Bernard Favre m'invite à participer au groupe "Né un 30 novembre", qu'il vient de créer sur Facebook. Ancien journaliste à la Tribune de Genève, ancien secrétaire général du parti radical genevois, ce Valaisan est actuellement secrétaire adjoint du Département de la Solidarité et de l'Emploi et, à ce titre, homme des missions spéciales de François Longchamp. Le conseiller d'Etat radical deviendra le 7 décembre président du gouvernement genevois. Comment interpréter l'action de son bras droit?
Comme une action citoyenne lancée dans l'émotion d'un vote populaire. Bernard Favre lance un Kulturkampf pour la laïcité. Il propose de corriger aussi vite que possible le vote des Suisses contre les minarets de ce dimanche. Un vote certes honteux, un vote contraire à notre Etat de droit et à la Convention européenne des droits de l'homme. Un vote de peur, mais aussi un vote protestation.
Protestation des Suisses, qui ont saisi l'occasion sans frais, d'exprimer leur avis contre une pensée figée et inégalitaire. Protestation des femmes surtout, qui, peut-être plus que les hommes - les analyses sociologiques du vote nous le diront - ont exprimé le ras-le-bol du double langage des leaders musulmans, mais aussi des hommes musulmans qui continuent de tenir les, leur(s) femmes pour quantité négligeable.
"Les Suisses qui ont voté l'interdiction des minarets ont donné la mauvaise réponse à la mauvaise question, écrit Bernard Favre. Probablement parce que le gouvernement, les partis et les organisations économiques ne se sont pas assez engagés pour expliquer l'enjeu. Vous voulez relancer immédiatement le débat sur la laïcité, la liberté religieuse et l'intégration? Ce groupe vise à créer une association pour lancer une initiative populaire pour remettre en question le vote du 29 novembre. Et trouver de vraies pistes pour l'intégration et la tolérance."
Une bien belle initiative à laquelle je ne peux qu'adhérer. Encore que ce Kulturkampf pour la laïcité ne me paraît pas répondre aux inquiétudes que les Suisses ont majoritairement exprimées ce dimanche dans les urnes. Il y a un siècle et demi les radicaux étaient à la tête d'un autre Kulturkampf dont la cible était les adeptes du culte catholique romain.
Le minaret est certainement l'arbre qui cache la forêt. Plutôt que de dénoncer un vote aveugle, les leaders politiques confis dans leurs convictions feraient mieux d'analyser l'inquiétude des Suisses. Anamnèse délicate car elle porte sur la nature-même de l'islam et plus particulièrement de la lecture fondamentaliste du Coran qui domine actuellement le monde.
Les Suisses s'inquiètent de ces prétentions qui sont celles des imams de s'arroger le droit de modeler la sphère publique et de stigmatiser les adeptes qui ne choisiraient pas les comportements et des tenues vestimentaires orthodoxes. C'est le cas des femme qui sont tenues en état de sujétion par rapport à l'homme.
Cet esclavage qui ne dit pas son nom nie un des fondements de notre culture issue du christianisme et des philosophes et qui charpente désormais le vivre ensemble en Europe.
L'islam doit se réformer. Mais seuls les musulmans pourront le réformer. Je doute qu'une nouvelle initiative change quelque chose à cette lecture de l'islam par les musulmans eux-mêmes. Pire elle risque de mettre les musulmans modérés dans une situation périlleuse.
Commentaires
La plupart des gens un peu attentifs savaient que les Suisses allaient dire oui à l’interdiction des minarets. La rhétorique d’intimidation des partis politiques, des médias, des bien-pensants, a fait que les sondages ont été falsifiés parce que les gens en ont menti.
Ils le savaient d’autant mieux que l’argument aujourd’hui partout ressassé que ce « oui » est celui de la peur est un faux argument. C’est une mauvaise analyse. Peut-on imaginer que le peuple ait voté avec sa raison parce que justement cette raison il ne la trouvait pas suffisamment dans l’islam ? La nature de l’islam fait que la distinction (presque tous les cantons) ou la séparation (deux cantons) entre l’ordre de la spiritualité et l’ordre de la science, de la politique, de la raison n’est pas assez délimité.
Tant que l’analyse de ce scrutin se fondera sur le faux présupposé qui veut que la peur ait présidé au vote, tant qu’on n’envisagera pas que c’est parce que l’islam n’est pas soluble dans la démocratie telle que nous la pensons, le dialogue si nécessaire pour trouver un chemin raisonnable ne pourra qu’échouer. Il est temps qu’on se cesse de fonder nos analyses sur de faux principes si les partis modérés veulent subsister.
Je suis assez d’accord avec les propos de M. Mabut.
C'est une bonne initiative que celle proposée ci-dessus. Elle vient un peu tard et ne résoudra pas tous les problèmes.
N'oubliez pas l'éducation des enfants. Une objectivité sans faille dans l'enseignement de "l'histoire des Religions".
Un petit mot aux journalistes, méias, intellectuels, policitiens. Arrêtez votre cinéma:
La votation de hier est une "affaire de construction". Cela n'a rien à voir avec
un relent de racisme et de xénophobie.
une peur de l'étranger
une humiliation des musulmans
une arrogance envers l'Europe
une guerre des religions
un match de boxe avec les Pays Arabes.
Le peuple est intelligent. Arrêtez de semer la panique et de distiller la peur. Elle est l'arme des plus faibles.
Mais je dois avouer que le débat entre laïcité et religion n'est pas pour me déplaire.
Lire et relire Pena-Ruiz : "Qu'est-ce que la laïcité ?"
Ce débat m'intéresse, bien qu'il ne réponde pas directement au résultat stupide et grave d'hier après-midi.
Il y a plusieurs manières de voir et de vivre l'Islam. Après le vote de ce dimanche, il est d'autant plus important d'aider les musulmans modérés à mener leur combat pour renforcer un Islam d'Europe ou de Suisse qui soit pleinement compatible avec les principes intangibles de notre démocratie. Un combat qui est avant tout interne à l'Islam.
Tant l'UDC et les promoteurs de l'initiative que les tenants d'un Islam intolérant et discriminant pour la femme par exemple se renforcent les uns les autres dans leurs postures de combat. De l'antagonisme ils font leurs slogans, leurs prêches et leurs exclusions. Il faut que le bon sens et la connaissance de l'autre l'emportent mais en évitant l'angélisme avec lequel la gauche traite trop souvent ces thèmes.