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La Constituante, à pile ou face

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constituante janv 3.jpgA Carouge ce soir: quatre-vingt, nonante Genevois? La moitié, deux tiers des 80 constituants? Quelques magistrats communaux, deux magistrats du Genevois français, le maire de Saint-Julien, une adjointe au maire de Ferney, un ancien directeur du Programme alimentaire mondiale, c'est plus que ce qu'attendait la présidence de la Constituante qui n'avait préparé que 120 dossiers à distribuer lors de la seule soirée d'information programmée en ce début d'année 2012. Une année cruciale pour la Constituante. Le verdict des Genevois est attendu le 14 octobre prochain. Il est incertain.

Elle jour son sort à pile ou face. Face les partis gouvernementaux qui ne peuvent pas se payer un vote négatif. Pile les escadrons de l'extrême gauche et de l'extrême droite qui tirent à vue et diront sans doute et sans surprise non. Rapport en creux d'une soirée sympathique et sans grande intérêt.

Marguerite Contat-Hickel déroule fil de l'histoire de l'assemblée. C'est en février 1988 que les Genevois lancèrent le navire par un oui massif et sans doute inconsidéré à l'élection d'une assemblée constituante. Bien moins de citoyens élisent, le 19 octobre suivant, les 80 citoyens, sur 527 candidats. Une assemblée plutôt âgée, très majoritairement masculine, dispersée en onze groupes politiques qui s'attire d'emblée les quolibets des revues.

Sans feuille de route autre que celle de rédiger de fonds en comble la constitution de 1847 déjà révisée plus d'une centaine de fois, sans budget, sans administration, sans expérience ou presque, en butte à l'hostilité constante et sournoise des institutions en place, l'assemblée s'embarque dans une galère dont personne n'imaginait alors combien elle allait tanguer, virer, rouler au point de couler. Les vents contraires ou plutôt l'absence de vent allait rapidement déboussoler les constituants dont plusieurs mettent de longs mois à s'accoutumer aux règles du débat parlementaire. A l'extrême gauche comme à l'extrême droite, on ne s'est pas fait faute de rappeler qu'on ne rédige pas une constitution à froid. Les vieux routiers de la politique prennent rapidement les commandes. Ils ne les lâcheront plus.

La première année s'écoule dans l'indifférence du public. Seules les embûches administratives et budgétaires trouvent écho dans les gazettes. Le peuple et ses relais populistes découvrent dans la stupeur que la nouvelle constitution coûtera 20 millions. La faute aux démocrates qui ont fait voter la loi consacrant la création de la constituante en février 1988 sans rien dire du coût de l'aventure, une liberté prise par rapport à la constitution actuelle qui dit en son article 56 que toutes dépenses nouvelles doit être couverte par une recette.

La Constituante a déboulé dans les ménages genevois un certain 23 mai 2010 lorsque la droite se mît en tête de recadrer les quelque 752 thèses de majorité sorties des travaux en commission. Dans une improvisation et une absence de communication coupable, la droite élargie au quatre élus du MCG et aux six élus de l'UDC - soli Pardo siégeant en solo - décrétait l'égalité des personnes (et non des hommes et des femmes) et supprimait le droit au logement de la liste des droits fondamentaux. Péché mortel. La gauche quitte la salle, trompette la mort des droits sociaux et ne cesse plus dès lors de dénoncer une droite aveugle et rétrograde. Les extrêmes n'en demandaient pas tant. Goguenards, AVIVO, Solidarités et UDC attisent le feu. La Constitution 2012 est morte ou peu s'en faut.

On évoque l'abandon du navire, mais la peur du ridicule ou le principe de réalité maintiennent les bagnards enchaînés à leur banc. Au fond, se dit-on, il était bien téméraire d'imaginer qu'on puisse réformer cette vieille République nantie, accrochée à ses droits acquis, à ses habitudes qui pavane dans le monde et se tient calfeutrée derrière des frontières plus difficiles à abatte que les remparts au temps de Fazy. Et puis, la République ne s'est pas si mal débrouillée avec la constitution du vieux radical.

En guise de lot de consolation, quelques idéalistes s'attaquent à réformer les communes. Elles sont aujourd'hui plus nombreuses qu'en 1847. Las, les accords des centristes concoctés en petits conclaves durant l'été 2011 volent en éclat à la rentrée. sous les coups des communes elles-mêmes. Les élus et encore moins leurs administrations n'ont aucune - mais aucune - envie de fusionner ou de voir leurs maigres pouvoirs se diluer davantage dans des districts et des baillages communs flous.

Courageusement, les 80 constituants rament. Leurs lamentations s'entendent moins que les cris des antinucléaires régulièrement rassemblés devant l'Hôtel de ville. L'avant-projet de 208 articles entre au port de la première lecture. Il a grossi: 228 articles verbeux. On est loin de la constitution light promise par la droite. Et la gauche qui n'y retrouve toujours pas ses droits acquis.

228 articles. Combien d'alinéas ? Leur nombre ne dit rien des milliers d'heures de discussion dans le secret des commissions ou sous l'oeil des caméras de Léman bleu en séance plénière. 998 amendements, 29 propositions collectives portant plus de 30000 signatures, 40 pétitions, 94 auditions de 158 experts. Tout ça pour ça?

Ce soir à Carouge, les coprésidents n'ont évidemment pas évoqué ce côté sombre de l'empire des sens constitutionnel. Le ton est à l'optimisme. Désormais les socialistes, les Verts, les radicaux et les libéraux pas encore fusionnés, bref les partis gouvernementaux négocient un compromis. Je te donne du 7% au quorum tu me réduis le prix du référendum à 5000 signatures. Les trois petits représentants des Associations et les quatre élus du MCG se laisseront-ils séduire par ces marchandages. Viendront-ils élargir la majorité ?

Que voteront l'AVIVO, Solidarités et l'UDC? L'extrême-gauche votera sans doute contre. Michel Ducommun ne le cache. Elle était est demeurée opposée au processus dont elle craignait la perte de quelques droits acquis. Le syndicaliste Dind a annoncé ce soir l'opposition en l'état des syndicats.

Le vote de l'UDC n'est pas fixé dit Jacques Pagan. Dépendra-t-il des alliances imaginées pour les élections de l'automne 2013.

Qui au PLR saura jouer les conciliateurs? On ne voit guère de figure émerger. Les jeunes très minoritaires dans l'assemblée sont accaparés par leurs activités professionnels et ne peuvent tenir le rythme des sénces des retraités. Le seul radical capable de rassembler est muselé depuis trois ans, C'est le co-président radical Thomas Büchi, un charpentier passé maître dans l'art d'agencer les pièces de bois. Trouvera-t-il la colle qui réduira les grincements tout en laissant l'ouvrage jouer?

La co-présidente Marguerite Contat-Hickel devra elle aussi sortir du bois. Elle aussi s'est retrouvée muselée par sa fonction. Les deux autres co-présidentes la socialiste Christiane Perregaux et la libérale Céline Roy n'ont pas le même poids au sein de leur parti ni au sein de l'assemblée.

Trois ou quatre citoyens posent des questions. Va-t-on devoir réviser la législation cantonale ? Comment intéresser le citoyen lambda ? Le projet est-il progressiste ? Va-t-on accorder le droit d'éligibilité aux étrangers?

Une maire adjointe de Ferney se dit admirative du processus, se demande si une gouvernance régionale est en gestation. Le coprésident Büchi cite l'art 152. Marguerite Contat-Hickel précise que ce sera la tâche du président du Conseil d'Etat qui sera élu pour cinq ans. Et, ose encore la magistrate frontalière, pourquoi l'assemblée n'a pas été plus audacieuse en matière de parité homme femme, le projet se contentant d'une mesure appropriée. Un ange passe.

La soirée s'est terminée autour d'un buffet dans des dialogues entre les constituants présents et le public.

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