Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Raoult, Eisenstein, le virus et nous

Imprimer

Rault Eisenstein.jpgLe prof Didier Raoult, tout le monde le connaît maintenant. L'infectiologue de Marseillais distribue contre le coronavirus de la chloroquine, un remède antimalaria*. Puisque c'est bon contre le virus et la mort qu'il répand par centaines et milliers, foi de tableaux de bord, pourquoi nous en prive-t-on, clame la sagesse populaire, faisant fi des éventuels effets secondaires des cachets. Même Le Monde se range à cet avis.

Charles Eisenstein m'était inconnu jusqu'à la lecture ce matin dans La Croix de la chronique  Stop ou Encore. Son auteure Flore Vasseur cite le dernier papier du conférencier américain: Le couronnement, un essai de 70 pages disponible en français, où il pourfend la société de contrôle qui saisit désormais totalement nos vies sous couvert de coronavirus.

Raoult a l'air d'un Christ qui aurait échappé à la crucifixion, Eisenstein a tout du Jésus aux Noces ce Cana

Et le complotisme? Je n'en suis évidemment pas l'adepte. Cependant la pandémie s'installe dans un temps de défiance généralisée à l'égard des autorités politiques - même si jusqu'à présent, les gens suivent plutôt bien les consignes de confinement - et médicales. Le virus entraîne un arrêt brutal des activités jamais vue dans l'histoire de l'humanité.

Cette crise économique effraie les libéraux au plus haut point et ravit les Verts, dont les rêves les plus fous se réalisent sous leur yeux: plus de bagnoles dans nos villes, plus d'avions, l'école à la maison, le télétravail, une consommation plus frugale, réduite à l'alimentation, les coucous aux voisins, les claquements de main de gratitude, l'entraide de quartier, les chats, les téléphones aux perdus de vue, la grasse matinée, le brunch en famille, le vote par correspondance et un printemps radieux par dessus le marché. Le paradis quoi! Et l'UDC voudrait nous en priver dès le 19 avril? Ouh!

Le paradis perdu, c'est justement la question d'Eisenstein. Dans la rubrique Wikipedia en allemand, l'Américain - six livres, trois cents conférences et un site internet solide à son actif - est présenté comme un penseur des mouvements Occupy, Indignés et consorts. 

Son propos est de s'insurger contre l'énorme tour de vis en matière de contrôle que nous sommes en train d'accepter de peur de mourir. Et d'espérer ou d'oser croire (comme beaucoup d'autres) que l'après coronavirus sera l'occasion d'un monde plus juste, plus solidaire, moins égoïste, moins violent, moins contrôlé. Le paradis sur terre, une utopie. Mais s'en approcher, n'est-ce pas nécessaire? Dans cet esprit, un surcroît d'Europe s'avère indispensable. Bonne nouvelle, l'Union n'a jamais progressé que dans les épreuves. 

La prise de contrôle c'est un peu le péché originel. Au fond, Dieu aurait expulsé ses créatures faites à son image du Jardin d'Eden car elles voulaient tout contrôler, y compris la mort. C'est bien de nôtre société technologique avancée du XXIe siècle - un calendrier caler sur la naissance du Fils de Dieu** - dont il est question.

 

Lisez Eisenstein: "Si tout ce qui précède est, à court terme, justifié par la nécessité d’aplanir la courbe (de croissance épidémiologique), on entend aussi beaucoup parler d'une “nouvelle normalité”, c'est-à-dire que les changements ne seront peut-être pas du tout temporaires. Étant donné que la menace de maladie infectieuse, tout comme la menace terroriste, ne disparaîtra jamais, les mesures de contrôle pourraient facilement devenir permanentes. Si c’est de toute façon la direction que nous prenons, la justification actuelle doit s'inscrire dans un élan plus profond. Je vais analyser cet élan en deux parties: le réflexe du contrôle et la guerre contre la mort."

Je cite encore Eisenstein: 

"La question pertinente pour moi est celle-ci : est-ce que je demanderais à tous les enfants du pays de renoncer à jouer pendant une saison entière, si cela réduisait le risque de mort de ma mère ou, d'ailleurs, celui de ma propre mort ? "

"Le mantra « la sécurité d’abord » découle d'un système de valeurs qui fait de la survie la priorité absolue et qui déprécie d'autres valeurs comme le plaisir, l'aventure, le jeu et le fait de défier les limites. D'autres cultures ont des priorités différentes. "

"J'ai demandé à une amie médecin qui a vécu avec les Q'ero au Pérou, si les Q'ero intuberaient quelqu’un (s’ils en avaient la possibilité) pour prolonger sa vie. « Bien sûr que non, m'a-t-elle répondu. Ils convoqueraient le chaman pour l'aider à bien mourir. »"

"Le coupable est-il donc le virus (qui a tué peu de personnes par ailleurs en bonne santé) ou la mauvaise santé sous-jacente ?"

Le couronnement c'est qu'"il existe une alternative au paradis du contrôle absolu après lequel notre civilisation a couru si longtemps, et qui s’éloigne à la même vitesse que l’avancée du progrès, tel un mirage à l'horizon."

"Prenons la question de la pulsion à se constituer des réserves, qui incarne l'idée : « Il n'y en aura pas assez pour tout le monde, donc je vais m'assurer qu'il y en aura assez pour moi. » Une autre réponse pourrait être : « Certains n'en ont pas assez, donc je vais partager ce que j'ai avec eux. » Allons-nous être des “survivalistes” ou plutôt des personnes qui portent secours aux autres ? À quoi sert la vie ?"

"Un million de bifurcations s'offrent à nous. Le revenu de base universel pourrait signifier la fin de l'insécurité économique et l'épanouissement de la créativité, car des millions de personnes seront libérées d’un travail dont le coronavirus nous a montré qu'il était moins indispensable qu’on le pensait."

Et enfin cette conclusion

"Comme Lynn Margulis l'a dit, nous sommes nos virus. (...)

"Le nom populaire de la pandémie offre un indice : le coronavirus. “Corona” veut dire couronne. « Nouvelle pandémie de coronavirus » signifie « Un nouveau couronnement pour tous ».

"Nous sentons déjà la puissance de ce que nous pourrions devenir. Un vrai souverain ne craint ni la vie ni la mort. Un vrai souverain ne domine pas et ne conquiert pas (ça, c’est un archétype de l'ombre, le Tyran). Le vrai souverain sert le peuple, sert la vie et respecte la souveraineté de tous les peuples. Le couronnement marque l'émergence de l'inconscient à la conscience, la cristallisation du chaos en ordre, la transformation de la contrainte en choix. Nous devenons les souverains de ce qui nous avait gouvernés. Le Nouvel Ordre Mondial que craignent les théoriciens du complot est l'ombre de la glorieuse possibilité offerte aux êtres souverains. Nous ne sommes plus les vassaux de la peur, nous pouvons apporter l'ordre dans le royaume et construire une société d’intention, basée sur l'amour qui brille déjà au travers des fissures du monde de la séparation."

Il ne faut pas trop rêver, mais Eisenstein mérite d'être lu.

 

* Jean-Christoph Rufin, auteur du Parfum d'Adam, sur France Culture rappelle que le fond du message de Raoult, qu'il a connu au Sénégal quand il était ambassadeur, était de confiner les malades comme la Corée du Sud l'a fait en renonçant à un confinement général. Le confinement général est la thérapie du pauvre que l'on applique partout ou le choléra ou ebola sévisse. Il aurait pour cela une mobilisation générale plus rapide, plus importante dès la fin janvier, réclamant un contrôle social sans faille, bref ce qui est en train de se mettre en place par le contrôle des cas positifs via leur smartphone et l'alerte des autres lorsqu'ils les auraient rencontrés.

 

** Jésus Christ serait né en - 6 ou -7 estiment la majeure partie des spécialistes selon Wikipedia

 

Commentaires

  • "Le coupable est-il donc le virus (qui a tué peu de personnes par ailleurs en bonne santé) ou la mauvaise santé sous-jacente ?"
    Depuis la fin de la guerre, l'objectif premier de la médecine occidentale a été de prolonger au maximum la vie des habitants de cette partie du monde. Mourir à 80 ans, un scandale ! Si jeune, comment est-ce possible ? Je croise ma voisine qui me dit qu'elle espère que sa mère de 87 ans ne va pas mourir de cette maladie...
    Est-ce que ma voisine ne se rend pas compte que mourir à 87 ans, cela n'a rien de très anormal ? Je n'ai pas creusé...
    En un mot comme en cent, le coronavirus corrige cette anomalie artificielle...
    Depuis une centaine d'années, la médecine a complétement stoppé toute forme de sélection naturelle. On fait vivre des bébés de 300 g et on s'en vante ! Que vont devenir ce genre d'individus ? Maintenant, on commence à l'entrevoir...
    PS. Raoult, pas Rault.

  • Si désemparée que je sois par cette brusque intrusion de Calvin dans nos vies (interdictions de jouer, de danser, de faire de la musique....), si perturbée que je sois par cette ambiance surréelle et par la chute de mon chiffre d'affaires d'indépendante, je ne peux pas m'empêcher de me dire parfois: "ce moment, je l'ai attendu, je l'ai voulu." Alors, prête? Sans doute pas davantage aujourd'hui qu'hier!

Les commentaires sont fermés.