Le Conseil d'Etat genevois met les députés et les fonctionnaires sous une très forte pression à six mois des élections. Il a présenté un budget en rouge, prenant le risque, vu la majorité composite du Grand Conseil, qui lui est opposée, de vivre 2018 en copiant collant le budget 2017.
Poussé par les bas taux d'intérêt et une conjoncture macronienne de redressement de l'Etat, il veut renflouer la CPEG, la caisse de retraite des fonctionnaires - d'un coup, d'un seul et non plus par doses homéopathiques jusqu'en 2052, comme le prévoit la loi de fusion CIA-CEH. En échange de cette sécurité, les rentes devraient être fondées non plus sur le dernier salaire touché mais sur les cotisations encaissées - comme tout le monde - et quelques "menues" autres ajustements.
Et voilà que, une semaine plus tard, il sort - avec quatre bonnes années de retard - le projet Score qui refont la grille salariale. Une réforme qu'ont conduite d'autres cantons et villes de Suisse il y a belle lurette déjà. Non sans grogne et contestation.
Que va faite la majorité MCG-gauche-Verts qui semble tenir le Grand Conseil dès qu'il s'agit des fonctionnaires? Toutes les composantes de cette coalition d'occasion vont-elles prendre leurs responsabilités ou continuer à hurler avec les leaders des syndicats de la fonction publique (ici et là)?
Les députés de milice, régulièrement noyés sous des ordres du jour sans fin, vont-il avaler ces trois gros morceaux avant la fin de l'actuelle législature? Difficile à croire. Difficile à dire.
Le Cartel intersyndical, qui a pu étudier longuement SCORE et sait parfaitement à quoi s'en tenir à propos des retraites puisqu'il cogère la CPEG, entend user de son double pouvoir. Il a tenté de faire pression sur le gouvernement dans une relation employé employeur déséquilibrée. Il va menacer de prendre en otage les usagers des services publics pour infléchir les débats au Grand Conseil. La majorité Gauche-Verts-MCG aura-t-elle l'audace de renvoyer ses projets au Conseil d'Etat sans les étudier? Le budget a provisoirement échappé à cette issue. Enfin le Cartel compte sur les citoyens et le populisme pour démolir le projet de refinancement des retraites.
La majorité gouvernementale PLR-PDC qui détient quatre des sept sièges au Conseil d'Etat joue son va-tout. Elle espère que les citoyens, dont les retraites ont déjà baissé et qui angoissent à l'idée de pointer au chômage ou d'être déqualifier par les prochains robots, vont la renforcer au printemps prochain au détriment des populistes MCG et EàG, refuser le chantage des syndicats de la fonction publique et casser la majorité parlementaire hétéroclite dont chaque composante est tiraillée par des tensions internes.
Les Verts pourraient-ils se désolidariser et devenir une troisième composante durable de l'Entente genevoise? Vains rêves. Quant à l'UDC, le premier parti de Suisse devrait sur ces questions de la bonne gouvernance soutenir le gouvernement, mais ses leaders sont faibles et incapables de faire taire les intérêts sectoriels dans leur propre camp.
En soi, la triple manœuvre gouvernemental est compréhensible. Reste à déployer des trésors de pédagogie pour l'expliquer aux simples quidams. La surprise et l'accumulation des projets font craindre que la pédagogie n'est pas la talent premier du gouvernement. "Le système de rémunération à l'Etat va être chamboulé", le titre qu'a choisit mon quotidien préféré ajoute à l'angoisse déjà grande. Et la RTS mettait déjà l'accent à Forum sur le vent que les syndicats des fonctionnaires étaient déjà vent debout contre la réforme.
Genève vit à crédit depuis des décennies. Le budget 2018 est déficitaire, car la pompe fiscale risque de se gripper sous l'effet d'une économie en pleine reconfiguration. Les banques s'enrhume, l'horlogerie fait grise mine et le négoce international est volatil. Qu'un canton d'un demi-million d'habitants puisse dépenser près de dix milliards de francs par an (canton et communes confondues) dépasse au fond l'entendement. Le déficit est une alerte, un accès de goutte, un écœurement. En langage des comptables, c'est un excédent de charges, pas une insuffisance de financement, n'en déplaise à la gauche conservatrice. Qui n'aime pas les comptables.
Le renflouement accéléré de la CPEG était déjà demandé lors du débat de fusion. D'autres cantons l'ont fait. Genève ne fait que copier coller la technique bernoise. Les fonctionnaires surtout ceux qui travaillent et qui paient à peine plus que de quoi financer les rentes des retraités actuels ne devraient pas manquer cette occasion de consolider leur propre retraite. Les retraités actuels devraient aussi être appelés à la caisse, eux qui ont sous-cotiser. Mais ils votent et ce serait assurément couler le projet.
Quant à SCORE, il représente sans conteste une modernisation de la grille salariale. Lancée par David Hiler, le projet a pris beaucoup de temps à se concrétiser. Si l'on en croit le gouvernement, les syndicats ont été longuement entendus comme aucun autre dans le secteurs privés. Mais quand on a pris goût à la cogestion, en usant et abusant des droits syndicaux, du droit de grève et du droit de vote, on ne peut pas s'étonner que le gouvernement dise stop! Une majorité des citoyens saura-t-elle dire stop au printemps prochain?
Commentaires
Vous avez raison: depuis que le MCG a perdu sa tête gominée et que les Verts ont vendu leur âme aux "sans-dieu", une gauche des plus hétéroclites est capable de coups fumants au Grand-Conseil. Fort de ce constat, le Cartel bande ses muscles et espère une majorité avec lui pour appliquer l'emplâtre sur la jambe de bois de la CPEG qu'est le PL de Jean Batou et repousser Score aux calendes grecques! Le Grand-Conseil est devenu une machine à Tinguely totalement imprévisible! Pauvre Genève!