Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Faire la fête avec Calvin

Imprimer

Dermange.jpgcalvin muro.jpgCertains n'en ont pas cru leurs oreilles. Ce monde n'est pas perdu, soyez les témoins de l'espoir, jusqu'à profaner l'argent,... en faisant la fête avec des amis. François Dermange arrivait au teme de sa causerie. Un bruissement dans la salle. Cinq siècles de culture protestante ne vous préparent pas à des manifestations bruyantes. Sourire en coin. l'éthicien de la fac autonome de théologie de Genève mesure modestement son effet. Profaner l'argent, une parole qui entre bizarrement en résonnance avec l'air du temps et avec celui d'un autre temps, celui de Saint Augustin, quand le père de l'Eglise disait: aime et fais ce qu'il te plaît.

"Calvin et la gestion des biens, quelle liberté face à l'argent", tel était le thème hier soir à Troinex de la première des deux conférences - l'autre aura lieu mardi 7 à Carouge -  organisées par la Conférence oecuménique de Carême.

"Y a-t-il un ciminel dans la salle?" Personne n'a levé la main. Je suppose, poursuit François Dermange, qu'il n'y en a pas. Vous respectez donc le commandement "Tu ne tueras pas". Mais Calvin nous dit dans son long commentaire du Décalogue: est-ce que tu fais tout pour que l'autre vive? De même pour le commandement Tu ne voleras pas. Est-ce que tu fais tout pour que l'autre ne soit pas en situation de voler?

Certains protestants ont vu dans le "tu ne voleras pas" la justification du droit de propriété. En fait Calvin pousse le commandement jusqu'au bout de sa logique: ne suis-je pas en train de voler quelqu'un? Ne soyez "ni restreint ni chiche" avec ceux qui vous servent. Quel est le juste tarif de la femme de ménage, demande François Dermange? Et ne vous réfugiez pas derrière les usages et les tabelles. Ce sont les règles du temps, les règles du contrat. Or un contrat peut être injuste ou même faux. La Bible aussi peut être injuste ou même fausse, quand elle se prend à légiférer, note le théologien, suscitant un nouveau bruissement dans la salle.

En réponse à une question qui rappelait que la Bible interdit le prêt à intérêt, Dermange dit: Calvin n'avait que faire de la lettre des textes fondateurs, quand il ne sont que texte législatif daté. Il a autorisé le prêt à intérêt pour les prêts d'investissement, car l'investissement augmente la prospérité commune. En revanche, il a maintenu l'interdiction de l'intérêt pour les prêts de consommation. La loi doit être de son temps et s'adapter à l'état des connaissances.

Calvin fonde sa pensée non les deux commandements de l'amour - aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même. A la logique du contrat, il ajoute la logique de la libéralité pleine et sans réciprocité, la logique du "selon leur besoin". Tout le monde peut être équitable, c'est la règle commune de la paix civile. Mais être chrétien, c'est aimer le monde, son prochain, y compris les étranges, dont le salaire doit être mesurer selon leur besoin. Le commandement d'amour s'étend spécialement aux pauvres qui sont devant nos portes. Et c'est ainsi que les Genevois ont ajouté un puis deux étages à leur maison.

Et la parabole des talents, demande quelqu'un d'autre dans la salle? Vaste question que le rapport de Jésus à l'argent! Vous vous souvenez de la question de l'impôt dû à César que des juifs posent à Jésus pour le faire trébucher. Que répond-il? Il demande que quelqu'un lui montre une pièce d'argent. Ceux qui le mettent à l'épreuve en sortent une - Jésus n'en a pas - eux oui. Que montre la monnaie? Le visage de l'empereur. Et vient la parole célèbre: rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. Quelle est la monnaie de Dieu? L'homme fait à l'image de Dieu.

Il n'y avait rien hier soir à ajouter. Sinon ce témoignage de Yves Brun qui se réjouissait de découvrir un autre visage de Calvin qu'une éducation catholique avait réduit à quelques clichés. Mais combien de protestants ont eux-aussi une image pétrifiée du Réformateur?

Commentaires

  • Je ne suis pas certain qu'un papiste noir et convaincu comme Monsieur Mabut puisse saisir l'esssence de l'éthique protestante. Rendons à César etc...Je le préfère lorsqu'il glose et glousse sur ses amis de la Constituante. On le sent plus à l'aise.

  • Il est toujours piquant de voir des éthiciens ou des théologiens défendre le Calvin terroriste, dont l'amour du prochain, haute vertu chrétienne, est bien connue...

    Il est aussi facile de réactualiser la théorie monétaire de Calvin pour montrer qu'en ce 21è siècle matérialiste et athée notre ex-dictateur cantonal avait raison. On oublie simplement dans quel contexte religieux et politique il agissait. On oublie surtout ses méthodes et ses lois.

    En ce 450è anniversaire bien scandaleux pour les libres penseurs, cessons de présenter sans arrêt Calvin comme un modèle de rectitude morale. Le 16è siècle, qui fut un siècle de terreur religieuse aussi grâce à Calvin, nous offre bien d'autres modèles à suivre: Montaigne, La Boétie, Erasme par exemple.

    Et cessons de penser qu'il faut être croyant et calviniste pour comprendre la pensée et l'oeuvre de Calvin. Etre intelligent est amplement suffisant. C'est comme si pour comprendre Hitler il fallait être nazi. Le rapprochement n'est pas de moi, il est de Stefan Zweig dans son essai historique sur Calvin et Castellion (1936), dont je conseille la lecture.

Les commentaires sont fermés.