S'informer coûte et tout le monde n'est pas prêt à en payer le prix. Cette formule de l'ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique, Ignacio Ramonet, est de portée générale. Les Genevois sont à 15 jours de choix cruciaux pour la gouvernance de leur petite République (la désignation de cent députés et de sept ministres, dont un sera leur président pour 5 ans), combien de temps chacun aura-t-il consacré à s'informer et à débattre des défis que doit relever le Canton: le vieillissement de la population, la croissance économique et urbaine, la mobilité, la gouvernance du Grand Genève, la dette, l'attractivité de Genève, la démocratie à l'heure de Facebook et de Twitter, la réforme des communes, la formation multilingue, le financement collectif ou non de la fin de vie, des comportements à risque...
Ce matin, à Carouge, le marché fait le plein. Les prix sont à la hauteur du site. Les bobos déambulent sous un soleil de premier automne. De l'autre côté des rails du tram 12 qui mène à Moillesulaz et bientôt du 18 - heureux Carougeois - qui ralliera Cornavin et le Cern, les tentes des partis, surmontés de ballons aux couleurs des équipes, collées les unes à côté des autres, barrent la porte de l'église, qui égrène son carillon.
On salue des candidats. Salika Wenger plastronne. Dal Busco rayonne. Emery Torracinta salue d'une main indolente. Barthassat s'inquiète. Deneys arrive à vélo d'un autre stand, rosi par l'effort. "La traction électrique, c'est bon pour les vieux", lance-t-il. La présidente des Verts, Emilie Flamand Lew, fait signer l'initiative pour la priorité des TPG. Le maire Vert de Carouge, Nicolas Walder, empêtré dans la grève des EdS de Cyclotri, côtoie le stand d'Ensemble à gauche lequel relaie la dénonciation par SIT de ces emplois au rabais.
Tiens, voilà Vincent Gall, le patron malmené de Partage. Un débat sur la politique d'embauche, le salaire minimum, la préférence cantonale va-t-il s'engager? Que non, le temps est à la convivialité. On regarde d'un œil distrait les piles de tracts rangées sur les tables. On boit un verre. On touille dans la bouteille à encre pour connaître les chances des uns et des autres.
Oh là là, mon bon Monsieur, bien malin qui peut donner le résultat du 6 octobre! Le député Buchs a, lui, un avis bien arrêté...
Il voit l'effondrement des Verts qui pourraient perdre la moitié de leur députation, l'arrivée d'Ensemble à gauche, le tassement du MCG et des Socialistes, une UDC qui franchira tout juste le quorum et un PDC qui gagnera un à trois sièges.
Bel optimisme, intervient Barthassat, Claude Blanc que j'ai vu tantôt prédit notre disparition au Grand Conseil et notre élection au Conseil d'Etat...
- Et le PLR?
... Tiens le PLR, où est-il donc? Pas de bleu, pas de mauve dans les ballons enguirlandés. Le premier parti du canton boude la place du Marché de Carouge. On comprend que les petit partis, les Pirates et l'antenne genevoise de Widmer Schlumpf n'aient pas les forces pour être là. Mais que le PLR joue la chaise vide intrigue.
- Quant au PLR, poursuit le député Buchs, je ne sais quel résultat lui donner. Il paraît que ça ferraille ferme en interne. Entre le vote compact et la valse des coups de crayon, beaucoup hésitent encore. Les règlements de compte, ce sera pour après les élections.
Et pour le Conseil d'Etat?
- Cinq de l'Entente et deux socialistes, pronostique sans hésitation le rhumatologue qui exerce à Saint-Gervais.
Trois PLR? Rochat va donc sauver sa peau?
- Du tout. Le PLR proposera un nouveau candidat pour le deuxième tour...
Barth, Weiss, le président Mauris?
- Non, non... L'éditeur et chef du groupe libéral Ivan Slatkine!