... que l'aéroport n'était qu'une morne plaine à mouton, que la voiture venait à peine d'être inventée, que les rues étaient pavées et les chemins en terre, que l'électricité inaugurait son empire et que ni la radio, ni la télé, ni les frontaliers... n'existaient...
Mark Muller était rayonnant. C'est pour lui une journée faste, car ce soir, annonce sur Facebook son collègue de parti Thomas Barth, ci-devant maire libéral de Veyrier, que le Conseil municipal de la ville nouvelle du pied du Salève va voter le déclassement des Grands-Essert. Et je vous le donne en mille, Thomas critique Mark comme on peut le lire dans l'extrait ci-dessous.
Si donc le CEVA ne desservira pas la cité satellite du plateau de Pinchat, c'est pour une seule raison que Thomas Barth doit connaître. Au moment de voter le premier crédit du CEVA en juin 2002, Genève tenait Berne par le contrait signé en 1912 avec les CFF qui promettait que la régie s'acquitte de la moitié de la facture de la liaison Cornavin Annemasse.
De peur que Berne ne prenne prétexte d'un changement de tracé pour se défaire de cet encombrant voeu - les CFF avaient déjà refusé le projet en 1977 contre le raccordement Cornavin Cointrin - on a conservé le tracé du début du XXe siècle. Or Raymond Schaffert alors directeur de l'Aménagement cantonal au DTP, un des inspirateurs du projet 500 m de ville en plus [voir plan ci-dessous] et d'une gare centrale à la Praille, avait bien tenté d'infléchir le tracé et d'y créer une gare de Pinchat. Peine perdue.
Trois ans après le vote historique du parlement genevois, Berne ouvrait une enveloppe de six milliards de francs pour financer les transports d'agglomération. Le futé Robert Cramer s'empressa d'en réclamer une tranche en urgence pour le CEVA.
Berne menaça d'ailleurs de retirer sa participation si les travaux n'étaient pas engagnés. Le premier coup de pioche du CEVA fut donc donné et un modeste chantier de 30 millions fut ouvert à Cornavin. On alla même jusqu'à riper la salle de gym de l'école Necker... Mais tout cela est de l'histoire ancienne que les invités du jour n'avaient sans doute pas retenue.
Juste encore cette petite remarque pour ceux qui comme Vincent Kaufmann, sociologue à l'EPFL, dans Le Temps de mardi, voudrait comparer le CEVA au M2, je leur suggère cette lecture et celle-ci.
La loco de 1912 a sifflé. Les officiels ont brisé le buttoir. Un haut fonctionnaire s'est plaint - oh le vilain! - tout haut de ce que tout le monde craint tout bas, que la France, comme à son habitude, ne parvienne pas à boucler le budget du CEVA, déjà qu'il paraît que l'horaire cadencé que la SNCF mettra en branle le 12 décembre, pénalisera les liaisons ferroviaires de la région (à suivre). Le haut fonctionnaire n'a pas osé rappeler les acrobaties auxquelles Berne a dû se livrer tout récemment pour boucler son budget.
1,74 milliard de francs seront donc dépensés en 72 mois, durée présumée des travaux selon le site officiel (soit 24 millions par mois), le vieux tracé pensé à la fin du XIXe siècle après 40 ans de tergiversation et de luttes politiques [voir l'histoire des trains à Genève, en particulier celle du CEVA] un tracé conçu donc juste avant 1900, alors que Genève ne comptait que 132'000 habitants (soit 3,5 fois moins qu'aujourd'hui), que la campagne léchait la gare des Eaux-Vives, que le cardon argenté épineux poussait dans la plaine de La Praille, à deux pas de Plainpalais (au fait savez-vous pourquoi on a installé la gare aux marchandises à la Praille), que...