Volé ses habitants? Tu y va fort! Comment est-ce possible? Une commune ne vole pas, elle collecte des impôts pour produire des services publics, selon des lois cantonales et des délibérations communales dûment adoptées. Une collectivité publique est réputée être une entreprise sans but lucratif. Ses comptes devraient être équilibrés à moyen terme.
Pourtant, à Bardonnex, cette grave question se pose à la lecture du procès-verbal de la séance du Conseil municipal du 10 avril 2018, p. 295. Citation du maire: "Il est constaté que les comptes 2017 présentent un excédent de revenus de CHF 273'031.21 et qu’au cours des 10 dernières années, les résultats cumulés avoisinent les cinq millions."
Ainsi la commune de Bardonnex a collecté 4,8 millions de francs, de 2007 à 2017. 4,8 millions en trop, auxquels il faut ajouter 1,8 million de bénéfice enregistré en 2018, soit au total 6,6 millions (cliquez sur le tableau pour lafficher en grand)! Citation du PV du 16 avril 2019, p. 397: "Il apparaît un excédent de revenus de CHF 1'850'486.87. La fiscalité a été particulièrement favorable en 2018 puisqu’elle affiche un montant de 12% supérieur au budget." 6,8 millions d'excédents de revenus, c'est l'équivalent d'une année budgétaire. Ainsi Bardonnex pourrait ne pas prélever d'impôt du tout pendant un an. A combien l'excédent de revenus va-t-il se monter en 2019?
Comme l'indique le procès-verbal, il s'agit bien d'excédents de revenus, ce qui signifie que la commune enregistre plus de revenus que de charges. Peut-on imaginer que ces excédents de revenus sont dus à des insuffisance de charges? La question n'est pas saugrenue. Bien des communes riches ne participent pas à la hauteur de leur moyen à l'action sociale commune ou aux politiques culturelles et sportives, conduites principalement par les grandes communes, au premier rang desquelles est la Ville de Genève. Cependant, tant en matière sociale, qu'en matière de culture, les communes font la sourde oreille (prise de position de l'ACG). Comme Bardonnex, qui se classe plutôt dans les communes pauvres, bien des communes placent leurs bénéfices à des taux d'intérêt nuls ou presque.
Lire à ce sujet: Une comparaison du fonctionnement de l’aide sociale dans six cantons romands
On dira que ces réserves seront bienvenues lorsque la récession arrivera - mieux vaut être fourmi que sauterelle - ou qu'il faudra soudain investir des millions - on parle de 15 millions pour la nouvelle école de Compesières. Et bien c'est faux. Épargner est recommandé - et même obligatoire via les caisses de retraite - pour nous autres personnes physiques qui vont devoir vivre 15, 20, 30 ans sans travailler. Mais une commune est réputée collecter des impôts chaque année sans retraite. Une commune n'a pas à épargner. Cette pratique est contraire aux règles comptables des collectivités publiques. Pour une raison simple. Les 6,6 millions collectés en trop ne correspondent à aucun service public. Il s'agit donc bien d'un vol.
Vous imaginez la Ville de Genève avec des résultats cumulés pendant 10 ans de plus d'un milliard de francs? Quel tollé! Une aubaine pour la droite, un scandale pour la gauche. Encore que la Ville aurait pu réduire sa dette. Or Bardonnex est pratiquement sans dette.
A lire: Que font les douze villes de Genève de vos impôts? (article publié en 2015 aucun article de ce genre n'a été publié en 2020.)
Deux choix s'offraient au Conseil municipal: baisser les impôts ou augmenter les charges ou encore - mais cette pratique est discutable et discutée - créer des réserves en bonne et due forme pour des dépenses à venir particulières et précises, qui auraient réduit d'autant le bénéfice affiché. Ainsi Plan-les-Ouates a mis de côté quelques millions en vue de la mise en oeuvre du nouveau régime fiscal des entreprises voté par les Suisses en mai 2019. Mais rien de tel à Bardonnex.
Qu'en disent nos élus?
Notre démocratie se meurt. A quelques jours de la clôture du scrutin des Municipales 2020, cette question ne fait l'objet d'aucune discussion ni d'aucune proposition, à l'exception du PLR - et encore ses élus n'étaient pas unanimes - qui a tenté en vain de baisser les impôts.
Commentaires
Il est regrettable que ces explications ne soient pas mieux étayées. En effet, face à un plan d'investissement de plus de 30 millions (et uniquement patrimoine administratif), il est salutaire qu'une commune assure une partie de son financement par des fonds propres, c'est tout simplement de la saine gestion.
Ce que l'auteur du blog ne dit pas... ou ne sait pas, c'est que Bardonnex ne possède aujourd'hui plus les montants indiqués et a actuellement une dette de sept millions. Cette dette est consécutive à de nombreux travaux d'utilités publiques ainsi qu'à la construction d'une halle artisanale que l'auteur du blog nous reproche d'ailleurs en d'autres occasions.
Pourtant, la construction de ladite halle apporte une marge financière plus que profitable pour le financement des futurs investissements de la commune. Les revenus ont augmenté de plus de 10 % et participeront à l'autofinancement des prochains investissements et à limiter l'augmentation de la fiscalité communale.
Car, face à ce plan d'investissement, il ne faut pas croire qu'il suffit d'augmenter les impôts dès l'année de la dépense. En effet, si l'école ne coûte réellement 15 millions, il faudra inscrire dans les comptes de fonctionnement des charges nouvelles (électricité, chauffage, nettoyage, etc.) ainsi qu'un amortissement pour un total d'environ Fr. 600'000,- par année, soit la valeur de six centimes additionnels. Dès lors, pour éviter une telle situation, il est plus que raisonnable d'avoir quelques fonds propres ou des financements comme la halle artisanale. On ne peut pas tout avoir, des baisses d'impôts et des investissements importants.
La mort d'une commune, c'est la fermeture de l'école et l'absence d'entretien des dispositifs utiles au vivre ensemble et aux activités communales. Si c'est le programme qui est proposé, don acte. Personnellement, je n'y souscris pas !