauteur d'une réflexion académique qui s'est de surcroît confinée à un diagnostic archi-connu très sanglot de l'homme blanc.
A lire sur le même sujet l'avis de Pierre Losio, vert de rage ou en vert et contre tout.
Commentaires
J'étais aussi à unimail hier soir ; déçu.
le temps de déjeuner et de me raser etje mets au blog sur ce sujet
bonnejournée
p.l.
Votre billet est somme toute marrant.
Il semble que vous teniez à souligner l'aspect charismatique du personnage Latouche. Vous parlez d'"adeptes", de "pape", et j'en passe.
Or qui ici est en fait l'idéologue ?
Si Mr. Latouche avait le mauvais rôle en cela qu'il dépassait son statut d'économiste, puisqu'il se présentait comme philosophe penseur et objecteur de croissance, le professeur Püttgen, quant à lui, n'aurait pu déplaire à personne, vu qu'on attend (plus) rien d'un ingénieur pour sauver la planète, si ce n'est qu'il nous dise qu'en améliorant les techniques, on parviendra à limiter les dégâts plus longtemps.
Polluer moins, pour pouvoir polluer plus longtemps. Le refrain du développement durable, largement connu des gens présents dans la salle, n'avait en effet pas de quoi transcender les foules.
Mais ce qui est marrant, j'en reviens, est à relever dans cette phrase pleine de sens, que vous écrivez :
"Le directeur de l'Energy Center de l'EPFL défend un développement durable (DD) et croit que la Suisse pourra revenir d'ici la fin du siècle à sa consommation d'énergie par habitant qui était le sien en 1962: 2000 watts par habitant."
Il "croit", nous baignons donc dans les croyances. A... croire que nous étions à la grand messe un jeudi soir.
Mais vous avez mis la doigt sur l'essentiel. La croissance et les mythes qui l'accompagne (progrès, sciences, techniques, etc.) sont bel et bien la nouvelle religion, qui est en train petit à petit de disparaître.
Après la disparition de l'ère religieuse, l'ère de la modernité se meurt.
Mais les médias dominants, à l'image de la tribune de genève (qui n'a pas répertorié l'événement, ne se déplaçant pas à la conférence de presse organisée avec le professeur Jacques Grinevald), et de votre billet, préfèrent botter en touche la réflexion, réduisant Latouche à un vantard idéologue incapable de fournir à un public venu attendre la révélation des réponses concrètes pour que d'autres monde soient possibles. Facilité et mauvais esprit font bon ménage.
L'idée de promouvoir une société de la frugalité heureuse et de décoloniser un imaginaire (largement marqué par l'universalisme moderne version néo-colonialisme) qui ne sait plus se mettre des limites ne suffit donc pas pour vous combler, la subversion n'est s'en doute pas assez de taille pour un adepte de la décroissance tel que vous, M. Mabut ?
Vous attendiez comme la masse des bien pensants bobos venus écouter leur idole, un programme en 12 points capables de révolutionner notre bonne vieille démocratie helvétique, avec, si possible, la marche à suivre dans les 4 langues nationales.
La décroissance rejette pour beaucoup mais propose beaucoup aussi, et même le prophète Latouche, ne vous en déplaise.
Il met en avant le "pluriversalisme", en citant justement les exemples qui se déclinent ailleurs, avec une même prise de conscience des méfaits de la croyance en la croissance illimitée, mais selon des valeurs propres à chaque civilisation et tradition. Comme vous les citiez, il existe des esquisses de réponses en Amérique du Sud et ailleurs.
Sachez donc - pour votre gouverne - qu'une des particularité de la décroissance réside dans le fait de privilégier la diversité et la pluralité des options. Cette approche forcément s'éloignent des schémas normatifs, afin que chaque communauté invente elle-même son propre modèle de société.
Mince, il faut le construire par soi-même, un grand prophète ne viendra pas nous guider en nous prenant la main.
Pourtant cette caractéristique-là ne fait pas pour autant de l'objection de croissance un contenu insipide défendu par des bobos occidentaux blancs s'auto-flagellant.
Latouche a proposé un schéma fait de 8 grands principes, mais vous vous gardez bien d'en parler.
Les 8 R de l'approche de la décroissance. Relocaliser, réduire, réutiliser, recycler, réévaluer, reconceptualiser, restructurer, redistribuer.
Mais je comprends que présenter tout cela vous aurait pris plus de 2 min pour faire votre article.