Mon activité de responsable des pages Opinions, Courrier des lecteurs et du forum des blogs - à 70% depuis un an - ne me laisse guère de temps pour rédiger. Cette semaine fait exception puisque j'ai publié une perspective et un article sans prétention. J'en parle parce que la perspective m'a valu quelques commentaires positifs et même une interview sur le sujet - la performance du Grand Conseil genevois - par Radio Cité.
Le mot performance a été mis en question par les députés que j'ai contactés. On peut certes en discuter mais l'autre mot que l'on utilise plus généralement - l'efficacité - renvoie à la même obligation, celle de définir les critères de rendement et de l'économie parlementaire.
Qu'est-ce qu'une bonne loi? Combien de temps faut-il pour voter, modifier un texte légal? Comment fait-on pour évaluer la pertinence, l'efficience d'une loi? Qu'est-ce que le contrôle parlementaires? Comment doit-il s'exercer? Deux affaires récentes montrent combien le parlement genevois est loin d'être performant, efficace... La commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Adeline et la loi sur la laïcité. Deux fiascos de première classe. Sans conséquence sur les jetons de présence des élus. Au contraire.
Dans le cas de la CEP, des députés ont reconnu en séance plénière que la tâche avait dépassé les capacités du parlement. Péché avoué est à moitié pardonné, mais le parlement nouveau sorti des urnes le 15 avril va-t-il en tirer des leçons? Qu'est-ce qui a dysfonctionné?
Dans le cas de la loi sur la laïcité, les dysfonctionnements - durée de l'examen en commission, longueur du débat en plénière pour aboutir au vote d'une quinzaine d'articles - tiennent plus à des options politiques et à des conceptions du vivre ensemble qui étaient difficilement conciliables. Mais c'est le cas de la plupart des objets soumis au jeu parlementaire. La politique est forcément affaire de compromis, sinon des robots pourraient tout à fait régler les comportements comme les feux de circulation le font très bien aux carrefours.
Demeurent les questions:
- Pourquoi faut-il autant de temps et de palabres aux députés genevois pour accoucher d'un rapport, d'une loi?
- La faute tient-elle uniquement à l'absence de majorité, à la présence de quelques tribuns plus soucieux de paraître que d'être, au combat politique?
- Y a-t-il dans la boîte à outils démocratiques des façons de faire qui permettraient d'augmenter la performance du pouvoir législatif?
- Est-ce une affaire de formation des députés, une question de culture qui serait ici moins consensuelle, davantage portée à la querelle?
- Que font notre Université, nos HES, les états majeurs de l'Etat pour apporter leur science dans la résolution de ces problèmes?
Partout ailleurs, les consommateurs en veulent pour leur argent. C'est détestable mais c'est ainsi. Ils sont prêts et n'hésitent pas à tester et à changer de fournisseurs dès lors qu'ils estiment pouvoir trouver - juste à côté ou sur l'Internet - de meilleures prestations meilleure marché. Ou/et, s'ils restent de fidèles clients et s'en vantent, ils font savoir d'une manière ou d'une autre qu'ils pourraient changer. Leurs fournisseurs comprennent très bien qu'ils ont tout intérêt à aligner leurs prix et leurs niveaux de service à la concurrence.
Rien de tel au niveau des institutions politiques et étatiques. On a les gouvernants qu'on mérite, dit-on. Et si vous n'êtes pas content, vous pouvez toujours voter avec les pieds!
Peu le font évidemment ce qui préserve l'Etat, ses institutions et ses serviteurs d'être sensible à leur performance personnelle et collective.
Je pose donc cette question aux nouveaux élus: quel est le potentiel d'économie, d'efficacité, de performance, niché au coeur de l'entreprise Canton de Genève (cantons et communes comprises évidemment)?
J'offre un bon repas à celle ou celui qui m'enverra la meilleure proposition.
NB: Qui voudrait survoler l'activité du Grand Conseil peut toujours de tenter une évaluation via ses rapports d'activités. Bonne chances d'y trouver la moindre mesure un tant soit peu objective. Celui sur l'année 2017 est sorti cette semaine.
Etude de la composition du Grand Conseil du canton de Genève et des conditions dans lesquelles les député-e-s exercent leur mandat par Pascal Sciarini, 2003. Une étude qui a gardé une bonne part de sa pertinence et mériterait d'être mise à jour.
Commentaires
Excellentes réflexions Monsieur Mabut !
Les causes du mal que vous décrivez sont aussi à rechercher dans la "jeune" Constitution genevoise. Lors de son élaboration en 2011-2012, la constituante, très timorée, peu ambitieuse, est passée à côté de la question puisqu'on ne trouve pratiquement rien de novateur dans cette Constitution.
Rien sur la réorganisation des communes, rien sur le renouvellement des institutions. On a maintenu la gangue protectrice d'intérêts divers et variés. Que dire de la répartition des tâches entre le canton et les communes mais particulièrement et surtout entre le canton et la Ville ? Chacun s'occupe de tout mais n'est responsable de rien ! Que de redondances de tâches dans cette toile d'araignée, que de dépenses inutiles, que de gaspillages !
Et pourtant notre désormais nouvelle Constitution est la plus pléthorique des constitutions cantonales de tous cantons suisses. Elle contient même plus d'articles que la Constitution fédérale elle-même ! Il faut dire que dans le domaine des droits fondamentaux par exemple, elle reprend la plupart des articles de la Constitution fédérale en les reformulant, alors qu'en vertu du principe de la subsidiarité, cela est parfaitement inutile.
http://reveriesduncitoyenordinaire.blog.tdg.ch/archive/2012/06/24/le-projet-de-constitution-sous-la-loupe.html#comments
Bref dans ces conditions, le terreau du travail législatif est "fertile" à toutes les dérives et aux logorrhées les plus folles. Le dogmatisme prend le pas sur pragmatisme.
On en revient aux caricatures de l'Assemblée nationale française du XIXème siècle, très bien décrites en peinture par Honoré Daumier !
http://www.nice-provence.info/wp-content/uploads/2016/02/Honore_Daumier_caricature_assemblee_nationale.bandeau.jpg
Je m'inscris au concours. J'ai depuis longtemps compris que notre démocratie semi-directe de délégation parlementaire à des députés de milice ne sert à rien si ce n'est à perpétuer un modèle obsolète faute d'alternative crédible et fonctionnelle.
Et pourtant, nous voyons notre super star de l'exécutif proposer d'aller avec le courant et transformer les services de l'Etat en profondeur avec la promotion de la Blockchain qu'il est venu défendre hier à la FER. Or cette technologie permettrait justement de supprimer l'échelon parlementaire pour accéder enfin à une véritable démocratie directe en la rendant liquide afin de mieux coller au flot. Ainsi, au lieu d'élire des députés partisans selon des idéologies qui s'interpénètrent et qui ont perdu leur essence, nous aurions la possibilité de donner notre voix à un "expert" du moment, pour le cas donné, qui contraindrait le gouvernement de proposer une loi qui colle au plus près aux préoccupations des citoyens.
M. Maudet le sait. Mais il sait aussi qu'on ne peut pas aller contre cette évolution, alors il anticipe. C'est sage.
Je rebondis brièvement sur vos exemples pour vous en donner un qui n'intéresse personne mais qui occupe la commission des transports à 50 % depuis près de 60 ans, les taxis. Je suis prêt à faire la démonstration à qui veut bien l'entendre que les députés n'ont non seulement rien compris, mais n'ont surtout pas fait leur travail. Ils ne servent à rien ! Pire, ils foutent la merde.