La Suisse est engagée depuis quelques mois dans une amnistie fiscale qui permet aux fraudeurs d'éviter tout ou partie de l'amende, qui s'ajoute ordinairement aux montants dissimulés. La France est coutumière des remises de peine à l'occasion de l'intronisation d'un nouveau président.
Imagine-t-on des voleurs, qui auraient rendu le produit de leur larcin, s'en aller sans un jour de prison, des conducteurs arrêtés en état d'alcoolémie avancée bénéficier d'une mesure de clémence?
Mieux, imagine-t-on des entrepreneurs ou des financiers plus audacieux que les autres échapper à toute poursuite judiciaire, car prendre risque économique n'est pas un délit - tant que les formes sont sauves - même lorsque leurs audaces conduisent leur entreprise à la faillite et stressent des centaines ou des milliers de travailleurs?
Ce ne sont là, bien sûr, qu'exceptions, particularités, normalités, qui n'ont rien à voir avec un certain producteur de chanvre récidiviste, condamné certes pour quelques autres indélicatesses avec le droit. Et qui se meurt parce que les médecins respectent le droit à la mort - combien de vieux sont-ils alimentés à leur corps défendant? A qui l'on dénie le droit de mourir, parce que la sénilité les prive de leur libre arbitre?
Rappaz n'est pas sénile, mais déjà des voix s'élèvent pour dire que les lésions que la privation de nourriture entraîne, lui ôtent la pleine capacité de décider de son sort. Une fois gaga, on perd son droit à la mort. C'est ainsi que des institutions comme Exit en viennent à violer la loi en donnant des doses létales à des humains en pleine capacité de leur libre arbitre. Après c'est trop tard et c'est un crime.
Bref si je reviens sur ce sujet douloureux et tragique - mais, comme le remarque justement un commentaire que j'ai cité dans la Tribune, la chute mortel d'un travailleur père de quatre enfants n'est-elle pas plus tragique? - si je reviens sur l'affaire Rappaz, c'est entre autre pour rebondir sur les commentaires que j'ai reçus sous mon précédent billet. Et qui sont tous bien intéressants.
Encore une fois merci aux personnes qui ont déposé un ou plusieurs commentaires sous mes modestes billets.
Laissez mourir Rappaz, c'est tout simplement manquer d'humanité. Il n'appartient à personne de juger les raisons d'un homme qui choisi la mort pour manifester son droit, même si son droit heurte le droit en vigueur. Le droit de grâce doit être appliqué sans plus tarder.
Commentaires
L'amnistie en question, qui est genevoise et non suisse, n'est pas une véritable amnistie car les contrevenants ne seraient pas seulement libérés de l'amende prévue pour l'infraction commise, mais aussi de l'obligation de payer une partie de l'impôt auquel ils ont échappé par leur infraction. Si l'on transposait cette amnistie sur un délit tel que le vol, le voleur échapperait non seulement à toute sanction, mais il serait également autorisé à conserver une partie du produit de son larcin... Cela pose évidemment un problème d'égalité de traitement vis-à-vis des contribuables qui ont tout déclaré.
Dans le cas de M. Rappaz, le problème vient du fait que le condamné use d'un chantage au suicide. C'est cette particularité de son cas qui devrait être mise en avant et qui pourrait permettre aux médecins genevois de ne pas appliquer leurs principes dits "d'éthique médicale". Ne pas nourrir un malade qui se sait condamné (par la maladie) et qui a donné des directives claires et constantes avant de perdre la capacité de décider et de communiquer ses décisions, ce n'est pas comme ne pas nourrir un condamné (pénal) en bonne santé qui veut faire supporter à l'Etat le poids de son suicide. La différence est énorme - faut-il que nous vivions dans un monde de fous pour que les médecins genevois ne la voient pas...
@ Lord acton
L'amnistie en matière de soustraction fiscale est bel et bien une amnistie suisse, laquelle prévoit que les repentis sont exonérés de toute sanction (amende) mais doivent payer les impôts éludés. Le Grand Conseil genevois est allé plus loin en prévoyant que les repentis était non seulement exempté de sanction mais encore qu'il leur était accordé un rabais fiscal de 70 % (ou de 100 % pour ceux qui n'ont dissimulé que 100'000 francs). Les électeurs genevois doivent encore se prononcer sur la loi adoptée par le Grand Conseil.
@ M.Mabut
L'aministie ne concerne que ceux qui se sont rendus coupable de soustraction, passible de l'amende, et non ceux qui ont commis une fraude, passible de l'emprisonnement. On peut ne plus vouloir faire la différence mais la législation fiscale fait encore à ce jour la différence.
Excellent billet !
"et non ceux qui ont commis une fraude, passible de l'emprisonnement."
Et en quoi consiste une fraude? Quelle est la différence avec une soustraction? Avez-vous un ou des exemples?
Par exemple un avocat ou un médecin (j'en connais - double comptabilité) qui ne déclare pas tous ses revenus, commet-il une soustraction ou une fraude?
Merci.
@ M.Mabut
Votre billet me laisse perplexe. Vous écrivez :
"Mieux, imagine-t-on des entrepreneurs ou des financiers plus audacieux que les autres échapper à toute poursuite judiciaire, car prendre risque économique n'est pas un délit - tant que les formes sont sauves - même lorsque leurs audaces conduisent leur entreprise à la faillite et stressent des centaines ou des milliers de travailleurs?"
Est-ce à dire que vous estimez qu'il est urgent de condamner ceux qui n'ont pas commis d'infraction et ce tout de suite ? Et donc préconisez une violation crasse d'un principe civilisationnel en matière de droit pénal : pas de peine sans loi ? Ou bien alors estimez-vous qu'il est urgent de modifier la législation pour embastiller ceux qui sont à l'origine d'une faillite ? Même non fautive ?
Lorsqu'une collectivité publique est surendettée parce que le électeurs font pression pour recevoir des prestations et payer moins d'impôt, faut-il embastiller les électeurs ?
@ CEDH Je n'ai pas écrit qu'il fallait embastillé tous les patrons qui font faillite. Je constate simplement que des patrons téméraires, souvent soutenus par l'opinion et la presse et placé dans l'exigence de rendements excessifs par certains capitalistes, ont par leurs décisions précipité leur entreprise dans des difficultés graves, voire dans la faillite, dont les travailleurs et les créanciers ont été les victimes. C'est sans doute ce qu'on appelle un risque systémique du système capitaliste. La prison n'est sans doute pas la solution, mais des sanctions sont sans doute nécessaires. Il y a bien des radars sur les routes et même parfois des patrouilles de police. Créer de véritables polices nationales et internationales des opérations boursières et financières est sans doute une utopie actuellement, mais doit néanmoins s'imposer. Quant aux collectivités surendettées, elles n'échappent pas aux sanctions: voyez la Grèce et quelques autres pays.
Au fait, quand est-ce que l'on boit un verre?