Il y avait eu le SIDA qui avait refréné les amours libres et gratuits, (jusqu'à et y compris l'amour des gosses), hérités des années hippies, de la pilule libérant les mecs, de Mai 68 et des ses répliques libertaires, déclenchant une première campagne d'autodiscipline (le préservatif). Quelques nouvelles épidémies n'avaient que marginalement remis en cause nos modes de vie hédonistes et marchands, sous perfusion à haute dose de publicité.
La vache folle avait banni les farines animales, donnant sa chance au soya amazonien, la grippe aviaire avait fait du Tamiflu la fortune de Roche et couvert les poulaillers de grillage contre les oiseaux sauvages... Ebola, Zika, Chikungunya ont eu la bonne idée de rester largement confinés aux régions qu'on ne sait plus comment qualifier (pauvre, en développement, du sud, en transition).
Le coronavirus - encore une chinoiserie, disent d'aucuns à la limite de l'insulte ethnique - déclenche la première crise mondiale démultipliée par le principe de précaution.
La France supprime les rassemblements de plus de 5000 personnes, la Suisse fixe à la barre à 1000 personnes et certains cantons à 200, imposent des conditions rendant l'organisation des manifestations publiques impossibles sans les interdire, ou obligent les téméraires à inscrire leur nom et le numéro de téléphone sur une liste au cas où. Même l'église catholique dont le pape santo subito s'est fait connaître avec son slogan "N'ayez pas peur" ne tolère plus que la communion dans la main et bannit le salut fraternel post eucharistie. Sale temps pour les fondamentalistes.
Autodiscipline donc. C'est l'appel que les autorités adressent à leurs administrés, histoire que les tousseurs et autres renifleurs ne se précipitent pas dans les services d'urgence mais consultent au besoin un pharmacien ou leur médecin traitant. Et que le stock de masques (produits en Chine comme nombre de principes actifs des médicaments) ne fonde comme neige au soleil.
Tout cela en dit long sur nous et nos sociétés qui vivons à flux tendus.
Reconnaissons que cette mobilisation sans précédent a calmé le jeu. Le week-end y contribue aussi. Les journaux ont abandonné leurs comptes-rendus heure par heure. Ont-ils reçu des instructions de lever le pied ou se sont-ils rangés sagement au fait que trop d'infos tue l'info?
Tout est évidemment encore possible. Que le pire survienne ou que l'épidémie s'éteigne, les autorités seront blanchies. Moins dans le premier cas certes car les esprits chagrins continueront de réclamer l'état d'urgence, que dans le second, où elles pourront arguer que leurs actions préventives fortes ont atteint leur but.
L'autodiscipline n'est cependant possible qu'en cas d'alerte effective. Ce matin à la sortie de la messe à Troinex, les gens hésitaient à se serrer la main et regardaient les contrevenants d'un drôle d’œil. C'est qui ce danger public qui fait des mimis aux vieilles connaissances.
L'autodiscipline s'exerce automatiquement mais pas durablement. Ainsi elle est d'un maigre effet sur le réchauffement climatique, qui, dit-on, est une menace urgente. De fait personne n'est mort du réchauffement climatique. Et si Genève devait avoir un jour la température moyenne de Nice ou de Rome même, cette perspective ne réduirait pas l'attractivité de la métropole lémanique. Au contraire.
Ce matin, une poignée de jeunes confirmants ont prié pour les victimes du coronavirus et pour que les autorités se mobilisent contre le réchauffement climatique.
Et toi, que fais-tu pour la planète?