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Combien de pauvres à Genève quand Caritas est né?

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0533AE45-0EA3-4E50-ACD2-63E938212A3E.jpegCombien de pauvres à Genève quand Caritas Genève est né? La question laisse sans voix les premières personnes que j’interpelle, dont le président Trabichet, alors que s’ouvre le symposium de Caritas Genève à l’occasion du 75e anniversaire de l’institution caritative.

Traditionnellement adossée au monde catholique, l'oeuvre caritative agit depuis des lustres déjà sans distinction de classe, d’origine, de condition, de religion. Aucun prêtre n’était d’ailleurs visible à Uni Mail, aucun n’a été invité à prendre la parole pour rappeler les origines de la solidarité et notre pauvreté ontologique.

L'entreprise Caritas (car c'en est une) est-elle tombée dans le monde des experts, des checheurs (on ne dit plus des savants), ceux qui ne parlent pas (plus) des pauvres, mais des exclus, des désaffiliés, des vulnérables?

Le vice-recteur Michel Oris en projette la carte dressée par Doris Hanappi (image à cliquer, mais ne l'envoie pas aux personnes présentes via les réseaux sociaux). Or, vulnérables, nous le sommes tous. Le marché de la solidaité est sans fin et toujours plus complexe. Et le libéralisme en fait le compte à sa façon: ne dit-il pas que les chômeurs le sont faute d’avoir acquis les compétences requises? Même chose pour les jeunes  en perdition... Et, me dis-je, les pays émergeant (qi'on ne dit plus pauvres ou en développement ou en croissance)...

Je m'interroge: Caritas a donc fondamentalement changé sa raison d’être? Tout comme le monde s’est mis en tête de gouverner le climat qu’il dit avoir détraqué, il s’est mis en tête d’empoigner le climat social dans le but de faire le bonheur des gens (But diabolique, pensé-je, car égal au péché originel qui est de croire que le paradis terrestre hic et nunc est notre affaire). 

La Suisse connaît 3% de chômeurs mais, souligne Oris, la moitié gens ont peur de le devenir. La vulnérabilité nous menace à chaque coin de rue et sur le long fleuve pas toujours tranquille de l'existence. une seule chose nous est commune, la mort. Pensez au passage devenu problématique entre l’enfance et l'âge de la formation, au passage de la formation au monde du travail, de l’adolescence à la fondation d'un couple et d'une famille, de la famille à sa séparation et ses recompositions, au passage du monde du travail à la retraite. À chaque étape,on peut tomber dans le cercle vicieux de l’exclusion.

On peut aussi, dit la littérature foisonnante à ce sujet, se forger, être plus fort, gagner en expérience, autant de discours qui ne nous guérissent quand on et au fond du trou

En 1979, plus de 60% des vieux n’avait pas de niveau élevé d’éducation. Aujourd’hui, ils sont moins de 20%, constate Oris. Les premiers se disaient heureux, les seconds sont marginalisés tombent dans la solitude qui est le pire des maux et celui que des institutions comme Caritas est seule à atteindre.

Tiens on est revenu à l’humain, au voisinage, à la famille, à l’espace commun qui n’est pas égal ou équivalent à l’an commune, surtout quand elle est grande, car, me dis-je, un fonctionnaire n’aura jamais l'empathie, le désintérêt, l’absence d’objectifs (chiffrés) dans son agir professionnel, c’est-à-dire normé et sujet à audit.

Le mot pauvre n’est plus de ce temps, me dis-je, comme les mots vieux, handicapé, coupable.

On refonde donc l’action sur la dignité, dont Dominique Froidevaux, le directeur de Caritas, fait l’histoire et qui est désormais l’objectif central, kantien (Froidevaux cite Macron dont le désormais célèbre "Et en même temps" sent trop le compromis): la dignité, c'est le respect fondamental de tout humain, dont le nazisme fut la négation dernière. Mais pas de respect, pas de dignité sans le travail social pour rendre les êtres humains plus libres, plus égaux, plus fraternels. 

Caritas, vient de "carus" dit Froidevaux, le souci de l’autre. je n'ai pas retrouvé carus dans Wikipedia, mais un site latin anglais, donne la clé de l'énigme: de carus viennent caresse, cher, chrérir... et caritas soit love, charity... Pourquoi Froidevaux n'a-t-il pas prononcé les charité, amour du prochain?

Qu'il n’évoque ni Dieu ni maître, c'est sa liberté, mais en ne disant pas amour du prochain, il efface 2000 ans d’histoire. Caritas est à l’origine du mot anglais "care", poursuit-il encore (un mot valise bien pratique de la lingua franca actuelle de l’action sociale, me dis-je encore).

je ne peut pas suivre ce symposium de bout en bout. mais j'ai le sentiment qu'il ne me donnera pas la réponse à cette question: Combien de pauvres à Genève quand Caritas est né?

Jean-Philippe Trabichet me rappelle que Caritas est né de l'afflux des réfugiés en 1942 et affirme qu'il y a plus de pauvres, de paumés, d'exclus de malheureux aujourd'hui qu'alors à Genève. Poussé dans ses retranchements, il finit par convenir que le monde de ce début du XXIe siècle n'a jamais connu si peu de pauvres, d'affamés, de guerres.

Dans un tweet, il réagit à ce blog: Un argument pour la précarité aujourd'hui est marginale et plus la norme donc plus difficile. Symposium de Ge

C'est juste. Mais ne plus être précaire ou vulnérable, c'est vouloir faire des humains des superman comme on en voit tellement dans les films, des robots, tous égaux. ça ne réduit évidemment en rien l'action de Caritas et surtout des hommes et des femmes qui, chaque jour, à leur mesure (et parfois plus) essaie d'appeler les pauvres, mon frère. Plus problématique et plus sujette à discussion et à questionnement est la collectivisation, la professionnalisation de la solidarité. 

Commentaires

  • Est-ce vraiment mauvais que Caritas ne parle plus autant de "charité"? Mieux vaut pratiquer sans en parler ostensiblement plutot que le contraire. C`est ce que Luther aussi a compris en son temps quand il a fait voler en éclats certaines dorures auto-proclamées sacrées et dissimulant la corruption spirituelle. La rhétorique de la "charité" et de "l`amour du prochain" a trop souvent servi a dissimuler tout le contraire.

  • "un fonctionnaire n’aura jamais l'empathie, le désintérêt, l’absence d’objectifs (chiffrés) dans son agir professionnel, c’est-à-dire normé et sujet à audit."

    Diantre, voilà un jugement à l'emporte-pièce qui ne vous honore guère, Monsieur Mabut. Je vous invite à fréquenter un peu plus les "fonctionnaires" de l'action sociale, qui se battent au quotidien, souvent bien au-delà de leur cahier des charges. Le social est une passion, pas un métier, ni un emploi.

    Bien à vous
    Marko Bandler

  • Et bien moi Monsieur Bandler, j'en fréquente beaucoup des "fonctionnaires du social", des gestionnaires de l'OCE, de l'Hospice général, du Service de protection de l'adulte (SPAd), des mineurs (SPMi) et du (SPC).
    C'est vrai qu'ils se battent, je dirais même s'épuisent tous les jours dans leurs Usines à Gaz respectives. Le souci majeur étant de résister pour ne pas passer de l'autre côté du guichet.
    Ravi de savoir qu'à Vernier vos collaborateurs s'en sortent mieux. Même si je dois vous avouer que je ne me fie qu'aux soldats, pour savoir ce qui se passe vraiment dans les tranchées.
    Salutations.

  • Caritas et le Centre Social Protestant (CSP) font tous deux un boulot admirable aux côtés d'autres institutions publiques et privées. Je me félicite que de telles "bonnes oeuvres charitables" existent à Genève: le lait et le miel n'y coulent pas au même débit pour tous...

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