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Tout un monde meurtri par les abus

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58205700-D113-4E65-AC82-A6B8F2EFDDEC.jpeg« Laissez venir à moi les petits enfants! » Cette parole du Christ rapporté par son compagnon Marc figurait dans la lecture de dimanche dernier. A Veyrier, seule la version courte de l’Evangile a été lue. Cette phrase a donc été escamotée. Souci de concision sans doute. Elle résonne évidemment étrangement ces jours, alors que l’Eglise catholique de France confesse publiquement ses dérives, celles d’avoir activement caché, absous, nié, minimisé les actes intolérables perpétrés par quelque 3% de ses prêtres, selon la CIASE, à l’encontre de leurs frères et soeurs humains. 

L’amour des enfants - dont l’innocence et l’ingénuité sont un passeport pour la vie éternelle - n’a en soi rien à voir avec les  agressions, la mort virtuelle qu’ont subies près de 330’000 personnes en France (pas toutes des enfants), victimes solitaires de prêtres, de fonctionnaire, de bénévoles au service de l’Eglise, impunis pour la plupart. 

En marge de ce triste mais bien nécessaire déballage - que l’Eglise catholique suisse n’entreprendra que cet automne, après un premier examen de conscience en 2016 -, j’ai reparcouru le rapport sur l’institut Mariani, une de ces écoles à la dure, où étaient éduqués tout à la fois les enfants de l’assistance publique - placés par les pouvoirs publics, qui ne sont pas non plus au-dessus de tout soupçon -, des fortes têtes à qui on allait apprendre la discipline et une cohorte d’enfants suisses alémaniques inscrits pour apprendre le français, mais peu ou prou soumis au même régime. Evidemment, il y a eu quelques abus sexuels, que le rapport a pu traquer sans prétendre à aucune exhaustivité.

Ce rapport est à lire et à relire. Il nous précipite dans un autre monde qui nous sidère aujourd’hui et qui reste la règle dans de nombreuses parties du monde. Mariani était évidemment spécifique de par l’enfermement et la discipline, auquel les petits pensionnaires étaient condamnés sans guère de recours, surtout les sans-familles. Le récit restitue l’ambiance générale d’alors, marquée par la quasi toute puissance des autorités: enseignants, prêtres, pions, parents, militaires, patrons, propriétaires, etc. 

Cette quasi toute puissance - augmentée dans la tradition catholique de la vénération qu’on devait alors au sacré -  est à la racine de la surdité de ces mêmes autorités envers les plaintes des petits et des petites gens.  

Qui sont les tout puissants dont l’emprise peut nous aliéner aujourd’hui?

A un vieil instituteur resté fidèle à l’Eglise qui m’envoie la réaction de la Conférence catholique des baptisés francophones, j’ai écris hier soir ceci:

Merci pour ce papier. Sans doute le cléricalisme a sa part de responsabilité mais c’est à mon avis un peu l’arbre, commode, qui cache la forêt. L’abus sexuel est évidemment intolérable mais l’est-il davantage que tout autre abus? 

La confession par exemple. Pour combien de prêtres, les aveux de leurs ouailles, spontanés ou extorqués, sous peine d’un refus d’absolution, ont-ils été des moments vécus ou refoulés de luxure, de pouvoir, de vengeance, de sadisme, de contrôle? Ce qui, au passage, permet de saisir combien les prêtres dans leur immense majorité exercent plutôt bien leur ministère.

Dans cette affaire d’abus, on a raison de dénoncer le risque systémique. Mais ce serait aussi injuste de ne pas reconnaître la capacité actuelle de l’Eglise de se réformer. Combien d’erreurs médicales sont minimisées voire niée par les corps constitués de la médecine? Par nature, toute corporation a tendance à défendre les siens, parfois contre tout bon sens.

Élargissons la focale: la bénédiction des canons, la participation active à la colonialisation, l’opposition à la démocratie, la stigmatisation (et prie) des divorcés, des mariages mixtes, des filles mères, des avortées, des parents indignes sont-elles des pratiques moins graves que les abus sexuels? 

Ce nouveau rapport «national» focalise  l’attention sur la dérive de 3 à 4 % (?) du clergé catholique, une dérive qui doit évidemment interpeller la hiérarchie complice à l’époque des faits.

Peut-on croire que la synodalité sera une solution ou mieux une panacée à ces dérives?  Je n’y crois guère. Mais c’est mieux que rien.

Pour moi, une des clés réside dans cette parole attribuée à Jésus qui dit à Pierre d’instituer une  église. Une église oui mais pas un pouvoir calqué sur l’empire, que les successeurs de l’apôtre ont eu tôt fait de sceller dans le marbre, l’airain et le droit canon. La forme a pris le pas sur le fond.

C’est ce pouvoir qu’il faut défaire, disputer sans cesse. Dire et redire que le royaume du Christ (politique, éthique, économique…) n’est pas de ce monde est la seule antidote à l’emprise de quelques-uns sur tous. 

Peut-être faudrait-il transformer le Vatican en musée et le pape en simple pasteur itinérant, dépouillé des apparats hérités de la royauté pour recentrer le message et la pratique sur ce mantra universel: « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé. »

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