Alerte, les Chinois traquent nos vélos. C'est un peu le fond et le ton de l'enquête publiée en première page du Tages Anzeiger ce matin. En cause, la société O-Bike qui, comme son nom ne l'indique pas, est une filiale d'Alibaba, l'Amazon chinois, un mastodonte de la vente en ligne mais aussi de bien d'autres services dans l'empire du milieu et ailleurs aussi.
Or donc O-Bike a déployé ses vélos en libre service dans la capitale économique de notre petit pays. Comme dans bientôt 200 autres métropoles du monde. Mais pas encore à Genève malgré que nous sommes, n'est-ce pas, La Capitale des organisations internationales.
Prolèmes, le prêt du vélo qui s'opère très simplement en quelques clics via l'ordiphone de chacun, génère toute une série de données qui vont aussitôt se nicher du côté de Pékin ou de Shanghai, bref pas dans nos bunkers suisses à nous.
En plus, révèle le journal, les gens s'inscrivant via leur profil Facebook, O-Bike et Alibaba engrangent plein de données utiles pour le business. Comme l'âge et le sexe des vélocipédistes mais aussi les rues et les carrefours où se concentrent le flux des vélos, autant d'endroits idéaux et donc stratégiques pour implanter une échoppe, où Alibaba livrera les commandes que ses clients auront passées douillettement lovés dans leur couette, sans prendre garde aux hommes et femmes robots qui auront, dans un hangar anonyme, emballés à longueur de journée les objets achetés sous la gouverne impitoyable et infatigable d'un ordinateur vocal (voir ou revoir à ce propos l'enquête d'Elise Lucet que France 2 a diffusée hier soir à propos de Lidl. Édifiant et effrayant)
Faut-il s'alarmer que ces données filent en Chine?
Personne à part quelques résistants, associations de consommateurs et fonctionnaires européens, qui y voient une manière de justifier leur existence, ne s'émeut que les données des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon auxquelles il faut ajouter Tencent et Alibaba) nourrissent des serveurs américains. Et même si ces serveurs étaient en Europe, est-ce que ça changerait grand-chose? Qui ne clique pas machinalement sur ok lorsqu'une alerte s'affiche sur son écran indiquant que la traque est assurée par des cookies, pestant même de la récurrence de cette demande imposée par la législation européenne. C'est comme les clauses des contrats, bien peu les lisent...
Ce qui est en fait préoccupant, c'est l'absence de plusieurs entreprises européennes parmi les GAFATA
Les Chinois n'ont eux pas cette peur de Big Brother qui fouinent dans nos Big Data. Il est vrai qu'ils sont accoutumés à subir un Etat central omniprésent et omnipotent depuis des millénaires et que Confucius n'est pas un penseur révolutionnaire ni rebelle à l'autorité. Bien au contraire.
Ceci donne un terrible avantage à la Chine, note The Economist, dans son édition de cette semaine. Le grand hebdomadaire anglais fait sa une sur le Panda qui commence sérieusement à inquiéter les entreprises du monde occidental. Cet avantage tient justement au fait que les entreprises chinoises disposent des données d'un milliards et plus de consommateurs pas trop regardants, de quoi établir des profils très utiles pour ajuster au mieux, quasi coudre main les offres de services sur Internet.