C'est le mot du jour dans les médias. Genève héberge le 6e congrès du journalisme d'investigation. La profession a ses héros comme le tennis ses champions, l'économie ses saints patrons (à non, là je me suis trompé de référence) et la politique ses icônes.
Bref, nous avons Roberto Saviano et ses sept gardes du corps qui le protègent de la mafia, Florence Aubenas, et les Prix Pulitzer. Le tennis a Rodger, l'économie Ospel (avant la chute), Bertarelli (avant la vente) ou Vasella (avant les bonus) et la politique genevoise a... Chavanne. L'ancien ministre socialiste de l'Education nationale genevoise va être statufié par l'Association des employés des écoles professionnelles (qui cherchent des sous pour ça), annonce "Les clefs de l'école" - qu'on écrit aussi clé mais le français rénové est moins sélectif - le magazine que Charles Beer a distribué à 250'000 exemplaires aux Genevois cette semaine. Sera-t-il un jour statufié?
Bref, tout le monde ne peut pas être un héros. L'investigation, avant les feux de la rampe, c'est d'abord un travail de fourmi où la ténacité, voire l'entêtement, et le courage le disputent à la noble cause de rendre public ce que le public doit savoir au nom de la vérité et de la loi et de l'ordre démocratique. A ce propos...
... Je suis tombé un peu par hasard mercredi soir sur justement les Mercredi de l'histoire, l'émission d'Arte. La chaîne franco-allemande diffusait un film sur la fin de la guerre du Vietnam: L'homme qui a fait tomber Nixon - Daniel Ellsberg et les dossiers secrets du Pentagone. Un documentaire formidable qu'il faut voir et revoir. Le héros c'est Daniel Elsberg, un haut fonctionnaire du Pentagone.
Un héros comme on les aime, beau, fort, fidèle, engagé, qui n'a pas froid aux yeux, qui est méthodique, organisé, intelligent et qui réussi non pas à arrêter la guerre du Vietnam - il découvre combien les gens sont aveugles aux évidences - mais dont l'action a contribué à la chute de Nixon et à renforcer le fameux premier amendement de la Constitution américaine, celui qui consacre la liberté de la presse.
En deux mots, Daniel Elsberg était un conseiller écouté de Mc Namara qui a fidèlement grossi les exactions des Vietcongs au début des années soixante ce qui a permis à Johnson de justifier le bombardement du Nord-Vietnam. Elsberg était alors amoureux d'une pacifiste qu'il a quittée (mais l'histoire se termine bien).
La guerre prenant le tournant que l'on sait , il s'est résolu quelques années plus tard à photocopier 7000 pages d'un rapport du Pentagone et s'est arrangé pour le diffuser aux journaux et à un sénateur. Le New York Times, après 12 jours de réflexion et d'expertises juridiques contradictoires, publia cette somme le premier, avant d'être stoppé par la Justice. Le Washington Post a relayé, avant d'être à son tour stoppé et ainsi dix-sept journaux américains ont pris le relais. Elsberg a été poursuivi et a risqué 115 ans de prison. Il n'en a pas fait un jour. Nixon était tombé entre-temps sur l'affaire du Watergate. Neuf mois plus tard les Américains quittaient Saigon dans les conditions que l'on sait.
D'investigation il n'y a pas eu dans cette affaire. Elsberg est un héros, un whistleblower sans qui les journalistes ne pourraient pas grand chose. En Suisse, Christoph Meili qui a divulgué les documents d'UBS et a déclenché l'affaires des fonds juifs est un paria.
Pour revoir ce documentaire jusqu'à lundi prochain cliquez ici
Commentaires
Il est vrai que pour la tribune de Genève, le journalisme d'investigation c'est un peu de la science-fiction. Il est plus facile de se faire manipuler par la police genevoise en se faisant refiler la photo du fiston Khadafi en prétendant que l'on levé un scoop...c'est sans doute cela la morale de l'histoire.
Bizarre... bizarre...
Faut se demander si le journalisme d'investigation
celui qui opère en caméras cachées / & leurs acolytes, ces appréciables dartagnans /
ne serait pas, dans sa diffusion, le dernier bastion de notre monde démocratique occidental ?
Je fais partie de ceux qui zieutent, s'imbibent &/ou dévorent leurs reportages.
Car semble-t-il, ces reportages semblent être LES SEULS, dans le monde journalistique,
à rapporter des infos se rapprochant 'au mieux' de la réalité.
Crédibilité journalistique ou médiatique,
faut choisir.
les whistleblowers ont la vie dure.. faut du muscle!
y en a-t-il encore quelque part,
dans la finance
les assurances,
dans les arcanes de la médecine
ou parmi les cadres des multis de GE ?
tja! on est en 2010, la vie est chère, hein?
Cher confrère, merci pour votre commentaire pertinent. Vous faites une distinction utile entre le journaliste d'investigation (Salviano) et le whistleblower (Ellsberg). Mais certains "siffleurs" n'ont pas que de nobles intentions, comme l'informaticien qui a piraté les comptes de HSBC.
A ce propos, j'ai écrit une chronique dans Le Monde.fr www.lemonde.fr/marc_schindler
Confraternellement.