Septante-deux mille francs, tel est le salaire quotidien du citoyen Marcel (28 millions par an). Bien peigné, le regard satisfait, la bouche close, Marcel regarde le lecteur de la Tribune ce matin d'un œil un rien goguenard. J'hésite entre l'insulte et l'indécence pour qualifier cette image même pas surréaliste. Mais que fait la police? La police des mœurs, j'entends. Rien, évidemment, car la loi n'interdit pas l'enrichissement (elle l'encourage même), même à ces niveaux himalayens. Et l'éthique républicaine nous console. Le citoyen Marcel ne verse-t-il pas une partie de son magot sous forme d'impôts?
La morale n'est pas sauve pour autant. Il n'est pas normal et pas juste qu'une seul homme encaisse en un jour le salaire que pas la moitié des Suisses gagne en un an. La loi doit-elle changer cela? Fait-il instaurer un smic (salaire maximal interprofessionnel des chefs)? Certains le pensent. Pour ma part, je me dis que si tous les Suisses qui ont un compte à l'UBS le transférait dans un autre établissement, le citoyen Marcel aurait tôt fait de dimensionner sa rémunération à des hauteurs plus alpines. Trop nombreux sont ceux qui se contentent de râler.