Pierre Weiss, tête pensante de l'Union libérale radicale suisse, signe un long édito dans L'Entreprise, le journal des patrons genevois, d'où il ressort - enfin je crois - que la Commission d'évaluation des politiques publiques est de trop dans le millefeuille des organes de contrôle de l'arbre étatique et de ses branches et rejets (évidemment trop) nombreux.
Le président du parti libéral suisse ne peut guère tirer sur la dernière couche de biscuit que le peuple genevois vient d'ajouter. La Cour des comptes, oeuvre du Grand Conseil, est encore tout auréolée de sa récente légitimité démocratique, à défaut d'avoir reçu de la part des députés un terrain de jeu suffisamment délimité. Il ne va pas non plus élaguer dans l'Inspection cantonale des finances, ce qu'a tenté de faire le Conseil d'Etat qui a mis deux ans à repourvoir le poste de sa direction, sous la pression peut-être d'un projet de loi (10152) de la gauche qui demande rien moins que de placer l'Inspectorat des finances sous sa responsabilité.
En vérité, c'est bien la Cour des comptes qui pourrait faire double emploi avec les autres couches que sont:- le contrôe interne c'est un peu le discours de la méthode. Appelé aussi controlling ou assurance qualité, il s'agit d'une batterie de règles et de mesures de performances définies en fonction des métiers. Un système qui rend en principe chaque agent responsable de la quantité et de la qualité convenues. Le contrôle interne est en principe généralisé à l'Etat de Genève depuis le 1er janvier 2007 (le manuel adopté le 13 décembre 2006 compte 114 pages...),
- l'Inspection des finances qui est l'organe de révision et d'audit interne du Conseil d'Etat,
- la Commission d'évaluation des politiques publiques, organisme créé par Olivier Vodoz, successeur de la Commission de contrôle de gestion, chargée de vérifier la pertinence des politiques et de leur mise en oeuvre.
Un Etat ou une entreprise qui multiplie les organes de contrôle indépendant est-il malade? Pas forcément! Plus aucun homme, ni aucune femme ne saurait aujourd'hui, sous nos cieux (maudits?), donner la vie sans recourir à moult avis de spécialistes, du psy confesseur, au gynécologue patenté, en passant par la foule grossissante des maîtres en fécondation assistée et en dépistage des erreurs de la nature, bientôt en sélection de bêtes à championnat. Bref l'homme s'est outillé pour mieux contrôler sa vie et celle des autres, on ne voit pas donc pourquoi il devrait s'en priver. (On ne voit pas non plus comment il pourrait s'en priver du fait que ces arts sont aussi des business, à moins de faire le choix d'une vie recluse. Et encore)
Il se trouve que la Cours des comptes est composée notamment d'anciens magistrats du pouvoir judiciaire qui savent jouer des effets de manche. A cent lieues des miliciens la CEPP. Les rapports de ces deux diagnostiqueurs de la vitalité étatique sont d'égale valeur et d'égal intérêt, l'essentiel est que ceux à qui ils sont destinés en fassent quelque chose.
Le problème est donc moins dans le nombre de couche du "macdo" contrôle que dans le mélange des couches qui peut en effet susciter quelques chamailleries. Pierre Weiss en convient sans avouer sa faute, ni viser très juste. La faute c'est celle du Grand Conseil qui n'a pas su réaliser ce qu'il réclame: une meilleure délimitations des compétences des divers organes. Et c'est plus la frontière entre l'ICF et la Cour des comptes qui pose problème que celle de ces deux organes avec la CEPP.
Ce n'est pas la seule faute du Grand Conseil. Dont l'efficacité et l'efficience ne sont véritablement contrôlées par personne, sinon par le jeu pas toujours transparent de la concurrence politique. Certes l'élection a vocation de sanction. C'est au peuple que le député rend compte. Cependant l'exercice est épisodique et rarement centré sur le rapport coût/qualité des prestations publiques. Le député qui veut être réélu ne l'est guère sur la qualité de la gestion de l'Etat, bien davantage sur les promesses qu'il fait. A quand d'ailleurs un contrôle du travail du Grand Conseil par la Cour des comptes?
L'autre faute du Grand Conseil, c'est sa propensio à légiférer à tour de bras, de surcroît dans le détail, sans trop se préoccuper de la cohérence des lois ni de ce qu'une loi devient quand elle est laissée à la "libre" appréciation d'une administration forcément avide de nouveaux textes à mettre en oeuvre. Les 25 autorisations que paraît-il, d'après Pierre Weiss, il faut demander à Genève pour ouvrir un simple café ne tombent pas du ciel. Mais tout de même de Saint-Pierre: du gouvernement qui y est intronisé et de son contrôleur en chef: le Grand Conseil.