Ce matin, je suis allé à la messe de 10 heures à Saint-Julien. L'église Saint Pierre et Paul en Genevois, située entre le Crédit agricole et un supermarché Champion, au coeur de ce bourg devenu cité satellite genevoise, accueille quelque 350 fidèles dans sa grande nef blanche. Une belle ferveur, une chorale approximative, des chrétiens engagés introduisent la cérémonie. Combien de Suisses, me suis-je demandé, vivent à Saint-Julien ou viennent-ils y faire leurs courses? Quelques centaines? La directrice de la chorale a cru bon traduire le cantique de la page trois cent quatre-vingts-dix en trois cent nonante.
Mais là n'est pas l'essentiel. De part et d'autre de la frontière, les églises sont bien moins fréquentés que les centres commerciaux. Question de marketing? Peut-être. Question existentielle surtout: vivre l'instant à tout instant est le pari de cette société tout entière centrée sur le présent, craignant l'avenir et ignorant le passé.Le passé, c'est le diocèse de Genève, devenu il y cinq siècles, diocèse de Genève Annecy puis, sous Napoléon, de Chambéry et Genève (C'est en 1821, qu'a la demande du gouvernement genevois le pape retire à l'archevêque de Chambéry le titre d'évêque de Genève et le transfère à l'évêque de Lausanne résidant à Fribourg devenu en 1924 évêché de Lausanne, Genève et Fribourg et ici. Le diocèse d'Annecy est lui créé officiellement en 1822). Les histoires de confession n'ont cependant pas cessé de se rappeler aux bons souvenirs de nos aïeux. Il n'y a pas si longtemps, l'idée de créer un diocèse à Genève a suscité l'ire des protestants et le retrait prudent de la proposition. Et si le Grand-Genève que nous promettent désormais nos autorités étaient pour les chrétiens - catholiques et protestants - l'occasion d'un nouveau dialogue transfrontalier.
Demain le diocèse oécuménique Annecy-Genève?
PS: A noter qu'un diocèse de Genève existe. C'est celui de l'église orthodoxe russe à l'étranger.
Commentaires
Déjà, le débat portera sur la disparition du diocèse de Genève, car officiellement, pour les catholiques, elle ne date pas de cinq siècles. Le diocèse d'Annecy a été créé à la fin du XIXe siècle, je crois, quand notamment les diocèses ont été alignés en France sur les départements. La persistance du diocèse de Genève explique pourquoi depuis Annecy un évêque pouvait diriger les paroisses du Pays de Gex, qui était en France, alors qu'Annecy était en Savoie. Le diocèse de Saint-Claude est dirigé depuis Lons le Saunier, vous savez. Les décisions de la cité de Genève et de sa bourgeoisie peuvent être légitimes en soi sans que cela change réellement le statut d'un diocèse. Finalement, c'est la nationalisation de l'Eglise catholique par la France qui a officiellement mis fin au diocèse de Genève.
Mais peut-être que là n'est pas la question. Il faudrait surtout voir si François de Sales, le saint emblématique de la France voisine, peut intéresser les Genevois. Et si bien sûr les catholiques sont prêts à respecter le choix de la bourgeoisie de Genève au XVIe siècle.
Cher M. Mabut, vous avez ajouté des précisions, depuis mon dernier commentaire. Merci de ces informations. Il me semblait bien possible que le diocèse de "Genève-Annecy" n'eût pas même atteint l'Annexion, et à mon avis, il a été supprimé dans la foulée de l'empire de Napoléon et du rattachement de Genève à la Suisse. Car le vrai problème devenait alors la dépendance des paroisses catholiques du canton de Genève à Annecy, qui nuisait à la cohérence administrative du territoire du canton.
Mais en fait, je ne sais pas si le terme d'évêché de Genève-Annecy, ou Annecy-Genève, existait avant la Révolution : j'ai le sentiment qu'il a été créé rétroactivement. François de Sales est appelé "M. de Genève" par Blaise Pascal, et d'autres de son temps, et Annecy n'a jamais donné lieu à un titre particulier. Et la raison en est simple : c'était déjà la capitale du comté de Genève depuis le XIIe siècle. Pourtant, on ne dit pas "comté de Genève-Annecy". Ce comté de Genève a été appelé duché de Genevois, ensuite ; mais on ne dit pas "duché de Genevois-Annécien". Saint-Julien était dirigé depuis Annecy, et ce qui le montrait, c'était qu'elle était "en Genevois" ; or, personne ne demande à ce qu'on dise : "en Genevois-Annécien". Pourtant, la distinction entre l'administration politique et l'administration ecclésiastique n'est pas forcément fondée, pour les temps anciens.
Il faut rappeler que c'est d'abord l'Empereur germanique qui a ôté au comte de Genève l'administration de Genève, réservée à l'Empereur et à l'Evêque. J'y reviendrai peut-être sur mon blog, mais il faut se rendre compte qu'en faisant cela, l'Empereur a aussi privé la future bourgeoisie de Genève de la possibilité d'administrer un jour le comté de Genève. Il faut en effet se souvenir que les deux capitales de l'ancien royaume de Bourgogne, Genève et Vienne, ont subi le même sort. Le Dauphiné n'est rien d'autre que l'ancien comté de Vienne, dont la capitale est Grenoble, depuis que Vienne a été donnée à son évêque par l'Empereur. Cela choque moins, parce que dans le mot "Dauphiné", on n'entend plus le nom de Vienne. Mais notez que dans "Haute-Savoie", on n'entend plus non plus le nom de Genève. Peut-être faudrait-il rebaptiser : Saint-Julien-en-Haute-Savoie, Clermont-en-Haute-Savoie. Cela éviterait les confusions. Cela dit, si on comprend l'histoire, les mopts peuvent être laissés tels quels.
Evidemment, Vienne n'est plus qu'une petite ville, tandis que Genève est restée grosse. La raison en est à mon avis que la situation de Genève lui a rapporté des revenus considérables, les marchandises devant passer par elle pour traverser le Rhône, tandis que Vienne a été supplantée à cet égard par Lyon sans difficulté : il n'y avait ni lac ni montagne pour contraindre les marchands à passer à Vienne.
Cependant, le modèle qui voit la bourgeoisie de la capitale s'emparer du gouvernement du pays, est assez prégnant, parce que c'est celui de Paris et de la France. La différence est justement que le roi de France était et avait été d'abord prince de l'Île-de-France, et que les magistrats du Roi étaient à Paris, même si lui-même était alors à Versailles. Or, les magistrats du comte de Genève étaient bien à Annecy, ville qu'il avait lui-même fondée pour administrer le comté de Genève, de la même façon que les magistrats du comté de Vienne étaient à Grenoble.
La prise d'indépendance de la bourgeoisie genevoise est légitime en soi, puisqu'elle correspondait à un besoin et à un désir. Mais elle n'implique rien sur l'ancien comté de Genève. Le titre lié à la cité de Genève est-il la propriété de la bourgeoisie de Genève ? Mais on pourrait aussi le donner à la bourgeoisie d'Annecy, créée parce que ce titre avait été donné à une dynastie qui s'est mis à vivre au pied du Semnoz, ou alors aux paysans et villageois du Genevois. Car c'est au départ un titre accordé en quelque sorte par Charlemagne. Mais à cette époque, je ne pense pas qu'on ait conçu une bourgeoisie comme pouvant régner sur un territoire. La Révolution en France a mis les maguistrats du Prince à la tête du pays, mais la révolution genevoise, pour les raisons ci-devant évoquées, n'a pas pu avoir le même effet, puisque les magistrats du Prince étaient annéciens.
(D'ailleurs, M. Mabut, vous écrivez : "L'église Saint Pierre et Paul en Genevois" ; mais le Genevois dont il est question, c'est bien en fait la région dirigée depuis Annecy à partir du XIIe siècle, et dont s'est dégagée Genève même. Cela n'a rien à voir avec la transformation de Saint-Julien en bourg satellite de Genève. Annemasse est dans le même cas, alors qu'elle était dans le Faucigny. Le château de Clermont en Genevois n'est pas vraiment situé dans un bourg devenu satellite de Genève. Ce château a d'ailleurs été bâti par un ami proche du père de François de Sales, lequel y reçut d'ailleurs sa tonsure. C'était l'époque à la Savoie se rapprochait beaucoup de l'Italie. Bref, à mon avis, l'influence économique de Genève n'a en fait rien à voir ni avec l'histoire ecclésiastique, ni avec l'histoire politique de la région. C'est un fruit de la mondialisation.)